Sentiment d’appartenance dans une entreprise de propreté

Cahier de l’entrée Travailler / Entreprendre

Argumentaire

J’ai débuté dans le secteur du nettoyage des locaux il y a 6 ans lorsque j’ai crée mon entreprise. La création de cette entreprise était également la création de mon premier emploi car j’avais été artiste pendant prêt de 10 ans et je n’avais jamais travaillé dans une entreprise avant cela. J’ai découvert dans ce secteur une façon de gérer les agents de propreté qui a profondément choqué tous mes repères et qui est la raison de mon indignation.

Le phénomène d’externalisation des prestations de propreté a apporté du positif dans les méthodologie de travail et a permis de faire des économies par une augmentation des cadences, mais il a selon moi énormément dégradé la qualité de vie au travail des agents de propreté.

En effet, lorsque les personnes en charge de l’entretien des locaux étaient recrutées directement par l’entreprise dans laquelle elles intervenaient, l’entreprise en question connaissait les noms et prénoms de chaque intervenant, s’intéressaient à l’aménagement des horaires, aux congés, aux conditions de travail, …. Ce personnel était intégré au reste du personnel.

Maintenant que l’externalisation des prestations est acquise dans la plupart des entreprises et administrations en Ile de France, il est normal que les personnes en charge de l’entretien soient sous la responsabilité d’entreprises de propreté, qui changent tous les 2 à 3 ans en moyenne.

Le fait que les entreprises soient remises en concurrence très régulièrement génère ce changement d’employeur qui ne permet aucun sentiment d’appartenance. Les entreprises en question délèguent, pour seul interlocuteur, un « inspecteur » qui est en charge de livrer les produits et de contrôler les prestations et il passe sur le site environ une fois par mois (variable en fonction des sites).

Les personnes qui interviennent sur le site n’ont donc plus personne qui s’intéresse réellement à eux. Le client considère que cela ne le regarde pas (« la seule chose que je demande c’est que les locaux soient propres ») et l’entreprise de propreté est géré par des financiers qui parlent de « masse salariale », de « budget horaire », …. Mais qui n’ont aucun lien avec leur personnel.

La situation est devenue normale des deux côtés. Les clients demandent en priorité aux entreprises de propreté « est-ce que vous nettoyez avec des produits écolabellisés » ou dans le meilleur des cas « est-ce que vous recrutez des personnes handicapées » mais ne se préoccupent pas de l’attention portée aux salariés qui interviennent dans leurs locaux. Les entreprises de propreté perdent ou gagnent des « contrats » et ne font aucunement participer les agents de propreté à la gouvernance de leur entreprise.

Changement d’échelle possible

A l’heure ou la communication vertueuse, en total décalage avec les réalités vécues par les salariés, crée de la défiance, il est temps d’agir.

Le message important : CES ACTIONS SONT AUTIFINANCEES PAR L’ENTREPRISE

Selon moi, les solutions pour reproduire ce modèle sont multiples :

1. Avoir des indicateurs autres que financiers

Je le répète très régulièrement à tous mes clients : mon meilleur indicateur, celui dont je suis le plus fier et qui me fait me lever le matin est ce que disent mes salariés de la façon dont je m’occupe d’eux et dont l’entreprise s’occupe d’eux. Si, en dehors de la présence de qui que ce soit de l’entreprise et sans qu’ils soient influencés, ils se disent satisfait d’être chez nous et indiquent que nous faisons des efforts pour leur bien être, cela remplace toutes les plaquettes RSE du monde.

Nous n’avons pas encore formalisé d’indicateurs de climat social mais le bien être des agents de propreté et de tous les collaborateurs est au centre de toutes les réunions et ceci est donc rentré dans la façon de voir l’entreprise pour tous les responsables de service.

2. Transmettre le message aux créateurs d’entreprise

Au moment de la création d’une entreprise, les questions à se poser ne sont pas les mêmes lorsque l’on va créer une entreprise de services à la personne ou de sécurité, basée uniquement sur la gestion d’hommes et de femmes et lorsque l’on est seul ou à deux à créer son propre emploi dans le secteur de la création de sites internet.

Il faut sensibiliser les créateurs d’entreprise à la responsabilité qui est la leur lorsqu’ils décident de recruter des collaborateurs.

3. Sensibiliser les donneurs d’ordres

Les consultations des entreprises de propreté sont extraordinaires ! Il est demandé plus d’engagements qu’à une entreprise qui serait gérée par Nicolas Hulot et l’Abbé Pierre en même temps et toutes les entreprises s’engagent toutes plus les unes que les autres.

Le problème à cela ? Il n’existe que le métier d’acheteur mais pas celui de contrôleur. J’entends par contrôleur non pas seulement une personne en charge de la bonne exécution des prestations mais également du bon respect des engagements pris.

Le problème n’est pas, comme on pourrait le croire, que les donneurs d’ordres ne sont pas assez impliqués. Ils le sont ! Les volets RSE, développement durable, handicap, …. des dossiers de consultations sont toujours très bien fournis et témoignent d’un engagement toujours plus fort. Il n’y a cependant jamais de contrôles, ce qui pousse les entreprises à la surenchère d’arguments commerciaux bidons qui deviennent hilarants lorsque l’on croise par exemple, sur le terrain, les agents de propreté de ces belles entreprises (commercialement) vertueuses.

Facteurs de succès

1. Avoir des indicateurs autres que financiers

2. Transmettre le message aux créateurs d’entreprise

3. Sensibiliser les donneurs d’ordres

Impacts de l’initiative

Bonheur exprimés par les salariés de travailler dans cette entreprise

La structure, porteuse de l’initiative

Plus que Parfait et Le Petit Plus sont des entreprises de propreté qui interviennent auprès des entreprises et des administrations.

Elles sont en cours de conventionnement, l’une en entreprise d’insertion, l’autre en entreprise adaptée

Le modèle financier

autofinancement

Les acteurs (Qui ?)

Direction de l’entreprises, délégués du personnel, salariés, clients

Présentation de l’initiative (Quoi ?)

Le but de l’initiative est de renforcer le sentiment d’appartenance à l’entreprise et de démontrer à nos collaborateurs que nous nous intéressons sincèrement à eux. Ceci afin d’avoir le sentiment de gérer une « belle entreprise » et non pas seulement un centre de profit.

Pour cela, nous avons mis en place un grand nombre d’actions très différentes mais qui convergent toutes vers cet objectif :

1. Les vœux

Nous avons mis en place deux événements festifs de façon annuelle lors desquels l’ensemble des collaborateurs sont invités. Faire « les vœux » dans une entreprise n’a rien d’exceptionnel, hormis lorsque l’entreprise en question est une entreprise de propreté (malheureusement).

Ces événements se déroulent en deux parties. Tout d’abord une réunion lors de laquelle tous les collaborateurs se présentent, le dirigeant fait une présentation de la période passée et des projets à venir et chacun s’exprime sur sa vision de l’entreprise et se préconisations d’amélioration de son fonctionnement. Ensuite un repas festif.

2. Le dialogue social

Le dirigeant fait la promotion du dialogue social auprès de tout le personnel et tente de faire passer le message que s’impliquer dans une action militante et syndicale contribue à renforcer l’entreprise et non à l’affaiblir. Concrètement, cela se traduit par un soutient très important aux délégués du personnel et à leur très grande implication dans la gouvernance de l’entreprise.

3. Les réunions thématiques

Deux réunions mensuelles sont organisées et, en plus des invités permanents (responsables de services, délégués du personnel, tous les apprentis), 5 sièges sont ouverts pour l’ensemble du personnel.

La première réunion est appelée « réunion de préparation au dialogue social » et est animée par les délégués du personnel. Elle a pour but de permettre aux salariés d’évoqués les éventuels difficultés qu’ils rencontrent à leur poste. Elle a également pour but de discuter du fonctionnement général de l’entreprise et de mettre en commun les questions à poser à la Direction dans le cadre des réunions des délégués du personnel avec la Direction (thème aussi abordé par les DP lors de leurs réunions internes hebdomadaires).

La deuxième réunion est appelée « réunion interservices ». Elle a pour but de discuter de l’actualité de chaque service à savoir : Commercial, Exploitation, Administratif, Insertion et Handicap, Délégués du Personnel, Direction.

4. Les groupes de travail

Il existe à ce jour deux groupes de travail : « hygiène, santé et sécurité au travail » et « ressources humaines ».

L’ensemble des collaborateurs peuvent se porter candidat pour participer aux travaux de ces groupes.

Il est envisagé de créer deux nouveaux groupes de travail en 2012 : « environnement » et « analyse financière mensuelle de l’entreprise »

5. Le fichier de gestion des réclamations salariés

Ce fichier à pour but de consigner toutes les réclamations des salariés et d’assurer un suivi du traitement desdites réclamations comme nous le faisons pour les réclamations clients.

6. Les causeries trimestrielles sur les sites multi agents

Il est prévu que le responsable d’exploitation ou un autre membre de la direction accompagne le responsable de secteur de chaque site multi agent, une fois par trimestre à date fixe, rencontrer les salariés sur leurs sites pour écouter leurs doléances.

Ceci évite que les salariés n’aient qu’un seul interlocuteur dans l’entreprise comme s’est le cas dans toutes les entreprises de propreté.

7. Les réunions d’information

Notre personnel a très souvent des difficultés à comprendre ou a lire le français (nous avons mis en place des formations alphabétisation) et il a encore plus souvent du mal à comprendre les droits qui sont les siens dans le cadre de son contrat de travail.

Les encadrants d’exploitation dans le secteur de la propreté le savent et en abusent.

A l’inverse, nous organisons des journées d’informations sur des thèmes tels que « savoir lire et comprendre son bulletin de salaire », « comment calculer ses droits à congés payés », « la rupture du contrat de travail », …

8. L’information sur la démarche de solidarité

Nous recrutons beaucoup de personnes en difficulté sociale, en situation de handicap ou très éloignées de l’emploi et avons mis en place un grand nombre d’actions solidaires.

Nous tentons d’impliquer un grand nombre de nos collaborateurs dans ces actions pour que ces choix et ces orientations soient partagés et que nos collaborateurs soient fiers de leur entreprise. Le signal est clair pour tout le monde : la finalité de l’entreprise n’est pas que financière, ce qui renforce l’attachement de tous à celle-ci !

Ressources, financements et moyens utilisés

autofinancement

Synthèse de mon indignation en une seule phrase

Le sentiment d’appartenance à l’entreprise inexistant des agents de propreté dans les entreprises de nettoyage et le décalage entre la communication (« la seule richesse c’est nos salariés ») et le peu de considération et d’implication dans la gouvernance que l’on observe dans les faits.