Cahier de l’entrée Travailler / Entreprendre
Ce cahier a été rédigé collectivement en région PACA dans le cadre de la dynamique des Etats Généraux. Il est une proposition de synthèse des différentes tables citoyennes (voir les fichiers attachés) et du forum régional (qui a réuni 150 personnes) sur la thématique Economie Emploi. Cette synthèse a été construite par l’APEAS, Agence Provençale pour une Econoie Alternative et Solidaire et validée par le comité de pilotage régional thématique composé d’une vingtaine de structures.
« L’Économie Sociale et Solidaire aux racines historiques profondes, rassemble une grande diversité d’initiatives économiques qui touchent aujourd’hui tous les domaines de l’activité humaine et tous les secteurs économiques. L’économie sociale et solidaire propose un autre modèle de développement, contestant le capitalisme, qui remet l’économie au service d’un projet de société basé sur des valeurs de solidarité, de justice, de coopération, de développement partagé et de durabilité.
Les entreprises de l’économie sociale et solidaire ont construit d’autres voies, d’autres modèles d’organisation. Elles proposent une transformation de notre manière de concevoir les échanges économiques : une autre manière de compter ce qui fait richesse et de repenser la répartition, un esprit d’entreprise tourné vers l’utilité sociale, c’est à dire l’intérêt général, la préservation des ressources et la solidarité entre les générations, une manière d’entreprendre qui s’appuie sur la mobilisation citoyenne de son bénévolat, un rapport au travail qui s’appuie sur des principes de gestion éthique et de participation de l’ensemble des parties prenantes de l’activité économique : fournisseurs, salariés, usagers, partenaires, collectivité locales…
Une autre manière de concevoir les échanges économique qui ré-encastre l’économie dans le vivre ensemble, relocalise l’économie dans nos territoires de vie du local au global.
L’ESS aujourd’hui en Région PACA c’est 10 % au moins de l’activité économique, pourtant force est de constater que l’ESS n’apparaît pas encore clairement dans le débat politique comme l’un des éléments fondamental de la réforme nécessaire du modèle dominant (expansion de l’économie néo-libérale). Son action au quotidien et sa capacité transformatrice ne sont pas visibles et l’ESS reste difficile a appréhender dans sa globalité. Elle contribue pourtant largement à l’insertion de publics fragilisés, à la formation tout au long de la vie, à la reprise d’entreprises et à des formes d’innovations sociales permettant le mieux vivre ensemble tout au long des âges et l’irrigation de l’ensemble des territoires.
En partenariat ou en complément des politiques publiques, elle est un vecteur significatif du développement économique, social et environnemental.
Sur la base de ce constat plusieurs éléments de questionnement ressortent particulièrement :
Comment refaire du travail un acte constitutif de bien être individuel et du mieux vivre ensemble ?
Peut on continuer a développer un modèle économique basé sur la croissance qui nous renvoie a un projet de société dont on ne voit pas la durabilité, entraînant une dégradation des ressources naturelle et une logique de surproduction de biens sans rapport avec la réponse au besoins fondamentaux de l’humanité ?
Peut ton continuer a soutenir un modèle économique qui contribue a une répartition des richesse de plus en plus inégalitaire et qui n’a pas su démontrer sa capacité à lutter contre les exclusions.
Peut on continuer a soutenir un modèle économique incapable de répondre aux besoins fondamentaux d’une part grandissante de la population qui ne peut subvenir dignement à ses besoins en terme de logement, d’alimentation et de santé..
Peut on continuer à soutenir un modèle économique qui détourne la monnaie de sa fonction d’outil d’échange pour en faire un outil au service de l’accumulation de richesse pour une minorité a travers la spéculation ?
Comment construire des partenariats entre entre acteurs de l’ESS et politique publique qui ne conduisent pas à des injonctions paradoxales qui mettent en souffrance les acteurs de terrains : dérive technocratique des politiques publiques, obligation d’insertion des projets dans des dispositifs et sentiment de la perte de sens, passage du partenariat financier relevant du fonctionnement général vers du financement d’actions, absence de soutien sur les besoin en fonds propres…
L’Economie Sociale et Solidaire n’est ni une économie d’assistés, ni une économie de la réparation. Au contraire, l’ESS est une économie qui relie et renforce la cohésion sociale en luttant contre les exclusions, en répondant à l’intérêt général et en favorisant les échanges.
A l’opposé du modèle dominant qui vise a inscrire l’ensemble des échanges économiques dans le marché et à reverser ce qui ne peut s’inscrire dans le marché faute de rentabilité dans le champs de la philanthropie, l’ESS propose de ré-encastrer dans le modèle économique trois dimensions : l’économie de la solidarité, l’économie de la redistribution et l’économie de marché.
Parce qu’elle est basée sur des valeurs d’équité et de partage, l’ess favorise la production de biens et de services qui répondent aux besoins essentiels ou non couvert des populations, plutôt que la production de biens et de services qui répondent à une logique de maximisation des profits des actionnaires.
Pour parvenir à ce que ce modèle économique passe de la marge à la norme, l’assemblée réunie dans ce forum propose :
1. De développer l’éducation à l’ESS :
En s’appropriant les méthodes et les outils de l’éducation populaire pour favoriser l’émancipation des citoyens vers une citoyenneté économique.
En se battant pour que l’ESS intègre les programmes de l’éducation nationale par le développement d’actions éducatives mais également par l’inscription de l’ESS dans les manuels scolaires.
En s’appuyant sur le développement de médias alternatifs et participatifs pour communiquer autrement sur l’ess.
En développant des espaces locaux d’animation, d’information et de mises en lien sur l’ESS, à l’échelle des bassins de vie (sur le même modèle que les PILES).
2. D’ouvrir le débat sur ce qu’est l’ESS :
Poser la question du périmètre de l’ESS et des critères d’identification, continuer à définir ce qu’est l’innovation sociale, l’utilité sociale, les nouveaux indicateurs de richesse…
Travailler sur les alliances avec les TPE et les PME qui aujourd’hui partagent un certains nombre de nos valeurs et qui sans intégrer les outils d’accompagnement de l’ESS risquent de se maintenir dans une viabilité précaire.
Travailler à irriguer, à travers des outils comme la RSE, les valeurs de l’ESS dans les entreprises classique pour les accompagner vers une économie responsable.
Dans ce cadre travailler sur :
le cadre réglementaire et législatif : une loi pour l’ess en France (sur le même modèle que ce qui a été fait en Espagne),
des indicateurs redéfinissant ce qui fait richesse,
l’évaluation de l’utilité sociale.
3. Renforcer l’accompagnement des entreprises de l’ESS de l’émergence du projet à la pérennisation et au développement .
Développer les dispositifs d’accompagnement comme cela ce fait par exemple dans le cadre de la politique régionale en PACA.
Développer la solidarité entre acteurs de l’ESS : campagnonnage, fond de soutien…
Développer la coopération et la mutualisation entre acteur de l’ess.
Développer les sources de financements et les dispositifs d’aides : notamment développement des outils de financement solidaires, développement des fonds de dotation, des fonds de mutualisation, Renforcement des capacités d’accompagnement de structures type ESIA.
4. Développer les échanges entre acteurs de l’ESS :
Développer des politiques d’achat responsable dans les entreprises de l’ESS en favorisant les échanges locaux entre acteur de l’ess.
Développer d’autres modes d’échanges : monnaies complémentaires, échanges non monétaires …
Développer la coopération et la mutalisation de moyens entre acteurs de l’ess, développer les systèmes de solidarité interne et pour cela développer des plateformes d’échanges et de coopération.
Développer la coopération économique, capacité de s’associer pour répondre collectivement à des marchés…
5. Développer les partenariat autour de la co construction de politique publique :
Développer des partenariats avec les collectivités publiques basés sur des conventions d’objectifs pluriannuelles.
Intégrer les dimensions d’utilité social d’objectifs de non profit et de transparence des prix dans le code des marchés publics notamment sur les secteurs relevant du bien commun : eau énergie, alimentation…
Obtenir des dispositions fiscales qui favorisent et soutiennent les initiatives économiques de l’ESS.
Travailler pour une évolution de la législation pour favoriser un meilleur fléchage de l’épargne solidaires sur les activité de l’ESS et pas seulement sur les actions caritatives.
Travailler sur de nouvelles méthodes d’évaluation des actions qui intègrent davantage la mesure de l’utilité sociale, et l’économie réalisée par les finances publiques par la gestion désintéressée (intégration au pib)
Travailler a faire reconnaître l’innovation sociale au même titre que l’innovation technologique et à améliorer le soutien à la recherche et au développement en matière d’innovation sociale, notamment en soutenant le développement de la recherche action.
Accompagner le développement de la formation professionnelle des acteurs de l’ESS notamment en matière de cursus de professionalisation.
6. Favoriser le développement de l’emploi dans l’ess :
Former une génération pour répondre au besoin de renouvellement des salariés des organisations de l’ESS et notamment des cadres.
Travailler sur l’amélioration de la qualité de l’emploi dans l’ESS et travailler également sur la manière d’évaluer la qualité de l’emploi dans le champs de l’ESS (lien entre engagement et salariat, articulation temps salarié / temps bénévoles, temps partiel volontaire…),
Travailler sur l’amélioration de la rémunération.
Travailler à une meilleure reconnaissance des différentes formes des ressources humaines de l’ESS : bénévolat, volontariat, …
Exiger des politiques d’aide à l’emploi le re-déploiement de contrats aidés qui permettent une réelle insertion des salariés dans l’entreprise et permettent de pérenniser le poste et l’activité : des contrats aidés de plus longue durée, associés à des dispositifs de formations professionnelles et inscrits dans des dispositifs d’évaluation de leur efficacité.
7. Créer des alliances avec tous les acteurs économiques qui ont aujourd’hui intérêt pour se pérenniser à intégrer la démarche de l’ESS :
Utiliser pour cela les cadres réglementaires existants, par exemple l’agrément Entreprise Solidaires
Reposer la question du périmètre, et avancer vers une loi sur l’économie sociale et solidaire qui répondent notamment aux question d’élargissement sans remettre en cause les valeurs, principes et pratiques qui fondent l’ESS. L’assemblée s’accorde pour dire que certes les statuts juridiques de l’ESS ne peuvent constituer une règle suffisante pour définir l’ESS et que l’on doit s’attacher à une définition à partie de l’objet sociale et de l’utilité sociale, mais que pour autant il ne faut pas remettre en cause des les acquis fondamentaux de l’économie sociale que constitue notamment les statuts juridiques associatif, coopératif et mutualiste.
Ne plus être dans une logique d’opposition radicale avec les démarches qui favorisent la responsabilisation des entreprises classiques type RSE, mais plutôt accompagner ce type de démarches pour une imprégnation plus forte de l’ESS dans la construction d’une économie responsable.
Recréer des synergies et des partenariats plus forts entre acteurs de l’ESS, acteurs du développement local et acteurs de l’éducation populaire.
Nous proposons :
1. De clarifier ce que nous sommes et de nous protéger de l’imposture :
Comment définir clairement le périmètre de l’ESS : Les statuts juridiques sont un élément essentiel mais insuffisant pour définir le périmètre de l’ESS, nous avons besoin de travailler a partir des finalité sociales et des pratiques mises en place pour y répondre. Ce manque de clarté dans ce qui nous définit constitue une des difficultés de notre lisibilité par le grand public.
Clarifier ce que nous sommes c’est également se protéger du piège de l’imposture, qui consiste à ce que des entreprises de l’économie capitaliste ce targuent, comme le groupe accord par exemple, d’être exemplaires en matière de tourisme solidaire parce qu’il ont obtenu un label qui leur donne bonne conscience. Nous devons nous protéger du risque de récupération des labels, chartes, démarches qualité ou référencements qui ne sont réalisés que dans une démarche purement marketing sans que cela ne constitue de réalités concrètes dans l’évolution des pratiques et des finalités mise en place. Cela passe par la nécessaire définition de ce qu’est l’utilité sociale, par la mise en place de démarches d’évaluation, de critères et d’indicateurs de l’utilité sociale. Cela passe par la mise en place de logique de démarche progrès ou de système de garanties participatives.
2. De remettre l’homme au coeur de l’économie :
Développer l’engagement citoyen dans l’economie et promouvoir le développement d’entreprises s’inscrivant dans la démarche de l’ESS :
Nous devons agir pour que chaque citoyen se réapproprie l’économie à travers ses pratiques : passer de la posture de consommateur à celle d’usager-coproducteur des services et des biens qu’il consomme : jardin solidaire, AMAP, groupement d’achat, coopérative de consommateur, sociétaire mutualiste, club d’investisseurs solidaires…
Nous devons agir pour que notre activité professionnelle s’inscrive dans des entreprises de personnes (coopératives, mutuelles, associations) plutôt que dans des sociétés de capitaux.
Nous devons promouvoir un modèle entreprenarial qui intègre les parties prenantes de l’activité (usagers, clients, fournisseurs, salariés, bénévoles, partenaires..) dans le développement stratégique de l’entreprise et sa gouvernance.
3. D’accompagner le développement des entreprises de l’ESS :
Structurer les réseaux d’accompagnement des entreprises de l’ESS qui intègrent dans leur modalité d’accompagnement la prise en compte de la dimension collective des projet et la nécessaire articulation entre viabilité économique et finalité sociale. Sur cette proposition nous proposons de continuer à développer le dispositif régional d’accompagnement mis en place par la région PACA, et de travailler sur la mise en lien de ce dispositif avec les autres dispositifs associés à un statut, type DLA pour les association ou outils d’accompagnement des réseaux coopératifs.
Développer l’utilisation et la création de statuts juridiques qui favorisent des modes d’organisation permettant le développement de la coopération, de la mutualisation et l’inscription de finalités sociales dans les projets économiques : SCOP, SCIC, CAE, Groupements d’Employeurs…
Travailler les modalités de mise en pratique de la gouvernance démocratique au sein des organisations, dans les procédures de prise de décision et le partage du risques.
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4. De travailler sur une meilleurs prise en compte des moyens humains et matériels qui participent à l’activité :
Valorisation et prise en compte du bénévolat, des apports en nature, des échanges non marchands… Travailler également sur la démonstration de ce que nous produisons : nouveaux indicateurs de richesse, utilité sociale, innovation…
5. D’améliorer la prise en compte des activités économiques non marchandes ( SEL, bourses du temps,monnaie sociales et/ou complémentaires,…) dans la valorisation de l’activité économique et de développer les outils permettant de nouvelles formes d’échanges.
6. De renouveler notre regard sur le potentiel humain des territoires en définissant les bases d’un entreprenariat collectif.
Un constat partagé : Le sentiment d’une économie ultra libérale qui détruit les hommes et les territoires. Le sentiment d’une dévalorisation de la valeur travail qui réduit l’emploi à une fonction utilitariste au service d’un système inégalitaire où une majorité de personnes ont le sentiment de lutter pour avoir un travail dans lequel ils s’épanouissent difficilement, mais qui leur permet d’obtenir de quoi contribuer au consumérisme généralisé, au service d’une minorité qui n’a plus besoin de travailler pour s’enrichir puisqu’elle vit de la spéculation.