La responsabilité sociale des employeurs de l’économie sociale : une réponse sur le registre de la preuve par les actes.

Cahier de l’entrée Travailler / Entreprendre

Argumentaire

Discourir sur la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) n’est pas seulement un phénomène de mode mais constitue une réponse à de fortes pressions législatives et réglementaires (normes, certifications…). Le rapport RSE constitue aujourd’hui la principale source d’évaluation des critères de reporting social et environnemental. Les entreprises, notamment cotées, font de la RSE un outil de marketing social qui, dans l’esprit, est bien loin des valeurs et principes défendus par l’économie sociale et solidaire. Sur ces bases, de grandes entreprises mettent en place des politiques de green et social washing opportunistes qui mettent en avant des préoccupations philanthropiques pour mieux légitimer un business dit éthique visant in fine la recherche du profit et la rémunération des actionnaires. Ainsi, le rapport RSE du groupe Total s’inscrit dans une visée de légitimation et, à l’instar de la communication des dirigeants, dans un discours propagandiste sur le développement durable alors que Total continue d’être l’un des plus grands pollueur de la planète. Mais ces politiques sont économiquement et financièrement rentables. Alors pourquoi en changer ?

Il en est de même avec nombre de politiques sociales qui ont tendance à considérer le salarié comme une variable d’ajustement au détriment de la qualité de vie au travail. Ce qui s’est passé ces derniers mois chez Renault ou France Télécom interroge sur la façon dont certaines grandes entreprises ont longtemps considéré le rapport de l’individu au travail tout en prenant à présent conscience qu’il convient de bâtir des modèles économiques plus humains.

Présentation de l’initiative (Quoi ?)

Les valeurs et principes de l’économie sociale et solidaire : primauté de l’Homme sur le capital, responsabilité vis-à-vis des parties prenantes de l’entreprise, démocratie économique sont-elles facteurs d’une plus grande responsabilité sociale de ses employeurs ?

Avant de répondre à cette question, il convient de mettre en évidence des éléments caractéristiques de modes d’entreprendre de l’économie sociale et solidaire dans un contexte concurrentiel difficile.

  • Le secteur est composé en majorité d’un tissu de PME/TPE dans lesquelles la fonction ressources humaines est globalement peu structurée. On a l’habitude de dire que dans l’économie sociale et solidaire, c’est la branche professionnelle qui définit et met en œuvre les éléments constitutifs de la relation de travail à travers les dispositifs conventionnels.

  • Pour travailler au développement d’un emploi de qualité au cœur duquel peut s’exprimer la responsabilité sociale de l’employeur, il convient que les entreprises soient en capacité d’entreprendre, de créer des activités et in fine des emplois de qualité. Or, les fragilités actuelles et structurelles de bon nombre d’entreprises de l’économie sociale soumises à une concurrence de plus en plus importantes sur leurs marchés historiques, notamment dans les services aux personnes, ne permet pas de maintenir et consolider l’emploi.

  • Le développement de la qualité de l’emploi suppose également un préalable : le respect des obligations des employeurs en matière de droit du travail et des conventions collectives et plus globalement l’adéquation entre les valeurs/principes de l’économie sociale et les pratiques de management des entreprises.

Il convient donc, et c’est l’objet de cette contribution, de montrer, sur le registre de la preuve, que les employeurs de l’économie sociale et solidaire s’ils ne sont pas forcément plus vertueux que d’autres, ont des spécificités liées à leurs modes d’entreprendre. Ils innovent et progressent au quotidien sur l’insertion et le développement professionnel des salariés, et ce sur l’ensemble du spectre de la relation de travail : recrutement, évolution professionnelle, dialogue social.

Les pratiques des employeurs :

1. Sur le recrutement :

L’économie sociale et solidaire est plurielle. Le secteur associatif se caractérise par un nombre important de contrats courts, les politiques publiques de l’emploi fléchant les contrats aidés et le nouveau contrat unique d’insertion notamment et de façon importante vers le secteur non marchand. Ce secteur porte également en lui un nombre important de temps partiels ou de contrats saisonniers lié à la nature de l’activité : à domicile, dans l’animation de plein air, dans le secteur culturel… Le contrat à durée indéterminé est donc moins élevé dans le secteur associatif alors qu’il est plus élevé dans les mutuelles et les coopératives.

L’économie sociale et solidaire recrute davantage que dans d’autres secteurs :

  • Les personnes éloignées de l’emploi et bénéficiaires de minima sociaux notamment par le biais des structures de l’insertion par l’activité économique.

  • Les jeunes : 25% des recrutements dans l’ESS notamment par l’intermédiaire du contrat de professionnalisation qui conduit à des taux de transformation en CDI de l’ordre de 70%

  • Les personnes issues de l’immigration notamment dans le secteur associatif de l’animation, ces centres sociaux, de l’aide à domicile

  • Les seniors : 1 salarié sur 7 est un sénior notamment du fait d’un vieillissement des pyramides des âges dans des secteurs très fidélisant : mutuelles, aide à domicile en seconde partie de carrière…

Eu égard à la physionomie des entreprises, il apparaît que les pratiques de recrutement sont encore à professionnaliser auprès des employeurs des petites structures. Ainsi, les 26 syndicats d’employeurs fédérés par l’Usgeres travaillent aux axes de progrès suivants :

  • La prévention des discriminations dans les procédures de recrutement à travers la mise en place de procédures favorisant une entrée par les compétences quelle que soit le profil, l’âge, le sexe, l’origine du candidat. 2000 employeurs ont d’ores et déjà été sensibilisés et formés.

  • La création et la formation d’un réseau d’une trentaine de référents « égalité » chargés de prévenir les risques de discrimination dans les réseaux, les territoires et les entreprises.

  • La création d’un guide des métiers en lien avec Pôle Emploi afin de renforcer la visibilité et l’attractivité du secteur de l’économie sociale et solidaire auprès des demandeurs d’emplois.

  • La Création d’un portail de l’emploi dans l’économie sociale et solidaire d’ici 2012 pour fluidifier l’offre et la demande d’emploi.

2. Sur l’évolution professionnelle :

La promotion sociale et l’éducation permanente sont une priorité des employeurs de l’économie sociale et solidaire qui ont signé en 2006 un accord sur la formation professionnelle dans l’économie sociale qui prévoit que les entreprises du champ consacrent au moins 1,60% de la MSB des entreprises à la formation professionnelle. Aujourd’hui plus de 80% des salariés du secteur sont concernés par cette disposition.

Dans l’économie sociale et solidaire certains publics sont dans des situations professionnelles fragiles face aux évolutions professionnelles et notamment, les temps partiels, les femmes de plus de 45 ans, les personnes en reconversion, en situation de handicap… Ils nécessitent par conséquent un accompagnement ad hoc et personnalisé pour favoriser le maintien dans l’emploi ou les évolutions professionnelles.

Dans un certain nombre de cas et si les employeurs font un effort conséquent pour former leurs salariés, des progrès restent à accomplir pour casser le plafond de verre qui empêchent notamment les femmes et les personnes issues de l’immigration d’accéder à des postes d’encadrement.

Pour développer l’employabilité de leurs salariés et accompagner leurs parcours professionnels, les 26 syndicats d’employeurs membres de l’Usgeres :

  • Ont signé avec trois organisations syndicales de salariés le 15 janvier 2011 un accord sur les parcours d’évolution professionnelle dans l’économie sociale plus innovant que les dispositions de la loi du 24 novembre 2009 sur l’orientation et la formation. Il prévoit notamment que les salariés pourront transférer leur droit individuel à la formation quelle que soit l’entreprise dans laquelle ils évolueront dans le champ des 12 branches professionnelles de l’Usgeres, ce qui leur offrira un capital formation portable y compris en cas de démission. L’accord prévoit également la création de certificats de qualification professionnelle communs à plusieurs branches professionnelles afin de mieux articuler les diplômes, les compétences et les savoir-faire avec les projets d’évolution.

  • Ont signé avec quatre organisations syndicales de salariés le 31 juillet 2010 un accord sur la prévention des risques psychosociaux plus innovant que l’accord national interprofessionnel sur le stress au travail de juillet 2008. Il prévoit notamment la prévention de l’usure professionnelle en deuxième partie de carrière par des actions de formation ciblées, la formation des employeurs à l’utilisation du document unique d’évaluation des risques professionnels, l’expérimentation d’instances liées à la santé au travail dans les entreprises de moins de 50 salariés.

  • Sont en cours de finalisation d’un accord sur la formation des dirigeants bénévoles exerçant la fonction d’employeurs, levier essentiel pour développer la qualité de l’emploi dans les entreprises

  • Ont engagé au début de l’année 2011 la négociation d’un accord sur l’égalité et la prévention des discriminations qui prévoit de généraliser la pratique de l’entretien professionnel afin de permettre à tous les salariés d’être sur le même pied d’égalité dans le cadre de leurs parcours professionnels.

3. Sur le dialogue social :

Il existe des pratiques de dialogue social innovantes dans les entreprises de l’économie sociale et solidaire : présence des salariés dans les CA des mutuelles, implication des salariés dans les projets politiques, abaissement des seuils de représentation syndicale dans les branches de l’animation et des centres sociaux, création d’instances de sécurité et conditions de travail dans les ateliers et chantiers d’insertion…

Plusieurs études menées dans les entreprises montrent que les salariés qui ont choisi de travailler dans le secteur valorisent le sens donné à leur travail, des conditions de travail meilleures, un dialogue jugé positif avec les employeurs. Pour autant, ils pointent un manque de reconnaissance sur les évolutions professionnelles et de visibilité en termes de carrière.

Pour les syndicats d’employeurs fédérés par l’Usgeres, le dialogue social est un creuset pour favoriser l’échange, la concertation et le compromis social.

Des formations à l’animation du dialogue social existent dans un certain nombre de branches professionnelles et de territoires. La région Rhône-Alpes, par exemple, a conçu un référentiel sur les pratiques de dialogue social dans les entreprises qui met en évidence quelques pratiques innovantes et des outils pour passer à l’action.

En synthèse, pour l’Usgeres, la responsabilité sociale de l’employeur, c’est :

  • La sensibilisation des acteurs sur les fondamentaux de la fonction d’employeur.

  • La transformation des pratiques de management par la formation et l’innovation quand elle est possible et quand elle a du sens par rapport aux valeurs de l’économie sociale et solidaire.

  • La pratique d’un dialogue social permanent et à géométrie variable en fonction des structures.

  • La construction progressive d’une identité d’employeurs propre à l’économie sociale autour de l’emploi de qualité.

Synthèse de mon indignation en une seule phrase

La contribution des employeurs de l’économie sociale sur la responsabilité sociale : une réponse opérationnelle sur le registre de la preuve aux politiques RSE des entreprises cotées.