Atelier « Se loger, habiter » Région Martinique

Cahier de l’entrée Se loger / Habiter

Argumentaire

L’accès au logement : des insuffisances en termes de quantité.

Le constat est unanime : les familles éprouvent une grande difficulté pour se loger en Martinique. L’accessibilité au logement est une problématique majeure qui n’est pas considérée comme telle par bien trop d’acteurs. Ainsi, acquérir un logement est également devenu difficile pour la classe moyenne qui se tourne désormais vers le logement social. En 2011, le nombre de demande de logements avoisinerait les 8000 selon la Direction de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (la D.E.A.L). Il s’agit d’une estimation puisque Les demandes de logements n’étant pas centralisées jusqu’à présent, il y a un manque de visibilité sur la demande réelle (ce qui sera réalisé via la D.E.A.L.). La réponse à cette situation est relativement faible puisque il s’est construit 250 logements sociaux en 2010 alors qu’il en faudrait au moins 1500 par an. Il faut donc repenser l’habitat et les modalités d’attribution des logements sociaux et apporter des solutions concrètes.

La problématique du foncier

Il est certes difficile de mobiliser du foncier mais nous observons que d’autres difficultés surgissent au niveau de la réhabilitation. Le problème de l’indivision demeure également au centre des débats avec tout son lot de déchirements familiaux. Notre société est donc invitée à dépasser ces freins tout en repensant l’habitat en termes d’aménagement du territoire et de développement durable. Il s’agit donc de se développer tout en veillant à préserver notre environnement et ceci, dans le respect de nos terres agricoles. Pour pallier au manque de foncier, il faut penser à favoriser la réhabilitation et la construction en hauteur, compte tenu surtout de la superficie limitée du territoire.

L’habitat actuel : des insuffisances en termes de qualité.

Il y a une paupérisation de l’habitat. On observe une architecture sinistrée. De plus, dans l’ensemble, il n’y a pas de recherche architecturale. Actuellement la plupart des constructions individuelles (moins de 170 m2) se font sans architecte. Par contre pour les logements sociaux, cette obligation est respectée, ce qui n’empêche pas à ces constructions de souffrir d’une pauvreté architecturale. Ces projets ne sont pas soumis à des concours qui pourraient amener de la créativité et de l’esthétisme, même si la conséquence d’un tel dispositif ne semblerait pas régler entièrement le problème. En effet, le bailleur ne demande pas de créativité et un architecte chargé de ce type de projets ne s’en embarrasse pas non plus. En conséquence, on assiste à une duplication de cellules enfermées dans un schéma classique du logement social.

Cet aspect est aussi lié au carcan administratif qui s’installe parfois en porte-à-faux avec les réalités locales. La problématique du logement doit être élargie à celle de l’habitat qui prend en compte l’environnement, le vécu, les modes et conditions de vie. En effet il ne faut pas s’axer uniquement sur la construction en délaissant tous les aspects extérieurs. Par exemple, le problème récurrent des Véhicules Hors d’Usage (V.H.U.) qui contribue à une pollution visuelle et qui peut entrainer des problèmes sanitaires représente un élément parmi tant d’autres de l’habitat. Il appartient à chacun d’agir en citoyen responsable et interroger les entités responsables sur ce sujet (collectivités, METAL DOM ).

Également au niveau des parcs d’Habitations à Loyers Modérés (H.L.M.), il y a peu d’efforts sur les espaces de vie, autres que les murs du logement : espace verts (jardin), espace pour les jeunes (des enfants aux plus grands). La création de ces espaces favoriserait une meilleure cohabitation . Une piste de remédiation serait de lier le transport à l’habitat surtout quand on voit l’importance que prennent la voiture et les parkings dans le paysage périurbain, dans notre environnement et dans notre quotidien. Il est donc essentiel de lier l’habitat au transport. Mais plus largement, cela signifie que le lien avec l’activité ne doit pas être une option. Ainsi, le triptyque « Habitat, Transport et Activité » doit faire l’objet d’une réflexion commune. Par exemple on ne peut pas construire des logements sans penser à un accès facilité aux transports en commun.

La sismicité

Dans l’ensemble, les constructions d’aujourd’hui ne répondent pas aux normes actuelles. Outre le manque de recherche architecturale, il y a des préoccupations concernant la qualité des constructions face aux risques. Peu de bâtiments respectent les normes sismiques. Il y a une trentaine de bâtiments qui sont dotés de telles installations et les constructions individuelles qui peuvent bénéficier d’aides ne se lancent pas massivement dans ce type de démarche. On continue donc à ne pas faire grand chose, alors qu’on connait la réalité des risques. Outre la sismicité, les risques naturels sont multiples (tsunami, inondation, vent et cyclone, volcan) et doivent être pris en compte. Pour exemple le risque de tsunami en Martinique concerne 160000 personnes sur 26 communes.

L’habitat : un défi de cohésion sociale pas pris en compte.

L’habitat est de fait un espace où les populations se côtoient. Les logements sociaux sont habités par des publics différents. Initialement le logement social était fait pour les personnes les plus démunies, mais aujourd’hui, nous constatons que les catégories sociales qui en bénéficient sont multiples. Cette mixité sociale peut engendrer un problème de cohésion sociale. Toutefois, s’il paraît nécessaire de cultiver cette mixité en favorisant le lien social et éviter une « ghettoïsation », cela ne peut se faire sans accompagnement des nouveaux arrivants dans l’objectif de réapprendre à vivre ensemble. À propos de cette question, les discours sont divers. Des actions citoyennes telles que celles menées par l’Association pour le Logement Social (A.L.S.), mises en place dans ce sens qui peuvent être saluées. On notera cependant que la démarche et l’étendue de leurs champs d’action sont limitées. Il faudrait donc s’interroger sur l’accompagnement des locataires pour favoriser le lien social qui est essentiel au bon fonctionnement d’un lieu de vie partagé. Ces indignations ne se posent pas seulement au parc des logements sociaux mais à l’ensemble de l’habitat.

Conclusion

Pour conclure, ces indignations font l’objet de discussions depuis un certain temps, par plusieurs acteurs de terrain, mais n’ont malheureusement pas fait avancer la problématique. Aujourd’hui la situation en est toujours au même stade. Il est évident que la réflexion doit s’élargir en ne se limitant pas aux seuls logements sociaux. Des remédiations sont à trouver dans le parc privé également. Des solutions existent et l’opinion publique ainsi que les responsables des collectivités doivent en être informées. Il faut sortir de la revendication sempiternelle et amener des réponses concrètes. Il est nécessaire d’agir, cela même en exploitant la plus petite idée. Cela doit passer par une réelle stratégie et non plus par des expédients.

Les acteurs (Qui ?)

Atelier se loger, habiter

Proposition pour influencer les décideurs

De façon à répondre à nos indignations l’activité liée à l’habitat et au logement se doit de produire en qualité et en quantité et non pas « en quantité quelque soit la qualité ». Nous l’avons vu, la situation actuelle ne répond pas à ces exigences. Aujourd’hui le coût de revient exorbitant en installation (investissement) et en fonctionnement (consommation énergétique) oblige à repenser l’habitat de façon à construire des bâtiments durables et à énergie positive.

 Cette activité doit répondre à des préoccupations principales :

La qualité écologique : elle a pour but d’inscrire l’habitat dans l’environnement et dans un développement durable. Il s’agit du caractère durable des conceptions ; c’est-à-dire la solidité des constructions (par exemple para cyclonique et para sismique) et donc de leur durée de vie ; mais aussi dans le sens où celles ci respectent leur environnement. Également, il ne faut pas remplacer la réflexion par la rapidité. La logique d’une rentabilité maximisée ne doit pas prendre le pas sur la qualité des constructions.

Il s’agit également d’écologie sociale en développant un habitat qui soit en cohérence avec le développement humain (la société) et la biosphère. Pour aller dans ce sens il faut instaurer une cohérence dans l’urbanisme et les connexions avec les autres aspects de la vie et de l’environnement. Il faut donc inventer pour s’adapter au territoire et non copier. Les architectures et les urbanismes de la Martinique doivent donc être inventés en gardant à l’esprit que c’est la forme qui subit la conception et non pas le contraire. C’est donc un projet urbain mais avant tout un projet social.

La convivialité et la mixité sont des enjeux fondamentaux de société. Mais ils sont d’autant plus essentiels sur un petit territoire. Par rapport à la taille de la Martinique, il est nécessaire par exemple de sortir de la logique de la propriété individuelle. Il faut avoir une vision verticale de l’aménagement du territoire. Pour cela il est nécessaire accompagner les populations afin de mieux vivre ensemble et donc favoriser la mixité et la convivialité. La participation de la population à la réalisation et à la vie de son habitat est essentielle. Chaque habitant doit être considéré une partie prenante du processus de décision.

La prise en compte de tous les publics. L’habitat d’aujourd’hui doit pouvoir accueillir dans les meilleures conditions les handicapés et les personnes âgées. Il est essentiel d’anticiper le vieillissement de la population Martiniquaise et de prendre en compte la dépendance.

La mutualisation des coûts. La difficulté peut venir du coût de telles constructions, si celles-ci font l’objet de projet à petite échelle. Il faut donc multiplier les projets pour faire des économies d’échelle. La Martinique est un petit territoire et il serait intéressant de créer des partenariats avec les autres pays des caraïbes. Ainsi, la réflexion et le développement doit être caribéen car le changement d’échelle est plus que souhaitable : il est une condition de la réussite. Ce problème d’échelle est un réel frein à l’ambition et à l’innovation.

Quelques soient les solutions que l’E.S.S. peut apporter en faveur de l’habitat, la problématique du foncier demeure. C’est donc dans ce sens qu’il est nécessaire que soit créé un établissement public foncier. Celui-ci permettrait de développer une offre de logement qui soit plus accessible pour tous en mobilisant du foncier à meilleur cout. C’est dans une logique de développement durable et solidaire du territoire que s’inscrit cet établissement. Si celui-ci ne peut faire l’objet de l’activité que l’on souhaite présenter, il représente un outil primordial pour son développement dans le cadre d’une maitrise des coûts du foncier.

 L’activité proposée est l’éco quartier sous forme de coopérative d’habitat :

L’éco quartier répond aux enjeux environnementaux actuels et à la qualité écologique énoncée antérieurement. Il intègre les futurs habitants dans le processus de décision. C’est un élément essentiel car c’est en faisant participer l’habitant qu’il se sent impliquer et qu’il devient réellement acteur de son lieu de vie. Il ne subit plus son habitat.

L’habitat coopératif, riche d’expérimentation à partir du 19ème siècle avec notamment le familistère de Jean-Baptiste André-Godin et le phalanstère de Charles Fourier, propose aujourd’hui différentes formes juridiques mais qui ont pour socle commun les principes coopératifs. Ceux-ci peuvent être en totale adéquation avec les ambitions de l’éco quartier en assurant un cadre juridique qui garantit un fonctionnement plus démocratique. En effet les coopérateurs participent à l’élaboration de leur habitat. Par exemple les membres de la coopérative d’habitat par leur double statut sont à la fois locataires et propriétaires collectivement et participent aux décisions selon le principe « un homme, une voix », ce qui exclue tout fonctionnement ploutocratique. Le loyer est payé à la coopérative (prix souvent raisonnable), il reste fixe et celui-ci correspond au coût de fonctionnement additionné à celui de l’emprunt. Lors de la revente, le coopérateur ne peut faire de plu value en revendant ces parts sociales. Ainsi il y a une maitrise des prix qui permet à la coopérative d’habitat de lutter contre l’exclusion et la spéculation.

Le montage de tel projet doit être fait de manière participative en prenant en compte toutes les parties prenantes. Il s’agit d’une démarche complexe qui nécessite des structures d’accompagnement. Enfin le bailleur doit intervenir seulement à la fin du processus lorsque le projet est finalisé.

Synthèse de mon indignation en une seule phrase

Oui à l’habitat, non au logement.