Cahier de l’entrée Créer/ s’évader
L’étouffement progressif des espaces de liberté sur fond de consentement, empêche l’émancipation authentique des citoyens. « L’homme objet » d’aujourd’hui est un travailleur qui est contraint du matin au soir et qui n’a plus le droit de choisir ni pour lui ni pour ses enfants. Canalisé vers sa place de parking, vers les rayons « prêts à être consommés », vers l’autoroute, vers la télévision, vers sa pharmacie pour trouver le sommeil ou pour rester « productif », happés par les industries culturelles à longueur de temps il est pris dans cette cage que lui a vendu « le système ». Il l’a achetée à crédit…et il la paye cher…trop cher pour pas grand-chose en échange, car il manque un goût d’essentiel. La quête de l’essentiel est bien l’ennemi de notre organisation socio-économique inégalitaire.
L’indignation traverse les frontières, la nature, les femmes, les hommes, les enfants… aujourd’hui oui, l’indignation est totale, le retour à l’essentiel n’est pas une mode soixante-huitarde, maintenant le retour à l’essentiel est vital. Le capitalisme a trouvé dans le néo-libéralisme une réserve de souffrance humaine et planétaire supplémentaire pour survivre. De son point de vue c’est sans fin…en dehors de la sienne et de tout ce qu’il peut entraîner car il n’éprouve rien de comparable à ce que l’on nommerait un sentiment, un sentiment de culpabilité. La névrose suicidaire est massive.
Nos démocratie acceptent de moins en moins la subversion inhérente à l’innovation, les artistes crèvent de faim, ou servent docilement les industries culturelles, les chercheurs voient leurs découvertes « filtrées » par les opérateurs économiques. L’actionnaire passe devant les droits sociaux….faut-il attendre que le salarié ne puisse même plus lire sa fiche de paie, devienne illettré de sa propre histoire sociale au point de préférer travailler au noir, ou être auto-entrepreneur, que d’avoir une retraite respectable, une assurance maladie honnête, une assurance chômage équitable, un droit à la formation indispensable dans ce monde qui bouge ou une mutuelle complémentaire gérée de façon transparente ?
La civilisation du loisir facile et des projections virtuelles aveugles les âmes faibles. Sans un petit effort d’émancipation, sans le goût pour la culture, pour l’initiation des fondamentaux historiques de l’humanité, toutes les illusions sont possibles pour la grande joie de l’actionnaire vorace, du trader ou de ces multiples prédateurs, millionnaires petit ou grand mais tous destructeurs de vies implicites, « assoiffeurs » de villages africains, « affameurs » de chômeurs occidentaux, pollueurs des mers et des terres.
L’indignation est absolue. L’homme est face à lui-même, à son destin. A lui de choisir entre poursuivre dans le consentement, sorte de petite mort à la petite semaine, ou devenir créateur et ainsi renouer avec ce dont il a toujours été capable : créer l’impensable et rester vivant.
Par l’action, l’information, une AMACCA propose de nouvelles pratiques. Un temps d’appropriation et d’explication est nécessaire. Actuellement AMACCA suscite la curiosité, l’intérêt. Des opérations sur mesure sont en cours d’élaboration pour favoriser le développement et raccourcir le temps d’émergence.
Les territoires sont directement concernés, les entreprises ont besoin de vie sociale, de territoires créatifs. Avec les AMACCA, les collectivités sont devant un modèle économique qui fait participer l’état (défiscalisation) à un moment ou elles sont justement en difficultés.
Notre modèle de société traverse une crise importante ; il est naturel de constater un retour vers l’essentiel, une quête de sens, la question des valeurs.
Une AMACCA se développe à son rythme, en fonction de son environnement socio-économique.
Toutefois, un minimum de moyens pour chaque amorçage serait bienvenu. Nous n’avons pas assez de recul mais « investir » ainsi dans une AMACCA offre un potentiel exceptionnel. Reste aussi a investir dans les outils d’accompagnement mutualisés. La culture et les arts vivants témoignent de leurs besoins criants ; c’est dans ce contexte que l’essaimage du dispositif AMACCA est en capacité d’apporter une alternative concrète. c’est probablement aussi ce qui explique le développement actuel du réseau .
Une expérimentation est en cours dans plusieurs régions, elle a commencé en Provence (La Ciotat) mais essaime avec maintenant une vingtaine de projets en phase d’amorçage plus ou moins avancées dans plusieurs régions (Nord Pas de Calais, Franche Compté, Midi Pyrénées, Languedoc Roussillon, Provence Alpes Côte d’Azur, Rhône Alpes, Bourgogne, Pays de Loire, Aquitaine, Poitou Charentes). L’adhésion au concept grandit chaque jour. Pas encore de chiffres si ce n’est un nombre de participant croissant et un véritable engouement pour la démarche qui contraste avec le contexte actuel bien trop lourd pour être longtemps supportable.
A l’image des structures fractales, l’élaboration du principe de fonctionnement local peut être reproduit à différentes échelles. Ce n’est pas encore à l’ordre du jour mais les AMACCA y seront confrontées assez rapidement si la résonnance continue à se propager. Il faut que les outils d’accompagnement puissent suivre. Les valeurs authentiques sont universelles, elles permettent justement de passer sans heurts d’une échelle à l’autre, d’un territoire à l’autre ; il n’y a pas de place pour le désir de pouvoir, il n’y a que des choix éthiques partagés. En dehors du pouvoir, la fluidité et l’harmonie sont plus faciles à mettre en œuvre une fois que la méthodologie est définie.
Le dispositif a été pensé pour être applicable sur tous types de territoires. Seule la volonté des citoyens (donc préalablement informés sur ce qu’est une AMACCA ) est nécessaire et indispensable. La réaction à l’échelle nationale est déjà particulièrement encourageante et laisse penser que l’AMACCA est un dispositif qui arrive au bon moment, c’est-à-dire dans un contexte très difficile pour tous les acteurs culturels à divers titres. Devant ce tableau les AMACCA proposent une nouvelle modalité d’appropriation des enjeux culturels par les citoyens eux-mêmes et leur apporte surtout l’outil pour y parvenir en toute liberté.
Permet au citoyen de s’impliquer localement et progressivement, de se familiariser avec les enjeux culturels, de se découvrir à travers des actions hors des sentiers battus, hors des autoroutes culturelles à péage et d’amener la question culturelle dans un espace public plus accessible aux citoyens, de toucher à la fois le local et l’universel, de faire progresser les consciences.
Au delà des cultures à partager, de redonner le gout de l’action collective autour d’un concept innovant qui inspire confiance.
Le concept AMACCA bouscule les habitudes, permet de regarder les enjeux sous un angle nouveau, il permet de transformer en actions concrètes des choix politiques.
Cet outil permet de passer à l’acte.
Nous pouvons lancer les multiples expérimentations car les souscriptions à l’idée sont au rendez-vous.
Le besoin est grand, la capacité d’y répondre aussi car le potentiel de ce dispositif est très important.
Ainsi malgré une très modeste communication le réseau est très vite passé de l’expérimentation locale, qui reste communale jusqu’au printemps 2010, à une échelle d’expérimentation nationale (pré-rencontres nationale en février 2011 dans le Pas de Calais, et rencontres nationales à la Ciotat, lieu de création de la première AMACCA en mai 2011.
Les AMACCA sont des associations 1901, l’organisation interne et les statuts garantissent la dimension participative de la vie associative ; les artistes sont invités à prendre connaissance des valeurs défendues par les AMACCA mais chaque citoyen est aussi force de proposition. Des rencontres nationales sont organisées en mai 2011, un texte de référence commun sera bientôt prêt. La gouvernance interne est démocratique, participative, transparente. L’appartenance au réseau permet de mettre en commun les chantiers de réflexion et bientôt de mutualiser des outils, elle est conditionnée entre autres par l’adhésion à la charte éthique.
Le financement peut articuler différentes formes de contributions locales (micro mécénat citoyen, mécénat d’entreprises) à d’autres sources de participations (collectivités, sociétés civiles, fondations). La question du sens est importante ; mettre ces contributions plurielles au service d’un projet collectif et en constater les effets est primordial. Partir d’un geste simple à la portée de tous (un don) mais ne pas le résumer à un geste économico-financier et en comprendre, bien au-delà, toute la portée.
Ce rapport à la finance concerne l’ensemble de l’ESS : D’abord les idées et les valeurs, puis l’économie qui en découle et s’organise autour de ces mêmes idées et valeurs.
Des groupes de citoyens peuvent adopter le dispositif AMACCA afin de s’impliquer, se responsabiliser et s’organiser autour d’un outil dont ils ont le contrôle. Ils font connaître ce dispositif et ses valeurs éthiques autour d’eux. Ainsi les professionnels, artistes, chercheurs, intellectuels, tous ceux qui ont des « richesses culturelles » à transmettre au public sont concernés, mais aussi les acteurs publics et privés qui partagent ce même territoire (entreprises, collectivités). Le cadre éthique et les choix de fonctionnement du réseau des AMACCA offre à tous la possibilité de relier implication et décision, de faire de la question culturelle un débat public permanent, afin d’élaborer dans la transversalité, de penser l’identité et la créativité des territoires concernés. Lanceurs d’alertes, artistes en phase avec les enjeux de ce monde sont les premiers concernés par ce réseau.
Le projet est intergénérationnel, ainsi une AMACCA universitaire se met en place à Perpignan avec les parents, les étudiants et les salariés de l’université (un projet universitaire se profile aussi à Nantes). Il est tout a fait envisageable de créer une AMACCA à une échelle plus petite dans une école, dans un lycée. Avec une AMACCA la culture peut véritablement être un bien commun. Nous sommes devant une autre façon de faire, dans l’expérimentation durable, de nombreuses portes ne demandent qu’à être ouvertes.
D’un territoire à un autre, le nombre et la qualité des partenaires peut être variable, mettre tout le monde autour de la table pour repenser le territoire à travers le prisme culturel ne sera pas toujours possible. Aussi, le réseau devra chercher à mettre en place des mécanismes solidaires au bénéfice des AMACCA les plus pénalisées afin de limiter l’ampleur de cette forme d’injustice en terme de partenariat local.
Les citoyens savent aujourd’hui créer des réseaux, mutualiser de mieux en mieux. Face à ce type de projet les collectivités ne sont pas assez reliées entres elles pour être en mesure de mutualiser. Notre exemple est flagrant. Pour agir à l’échelle nationale nous devrions avoir une équipe d’une dizaine de personnes (pour accélérer les amorçages et accompagner les phases de démarrages, pour informer et développer des outils innovants). Un tel « instrument » est lourd pour une région, mais ultra léger pour un réseau de 10 régions (et à fortiori avec des départements en plus !) Dans ces conditions, le potentiel de retour sur engagement est sans commune mesure.
Pour donner à l’esprit de la contribution plus d’ampleur, il faudrait avoir un cadre fiscal plus « équitable ». Les non imposables devraient pouvoir bénéficier de crédits d’impôts, la simple défiscalisation ne permet pas aux personnes modestes de contribuer autant que les personnes imposables à ce bien commun ni d’impliquer l’état par leur geste. Il est légitime que l’état apporte sa « contribution souhaitée par le citoyen » via la défiscalisation pour les uns et le crédit d’impôt pour les autres, sans discrimination.
Au delà de ce nouvel espace créé par les AMACCA, il est indispensable que les politiques publiques trouvent un second souffle pour être en mesure d’aborder les changements de société en cours. L’agenda 21 de la culture ne demande qu’a être approprié par les pouvoirs publics à toutes les échelles du territoire, cette source de modernité, par ses démarches et par ses propositions donne cette possibilité de passer véritablement au 21ème siècle ! Les AMACCA seront probablement très attentives au plus grand partage possible de cet agenda21 de la culture par le plus de décideurs possibles.
Le regard économique porté sur la culture doit aussi changer de nature pour enfin prendre en compte cette part ineffable qu’elle contient inévitablement et qui en est probablement la partie essentielle. Parler de viabilité économique n’a pas de sens à partir du moment ou les critères d’évaluation des richesses (indicateurs) ont plus de considération pour l’impact de la culture sur le tourisme que sur la vie sociale locale, l’évolution des conscience, l’émancipation des habitants, leur sensibilité, leur créativité etc…autant de chose non mesurable, non chiffrable mais aux effets très porteurs pour l’avenir commun des territoires.
Dans un contexte de crise des collectivités territoriales et de difficultés budgétaires généralisées dans les espaces publics, l’alternative AMACCA représente une opportunité unique pour repenser la place du citoyen, pour « sécuriser » les associations culturelles existantes qui seraient prêtes à adopter les principes éthiques de l’AMACCA. Les entreprises locales peuvent aussi y trouver le moyen de renouer avec la notion d’appartenance au corps social (en dehors des effets positifs possibles en interne).
Au delà du futur site, des supports habituels, des tournées de sensibilisation ou d’initiation vont se mettre en place avec des actions capable d’interroger les singularités des territoires et d’évaluer les potentiels. La description d’une AMACCA suscite facilement la « projection » parmi les artistes, les intellectuels, le public, des élus, des opérateurs qui y trouvent une alliée pour raviver l’humus culturel des lieux de vie. Les collectivités confrontées à des difficultés de renouvellement des politiques culturelles, ou de financement (surtout les petites communes) trouveront avec les AMACCA des interlocuteurs pour qui la culture est l’affaire de tous, un enjeu d’intérêt général, un dispositif ouvert caractérisé par une démarche éthique de fonctionnement sans ambigüité. Dans le contexte actuel, les artistes sont forcément attentifs à toutes initiatives qui souhaitent agir sans instrumentaliser, marchandiser ou exploiter leurs énergies créatives abusivement. Le public, premier concerné, découvrira petit à petit tout l’intérêt de sa contribution comparé au système marchand qui est plus intéressé par ses finances que par son émancipation.
Créer un réseau d’AMACCA sur l’ensemble des territoires.
Entre les politiques publiques et l’économie de marché, il s’agit de dégager un nouvel espace politique et économique au service du développement de la diversité culturelle considérée comme un bien commun. D’amener les citoyens à être le moteur de ce réseau.
Il s’agit collectivement de servir une éthique culturelle portée par les habitants d’un territoire et aidés par des partenaires qui partagent les mêmes valeurs (charte) – Il s’agit donc de redéployer des espaces d’indépendance et le liberté dans la démocratie et de lui redonner une capacité d’imagination, de renouvellement.
Après les AMAP dans le secteur agricole, les AMACCA pour la culture et la création artistique bien mal en point aujourd’hui. Un champ de légumes reste localisé, mais un savoir ou un spectacle, une tradition ou une création, sont faits pour être partagés par le plus grand nombre et donc pour circuler.
Conseils de Régions, Conseil généraux, Institutions (Observatoire des Politiques Culturelles, Agence culturelles régionale, CRESS, DRAC), réseaux « frères », artistes, chercheurs, Universités, réseau agenda 21 de la Culture. Ces alliances sont encore éparpillées sur le territoire mais la diversité des interlocuteurs donne aux AMACCA un statut de projet largement partagé qui a toute la légitimité pour se développer au nom de l’intérêt général.
Le cœur du financement est constitué par le micro mécénat des citoyens. Il peut aussi comporter le mécénat d’entreprise, les subventions publiques, les contributions directes et libres lors des évènements. La démarchandisation de la culture est au cœur du dispositif. Un supplément éthique est ainsi apporté à la loi Aillagon (loi mécénat aout 2003).
C’est la spoliation des richesses matérielles et immatérielles des peuples qui m’indigne le plus avec une situation d’injustice qui atteint un niveau limite de dangerosité sociale et doit pousser les hommes à sortir de ce piège par le haut, par des actes conscients, grâce à des cultures libérées des pouvoirs, à des artistes libérés du marché, des lanceurs d’alertes qui racontent le monde, plutôt que par les violences aveugles issues des souffrances multiples non cotées en bourse.
La première présentation publique eu lieu en juin 2008. Au départ l’initiative s’imaginait pouvoir convaincre des alternatifs, créatifs culturels pour créer un réseau relativement modeste et parallèle.
C’était sans compter avec un certain désarroi qui affecte les politiques publiques et qui les ont amenées à très vite s’intéresser entre autres à ce dispositif.
Ainsi l’Observatoire des Politiques Culturelles a identifié l’AMACCA dès 2009 quelques mois après la création de la première AMACCA à La Ciotat. Idem pour le réseau Agenda 21 de la Culture, puis ont suivi des collectivités. Actuellement les soutiens financiers sont modestes mais la structuration du réseau va vite. Lorsque les outils seront adaptés, la capacité d’essaimage sera en mesure de mieux répondre à la demande.