Pour une politique européenne de développement rural équilibré et durable

Cahier de l’entrée Participer / Démocratiser    

Argumentaire

Née avec la politique de cohésion et progressivement intégrée à la Politique Agricole Commune, la politique européenne de développement rural ne fait toujours pas l’unanimité. Tandis que certains avancent qu’il n’est pas du ressort de l’Union Européenne (UE) de se préoccuper de questions territoriales qui relèvent de la compétence des états-membres ou même de celle des collectivités territoriales, d’autres au contraire soutiennent l’action de l’UE en faveur du développement des territoires ruraux sur la base de plusieurs constats :

  • Les territoires ruraux représentent une part significative de la population et du territoire européens : plus de 56 % de la population des 27 États membres de l’Union européenne (UE) vit dans des zones rurales, qui représentent 91 % du territoire.

  • Ils constituent une plus-value pour l’ensemble de la société : ces espaces remplissent des fonctions qui ne sont pas uniquement nécessaires aux populations qui y vivent mais également à l’ensemble de la société (production alimentaire et autres matières premières renouvelables, espace écologique essentiel pour la préservation de la faune et de la flore, fonction récréative pour les urbains, et préservation du patrimoine culturel et naturel, etc.).

  • Ils possèdent des potentialités économiques spécifiques : 43% de la valeur ajoutée et 55% de l’emploi européens sont créés dans les régions rurales2. S’ils contribuent donc nettement à la croissance économique de l’UE et à la création d’emplois, les territoires ruraux ont des structures économiques spécifiques qu’il convient de prendre en compte si l’on veut favoriser leur développement. La part de l’agriculture continue à baisser, 82% de l’emploi des régions rurales et 95% de la valeur ajoutée créée dans les régions à dominante rurale l’ont été dans le secteur non-agricole. L’artisanat, le tourisme, les PME et les services y occupent une place importante.

Malgré ces constats et bien que cela soit un objectif à part entière de l’UE, la cohésion sociale est particulièrement mise à mal dans les territoires ruraux. Sans sous-estimer les grandes disparités qui existent entre les différentes régions européennes, on constate en effet de plus grandes difficultés de développement dans les territoires ruraux que dans les espaces urbains. Le revenu par habitant y est de 21% à 62% plus faible, et le taux de chômage plus élevé qu’en moyenne, même si les situations sont très variables d’un état-membre à l’autre. Les enjeux varient aussi grandement entre régions périurbaines, intermédiaires ou isolées. Si les villes continuent de rester attractives pour un grand nombre de citoyens européens, les difficultés auxquelles elles font face (logement, pauvreté, exclusion…) rendent souhaitable le maintien de population en milieu rural. Les personnes en difficulté rencontrent dans les espaces ruraux des problèmes souvent spécifiques à ces territoires : vieillissement, difficulté d’accès aux services, enjeux de mobilité, qu’il convient de prendre en compte.

Le développement rural est pourtant « tiraillé » entre deux politiques : la PAC, avec son deuxième pilier de développement rural, et la politique de cohésion, ou politique régionale. À l’heure actuelle, seul un cinquième du FEADER est destiné au développement rural non-agricole, tandis que les crédits du FEDER soutiennent peu les territoires ruraux.

Facteurs de succès

Le CELAVAR, en co-organisant avec Forum Synergies les rencontres européennes d’acteurs ruraux de développement durable, a réalisé le message de Vouneuil qui a contribué à alimenter le processus ARC. L’ARC ou Convention Agricole et Rurale est une plateforme européenne d’acteurs de la société civile a lancé un processus ouvert et transparent visant à produire un message commun à destination des institutions européennes sur la réforme des politiques européennes de développement rural et agricole.

ARC rassemble différentes organisations de la société civile actives au niveau européen, international, national ou régional, travaillant dans des domaines variés : la durabilité, les revenus équitables pour les agriculteurs, les énergies renouvelables, la gestion de l’eau, la biodiversité, les paysages, le patrimoine culturel, le bien-être animal, l’agriculture biologique, les régions de montagne, les communautés rurales, le partenariat avec les pays en voie de développement et le commerce équitable, la recherche, la formation, la sécurité alimentaire, la souveraineté alimentaire, la qualité alimentaire, la santé publique, les systèmes alimentaires locaux, les consommateurs, les petites exploitations agricoles familiales. Ensemble, elles représentent plusieurs centaines de milliers de citoyens européens, tant citadins qu’habitants des campagnes.

Le 18 novembre 2010, une " communication de la société civile aux institutions européennes sur l’avenir des politiques agricoles et rurales " élaborée par l’ARC, était remise au Commissaire européen à l’agriculture, Dacian Ciolos, avant la présentation publique de la communication officielle de la Commission européenne sur l’avenir de la PAC. Remis également à des députés européens, le message en appelle à une révision en profondeur des politiques agricoles et de développement rural, pour une nouvelle Politique Agricole, Alimentaire et Rurale Commune qui engage l’UE dans :

  • « Un changement radical de paradigme dans les systèmes agricoles et alimentaires, en passant du modèle dominant basé sur une agriculture industrielle intensive et une industrie alimentaire centralisée -favorisé jusqu’ici par les politiques agricoles de l’UE- à une agriculture durable partout et avec une diversité de modes de production et de transformation des aliments au niveau régional et local, avec des relations plus étroites entre les agriculteurs et les consommateurs et en mettant l’accent sur la santé publique, l’environnement et le bien-être des animaux

  • Une renaissance économique, sociale et environnementale des zones rurales fondée sur la force et la diversité des communautés, des cultures et des ressources, étroitement associée au développement local et honorant l’engagement de l’UE envers la cohésion sociale, économique et territoriale. »

Ce message est également relayé aux niveaux local et national par les organisations de la société civile européenne qui soutiennent le processus ARC à l’instar du CELAVAR ; une mobilisation collective pour faire porter la voix des citoyens européens dans les négociations en vue de la réforme des politiques européennes de développement rural et agricole.

Présentation de l’initiative (Quoi ?)

Les négociations en vue de la réforme des politiques européennes de développement rural et agricole sont engagées. Celles-ci aboutiront à une nouvelle programmation à partir de 2013. Cette réforme déterminera les objectifs et les moyens d’une politique qui impactera les territoires ruraux et les pratiques agricoles. Pour qu’à l’avenir, la PAC, la Politique de Cohésion ainsi que toutes les politiques européennes concernant le développement rural favorisent un développement équilibré et durable des territoires ruraux, Forum Synergies et le CELAVAR ont organisé des Rencontres européennes d’acteurs ruraux de développement durable, du 14 au 17 octobre 2010, à Vouneuil-sur-Vienne, en Poitou-Charentes.

65 représentants de la société civile européenne, venus de 14 pays européens, se sont rencontrés à Vouneuil-sur-Vienne. Les participants étaient des acteurs associatifs, mais aussi des représentants institutionnels (Réseau Rural Régional ou National), d’organisations internationales (ex : UNDP), des chercheurs et des élus locaux. Afin de tirer des enseignements des projets de développement rural durable de la région, et pour permettre aux participants d’échanger leurs points de vue sur la réforme à venir des politiques européennes de développement rural et agricole, trois temps de travail successifs et complémentaires étaient programmés :

  • Un forum d’échange d’expériences

Lors de ce temps d’échange, les participants et les co-organisateurs ont présenté leurs projets et initiatives. Ce forum a permis de partager des problématiques et des approches parfois innovantes pour d’autres pays et de mettre en relation des partenaires potentiels.

  • Des visites de terrain

L’objectif des visites d’expériences était de permettre aux participants de comprendre les dynamiques à l’oeuvre sur les territoires ruraux français, d’apprendre des expériences portées par d’autres, et d’identifier les moyens grâce auxquels de tels projets peuvent être portés.Il s’agissait en particulier de voir comment les politiques – locales, nationales et européennes - encouragent ou au contraire contraignent les initiatives innovantes en milieu rural et agricole.

Les circuits ont porté sur les thématiques suivantes :

  • Promotion des circuits courts, économie solidaire et restauration collective (Poitiers et environs)

  • Culture, insertion et éco-construction (Lezay)

  • Biodiversité, durabilité en agriculture et gestion des ressources naturel-les (Vouneuil/St Gervais les trois clochers)

  • Dynamique collective et valorisation des ressources naturelles (Vasles)

  • L’élaboration du « message de Vouneuil »

Organisés en 4 ateliers portant sur des thématiques ciblées ou sur des sujets globaux, les participants ont souhaité échanger sur : la démocratie dans la gouvernance locale, la pauvreté rurale, l’accès à la terre et l’agriculture en circuits courts et économie solidaire, une approche générale des politiques européennes en faveur du développement rural et agricole.

Ces ateliers ont permis aux participants de confronter les différences de situations au sein de l’UE, et la formulation de principes et de propositions concrètes qui ont servi à élaborer un message commun qui en appelle à :

  • Plus de démocratie

Avec une réelle participation de la société civile à la prise de décision au niveau local, pour favoriser la renaissance économique, environnementale et sociale des territoires ruraux,

  • De nouvelles relations entre producteurs et consommateurs

Pour qu’ils deviennent ensemble co-producteurs de biens communs,

  • Des politiques en faveur du maintien des populations en milieu rural

En particulier en direction des jeunes et des femmes, afin qu’ils puissent envisager leur futur au sein des espaces ruraux,

  • Lutter contre la pauvreté rurale

Notamment grâce à égal accès à l’éducation et à la formation.

Il comprend aussi plusieurs propositions à destination des institutions européennes et nationales visant à encourager la démocratie locale et un développement diversifié et durable des territoires ruraux.

Synthèse de mon indignation en une seule phrase

La structuration des politiques européennes ne favorise pas un développement rural équilibré et durable.