Cahier de l’entrée Créer/ s’évader
Ce qui allait de soit dans le secteur culturel il y a quelques années (une association, un projet, un porteur) ne va plus de soit, suite aux crises, aux priorités publiques, qui ont poussé vers de nouvelles évolutions des modèles de production et de création de la culture, de l’art et de la reconnaissance de l’artiste.
Les activités artistiques et culturelles sont souvent confrontées aux réalités de faisabilité, de solvabilité et de continuité économiques.
Entre structuration professionnelle, évolution des partenariats publics et transformation des modèles économiques, les acteurs artistiques et culturels font face à des défis et des enjeux complexes souvent difficiles à appréhender qui risquent, cependant, de modifier notablement leur pratique quotidienne.
a. Le manque de soutien public destiné à l’art, la culture et à la création :
Le désengagement de l’Etat de la création artistique et du marché de la création suite aux RGPP et aux réformes mettent en danger la création par des logiques de marchés sans interventions publics
Il n’y a plus d’interventions publiques pour réguler les logiques de marché et positionner l’art et la création comme des créations de l’innovation. On observe donc les contradictions entre les logiques d’emplois et les logiques de marchés car il n’y a plus de réponse pour les conditions du travail adaptées aux pratiques artistiques et de création.
L’intervention publique, autrefois conçue pour mettre la culture à l’abri des logiques de marché, connait maintenant certains infléchissements qui poussent les acteurs culturels à rechercher de nouveaux équilibres et de nouvelles solidarités.
b. L’emploi artistique est une précarité : La multi activité des artistes pour vivre de leur art n’est ni soutenue, ni reconnue et les situations actuelles ont provoqué de nouvelles précarités. Les pratiques professionnelles de création ni soutenues ni renforcées provoquent des précarités même pour les professionnels et les artistes s’étant fait un nom car les modalités de la création ne sont plus reconnues.
c. La multi activité : Pour l’artiste, la liberté de créer est aussi dans la liberté de son statut, la multi-activité des professionnels de l’art et de la culture est devenue un passage obligé pour vivre de son art et générer une économie personnelle convenable. Avoir un travail régulier et professionnel dans le secteur culturel et artistique passe par la multi-activité et donc par le cumul de statuts. Malheureusement ceux-ci trop différents ne permettent pas la reconnaissance essentielle du travail accompli.
d. l’isolement de l’artiste et la transdisciplinarité : Avec le développement des possibilités technologiques de diffusion de l’art et par le sens même de la création, la collaboration entre artistes est une pratique de plus en plus recherchée par les créateurs. L’expérimentation de cette notion doit passer et être actualisée à travers les nouvelles formes d’emploi et d’organisation.
e. La non structuration du secteur et les mauvaises conditions de travail
Précarité du secteur artistique et culturel et de son manque d’organisation.
Manque de reconnaissance du travail artistique et de la créativité.
La transdisciplinarité,
L’isolement de l’artiste et les mauvaises conditions de travail.
La non structuration du secteur et les critères de professionnalisation.
Pour un artiste aujourd’hui qui souhaite pouvoir appréhender la totalité de son activité (et de sa multi activité) et créer dans un mode d’organisation comme dans le champ artistique nouveau, la situation de la société actuelle face aux artistes et professionnels de la culture est indignant. Aujourd’hui, ni un intermittent, ni un créateur à la maison des artistes, etc,… ne sont des entrepreneurs
Les souhaits d’innover dans des schémas existant dans le secteur culturel en sortant des statuts imposés et en passant par un modèle organisationnel nouveau et créatif doit être réalisable.
Une coopérative permet la liberté de maitriser tous les projets et de devenir co- entrepreneur dans un réseau dynamique et cohérent.
Le modèle de la CAE artistique et culturelle sur un territoire permet d’associer les populations aux créations et à la prise en compte de l’environnement social et culturel existant car l’artiste crée une nouvelle société mais est aussi un intervenant social générant de la création et de la culture pour les populations et ceci pas uniquement sur le secteur culturel mais en fonction des partenaires travaillant avec des créatifs ou ayant besoin de leurs compétences.
Ces 4 coopératives représentent aujourd’hui 200 entrepreneurs- salariés en totalité en Avril 2011
Le profil de ces publics est composé de
55% de femmes entrepreneuses
20% de jeunes ont moins de trente ans
Mais la majorité des entrepreneurs (75%) ont entre 30 et 45 ans.
Le niveau de diplôme est assez élevé équivalent bac + 2 ou supérieur représentant en moyenne 70% des entrepreneurs des coopératives.
Les secteurs d’activités représentés sont :
20% des Arts-vivants
50% des arts visuels
30% des autres secteurs de la culture et de la communication
60% des entrepreneurs de ces CAE Culturelles bénéficient du statut de salarié grâce à leur multi-activité professionnelle qu’ils développent, avec des salaires convenables et un seul statut.
Dans une CAE, l’artiste comme « entrepreneur-salarié » est le premier facteur de succès. Il organise son travail et bénéficie d’un statut unique tout en ayant la possibilité de diversifier son activité. La multi-activité est alors reconnue et valorisée. Le statut permet une reconnaissance sociale et un développement économique.
L’entreprise partagée et la coopération sont des facteurs de succès pour le secteur culturel et artistique car l’enrichissement mutuel des interventions des artistes et des professionnels du secteur qui alimentent les créations et les prestations, les innovations expérimentées et le cadre structurant de la CAE, permettent le développement et l’ancrage d’un plus grand nombre d’activités professionnelles qui n’auraient pas pu voir le jour si les acteurs n’avaient pas été soutenus (accompagnés) et sortis d’une certaine précarité.
Le troisième facteur de succès est le collectif face à la société et à son regard sur la professionnalité de l’art. Etre organisé professionnellement en collectif structuré de créatifs dans une entreprise garantit la qualité des prestations et la confiance du client pour s’adresser à une coopérative. La qualité du service de la coopérative est garante de la qualité des prestations des artistes, collectivement et individuellement. Chacun et tous sont garants de leur travail.
L’Impact de l’initiative est culturel car il augmente l’offre culturelle et participe de la diversification sur un territoire.
L’organisation entrepreneuriale coopérative a un impact sur la créativité et le développement économique et social d’un territoire par l’enrichissement humain, social qu’elle permet en dynamique collective tout en créant et renforçant des emplois.
Le développement d’activité artistique originale est possible et permet à tout créateur d’activité du secteur de trouver un espace de réalisation et de reconnaissance de son art.
La coopérative s’affirme aussi par sa participation au développement du milieu (de l’environnement) dans lequel elle se vit et non la simple activité au bénéfice de ses membres. La CAE Culturelle se développe là où la dynamique d’un territoire le permet et avec les partenaires culturels qui s’y développent. Ceci permettant donc de créer et de répondre à de nouveaux marchés.
L’expérience d’une CAE Culturelle sur un territoire a permis aujourd’hui de créer 3 autres CAE (Généraliste, Service aux personnes et Bâtiment) sur le même territoire pour faire se prolonger le modèle et coopération et générer des solidarités territoriales avec de nombreux métiers.
Une CAE sur un territoire est un acteur d’initiatives pour de nouveaux marchés spécifiques de l’art et de la culture ; pour valoriser la créativité face au monde social, pour créer de l’économique ; pour faire levier, pour être un lien entre l’art et l’éducation, l’art et l’entreprise, l’art et la société.
Exemple : Une collectivité publique s’adresse à une CAE pour traiter la question de l’urbanisme dans un quartier dit difficile - grâce aux profils différents et complémentaires des acteurs culturels rassemblés dans une même structure et sous une même idée de coopérer ensemble, avec et pour la société.
Dans la CAE les usagers sont aussi les membres et ils bénéficient des services d’accompagnement, participent à la coproduction de ceux-ci et à la continuité de la structure. Les bénéficiaires sont les acteurs de la société civile qui bénéficient de l’art et de la culture par des professionnels.
L’artiste n’a plus dans la société une posture de faiseur d’Ĺ“uvre, grâce à la CAE Culturelle il est « acteur » de son territoire à travers ses créations.
Aujourd’hui en France, 4 CAE sont des acteurs de ce modèle et à l’intérieur de leur modèle, les entrepreneurs salariés en sont les principaux « acteurs ».
Mutualiser les contraintes à travers du co-entrepreneuriat sur le mode de l’apprentissage et du compagnonnage (la curiosité à apprendre aussi par soi-même, la vie communautaire du collectif ; la liberté d’expression et la créativité).
Aujourd’hui, l’entrepreneur artiste doit maitriser toute la chaine de la production, de la création, de la diffusion et de l’administration de son projet qui est proposé par la CAE.
La double qualité d’une entreprise partagée permet que dans la SCOP, ce sont ceux qui travaillent qui sont ceux qui gouvernent.
Le collectif et la mutualisation organisés dans la CAE sont un modèle de propositions pour la continuité de l’ART dans la société.
Nous faisons l’hypothèse de mutualiser des contraintes et des implications d’artistes et de professionnels de la culture dans une innovation organisationnelle où la double qualité de salarié et associé de son entreprise permet des coresponsabilités qui valorisent chaque professionnel dans sa création et sa vision d’une société plus complémentaire.
Une coopérative d’activités et d’emploi (CAE) est une entreprise sous la forme d’une société coopérative de production (SCOP) dont les activités sont spécifiques au secteur de la création artistique et culturelle.
La coopérative offre aux professionnels des métiers artistiques et culturels un cadre juridique et administratif, un suivi de gestion et un accompagnement individualisé pour leur développement économique.
C’est une véritable école de l’entreprenariat et de la coopération qui existe et partage son mode d’organisation avec des entrepreneurs recherchant des réponses pour de nouvelles conditions de Travail dans l’art et la Culture.
Les CAE Culturelles s’adressent à des personnes candidates à la création de leur propre emploi dans le cadre d’un projet artistique ou culturel. Il peut s’agir de professionnels en recherche de nouveaux moyens, de demandeurs d’emploi, de bénéficiaires du RSA, de l’ASS, de salariés…
Tout en apprenant à devenir de véritables entrepreneurs, les créateurs partagent leurs expériences avec les autres entrepreneurs. La dynamique relationnelle donne sens à l’entreprise collective. Elle se construit sur des valeurs communes d’égalité, de solidarité et de mutualisation.
L’entrepreneur-salarié est la figure centrale des Coopératives d’Activités et d’Emploi :
Le cadre entrepreneurial de la CAE permet de tester, développer et pérenniser une activité économique, et de bénéficier d’un accompagnement dans la durée, pour « apprendre en faisant » le métier d’entrepreneur au sein d’une entreprise collective
Le fonctionnement de la CAE consiste à créer progressivement son propre emploi salarié avec des salaires augmentés progressivement en fonction de l’évolution du chiffre d’affaires personnel. Les entrepreneurs ayant un statut de salarié du régime général cotisent et bénéficient des avantages de la formation professionnelle pour compléter leurs formations. Dans cette entreprise coopérative qu’ils mutualisent avec d’autres entrepreneurs, les salariés peuvent devenir associés.
Ainsi les entrepreneurs- salariés participent du fonctionnement social salarial, bénéficient des avantages de formation proposée aux salariés.
Les publics concernés par ce modèle sont les créateurs d’activité, porteurs de projets que nous appelons entrepreneurs salariés qui sont professionnels dans les métiers et talents qu’ils développent dans leurs multi-activités.
Les métiers représentés dans les CAE Culturelles en France sont issus,
Des arts-visuels (photographes, dessinateurs, illustrateurs, maquillages, stylistes, réalisateurs audiovisuels) ; des arts plastiques (peintres, sculpteurs), des arts-vivants (musique, théâtre, danse, cirque, performeurs,) que des réalisateurs, compositeurs, auteurs, écrivains, poètes que de tous types de metteurs en scène, techniciens du son, de l’image ou de l’audiovisuel ; ainsi que des professeurs d’arts, art-thérapeute, médiateurs d’art ; que des administrateurs, attachés de presse, guides, managers, chargé de développement, etc. et tout autre métier à destination du secteur culturel et artistique.
Le réseau des CAE Culturelles est aujourd’hui composé de 4 CAE
ARTENREEL à Strasbourg (depuis 2004)
CAE CLARA à Paris (depuis 2006)
Le département ARTENREEL de la CAE Chrysalides dans le Finistère (depuis 2009)
ARTEFACTS à Orléans depuis (Novembre 2010)
Celles-ci sont composées d’équipes de permanents qui sont garants des missions d’accompagnement et de la gestion administrative et comptable des projets des entrepreneurs. Ils animent la vie coopérative dans des logiques de mutualisation et de développement du projet d’entreprise partagée.
Les partenaires permettent au modèle économique mixte de la structure de faire bénéficier à des porteurs créateurs d’activités, toutes les compétences des accompagnements avant de devenir entrepreneur salarié, membre à part entière de l’entreprise partagée.
Les CAE Culturelles ont des partenaires autant professionnels qu’institutionnels, financeurs ou acteurs de nouvelles collaborations :
Financeurs : Union européenne, Etat, collectivités territoriales, régionales, municipalités,
Les CRESS, Pole Emploi, chambre consulaire et réseaux professionnels, l’Unesco encouragent nos initiatives.
Idem
Les CAE Culturelles travaillent en réseau, ensemble pour favoriser les échanges de savoirs, les évolutions de nos pratiques et bientôt pour favoriser les mobilités. Ainsi chacun peut se développer en fonction des besoins de son environnement et de la dynamique de son territoire et continuer d’avoir une vision nationale et européenne de son action. Ces CAE développent des partenariats avec les acteurs du monde culturel et artistique nationaux et territoriaux pour mener à bien leurs actions.
Les CAE Culturelles sont aujourd’hui des structures d’innovation où le co-entrepreneuriat comme facteur de professionnalisation des « acteurs » d’un métier se conjugue avec la notion de diversité culturelle et artistique dans ses multiples dimensions.
« La nouvelle organisation du travail réclame de nouvelles compétences, de nouveaux savoirs faire et une grande capacité d’adaptation aux évolutions des modalités de production artistique. La prise en compte en coopérative de la pluriactivité artistique est véritablement un élément constitutif de la profession, en réponse à la situation actuelle de l’artiste en France ».
Les acteurs culturels recherchent de nouveaux équilibres, de nouveaux modes d’organisation et de nouvelles solidarités dans ce métier qui est le leur et qui change, en leur demandant de créer des multi activités et de continuer de créer.
La réponse des CAE Art et Culture permet de mutualiser les réponses et d’expérimenter des solutions directement en réponses à ces contraintes et de continuer de créer et d’innover ensemble. Le modèle de la CAE culturelle permet enfin de professionnaliser dans le secteur culturel et artistique le co-entrepreneuriat.
Les nouvelles organisations du travail (notion de porteurs de projets dans les arts vivants ou de collectif dans les arts-plastiques) réclament de nouvelles compétences, de nouveaux savoir-faire et une capacité d’adaptation aux évolutions des modalités de productions artistique liés à la situation.
L’entrepreneur artiste doit maitriser toute la chaine de production de ce travail et de ces métiers : de la création à la communication ; de la diffusion à l’administration de son travail en passant par toutes les étapes de gestion économique et de développement du réseau.
De ce fait, la prise en compte de la pluriactivité (de compétences, d’emplois, de projets) est véritablement un élément en réponse aux évolutions des pratiques de travail dans les secteurs artistiques.
Le modèle économique de la CAE permet l’hybridation des ressources financières et assure la pérennité et la viabilité du modèle économique ; la mutualisation des coûts en assurent les services partagés (ex : 10% du C.A des entrepreneurs permet l’autofinancement de la CAE) en intégrant de la participation et de l’intéressement en répartition des excédents nets, la CAE met à disposition du collectif et des salariés les modalités d’une entreprise en pleine croissance.
L’engagement des entrepreneurs dans la vie de la structure construit et pérennise un modèle innovant de développement local des emplois créés et de renforcement du maillage professionnel du secteur culturel sur le territoire en même temps que la professionnalisation des « acteurs » de la culture.
Nous nous indignons contre l’absence de reconnaissance du travail artistique par le désengagement progressif des pouvoirs publics et ceci face à l’importance du rôle de l’art, de la culture et de l’impact de la créativité dans la société.
Entrepreneur- salarié d’une CAE Culturelle depuis janvier 2009 : Etienne. A. 35 ans Designer, Architecte d’intérieur, Graphiste.
« Après 2 années d’activité en Indépendant, j’ai choisi d’adhérer à la coopérative Clara pour rejoindre le réseau, la philisophie, le fonctionnement d’une coopérative, et plus particulièrement ceux d’une coopérative spécialisée dans les métiers artistiques.
Habituellement la coopérative est utilisée comme tremplin pour démarrer une activité dans le but de créer son entreprise par la suite et devenir plus indépendant. Moi j’ai fais le chemin inverse car lorsque j’ai démarré je ne connaissais pas l’existence des coopératives.
Après 2 années durant lesquelles j’étais très seul à tourner en rond chez moi et à faire plus d’administratif que de réelle activité lucrative, j’ai pu faire le bilan de ce qui ne fonctionnait pas et de ce dont j’avais besoin. J’avais découvert la coopérative au bout d’un an, mais le choix pour moi de la rejoindre était encore précoce car je venais à peine de démarrer mon entreprise pour laquelle j’avais dépensé tant d’énergie et de temps, et parce que les charges au sein de la coopérative étaient beaucoup plus élevées. Mais la coopérative suscitait tout de même un grand intérêt pour moi car elle répondait exactement à tous mes besoins.
Besoin de me décharger de l’administratif et de la comptabilité, besoin d’être accompagné et conseillé pour mon démarchage, d’être intégré dans d’éventuels projets professionnels de groupe, besoin d’être en lien avec d’autres travailleurs, d’éventuels partenaires de projets, besoin d’être pris dans une synergie de groupe tout en restant indépendant, et besoin d’avoir une meilleure stabilité financière et sécurité sociale (droits chômage etc.)
Toutes ces raisons valaient bien la peine de payer un peu plus de charges, mais surtout c’est aussi la philosophie de solidarité, d’équité, de soutien du groupe dans le respect des libertés de chacun qui me correspondent parfaitement. N’étant pas bien adapté au fonctionnement habituel pyramidal et hiérarchique de l’entreprise classique, j’ai pu trouver dans la coopérative tout l’équilibre nécessaire pour mon évolution créative et professionnelle, dans le respect de mes libertés tout en m’aidant dans mon développement. »