Cahier de l’entrée Coopérer/ Mutualiser
Le collectif des associations citoyennes souhaite qu’un large débat s’instaure sur le rôle et l’utilité sociale des associations, qui représentent 80 % de l’économie sociale et solidaire, et fait pour cela des propositions qu’on trouvera développées ci-dessous
En effet, il n’y a pas d’issue à la crise globale sans des associations désintéressées, reconnues dans leur contribution au bien commun et confortés dans leur capacité d’agir. Il est indispensable pour cela que les États généraux prennent position pour l’abrogation de la loi portant réforme des collectivités territoriales, pour une autre RGPP et pour le remplacement de la circulaire Fillon par un nouveau texte, législatif, reconnaissant le rôle et la spécificité des associations, ainsi que la diversité des situations, et qu’ils demandent l’adoption de modalités nouvelles pour le financement public des actions porteuses d’intérêt général, en distinguant les activités commerciales et non commerciales et en sécurisant les financements.
Il souhaite en particulier soumettre au débat une proposition de loi portant à la fois sur l’économie sociale et solidaire et le champ associatif en s’inspirant de L’Espagne, qui a récemment montré la voie en adoptant une loi sur l’économie sociale qu’on rêve de voir adopter d’autres pays de l’union européenne, notamment par la France. Ce premier texte n’est bien sûr qu’une ébauche.
Les associations représentent une part importante de l’économie sociale et solidaire. Mais leur rôle n’est pas uniquement ni même essentiellement un rôle d’opérateurs économiques. En effet, elles représentent, avec les instances politiques et les syndicats, l’un des 3 piliers de notre vie démocratique. Elles sont l’expression d’un droit fondamental reconnu par la Constitution, essentiel aux libertés publiques. La nature des services rendus par les associations est fondamentalement différente de services équivalents rendus par des entreprises, dans la mesure où les associations sont les seules à même d’apporter une continuité, des relations humaines et du sens là où les relations marchandes n’apportent qu’un service matériel. Enfin, beaucoup d’entre elles cherchent également, au-delà de la satisfaction de leurs membres, à répondre aux besoins d’une société en totale mutation. Ce sont elles que nous appelons associations citoyennes.
Encore faut-il que celles-ci ne soient pas, au moment même où s’affirme leur caractère indispensable, menacées par l’évolution des politiques publiques. Or, dans les 2 ans qui viennent, si nous n’influons pas significativement sur le cours des choses, la vie associative connaîtra, comme l’ensemble de l’économie sociale et solidaire, le sort que viennent de connaître les services publics : une remise en cause pure et simple au profit de logiques marchandes et au détriment du lien social et de la démocratie au quotidien.
Quatre évolutions majeures menacent aujourd’hui les associations citoyennes dans la poursuite de leur action et mettent en cause leur survie :
1) Les contraintes budgétaires de l’État et la RGPP (révision générale des politiques publiques, réalisée sans concertation dans une logique d’économies budgétaires), se traduisent par la remise en cause de très nombreux financements pour des actions contribuant au bien commun sous diverses formes.
2) Les charges nouvelles imposées aux collectivités et la suppression de la TP (sans véritable contrepartie) les conduisent à la remise en cause des aides aux associations et se traduisent par des ruptures de financement et d’ores et déjà par la disparition de nombreuses associations.
3) La réforme des collectivités, qui sera de plein effet en 2014, remet en cause la compétence générale des Départements et des Régions, avec l’impossibilité des cofinancements, ce qui va rapidement conduire à l’instrumentalisation des associations dès lors qu’elles n’auront plus qu’un seul financeur. Cette réforme se traduit aussi par le renforcement du pouvoir des préfets. La remise en cause des différentes formes de concertation entre associations et collectivités (conseils de développement, intercommunalités de projet) rend plus difficile l’élaboration de réponses communes aux enjeux de société.
4) La modification du régime des subventions introduite par la circulaire Fillon du 18 janvier 2010 conduit à limiter les subventions, au-delà de 200 000 euros sur 3 ans, à la contrepartie d’une obligation de service public, avec une stricte compensation financière. Elle conduit déjà de nombreuses collectivités à remettre en cause des aides qu’elles accordent depuis longtemps pour passer à des appels d’offres, soumis aux règles de la concurrence, au détriment de la qualité des services et de l’expérience accumulée localement.
Ces évolutions, largement entamées depuis 20 ans, franchissent aujourd’hui un seuil décisif. La vie associative désintéressée est menacée dans son existence même, à très court terme. Seule est prise en compte la dimension commerciale, marchande des activités associatives, en assimilant toute activité ayant une contrepartie monétaire à une activité lucrative relevant des règles de la concurrence. Les actions associatives désintéressées sont critiquées comme des distorsions de concurrence ou convoitées comme des marchés potentiellement lucratifs.
Notre espérance : jouer pleinement notre rôle pour construire une société à finalité humaine
Nous espérons nous situer à partir de 2012 dans un contexte global renouvelé, dans lequel le dialogue social retrouve sa place pour construire ensemble avec toutes les forces vives locales, régionales, nationales et européennes des réponses communes aux enjeux extrêmement importants face auxquels nous sommes confrontées. Il n’y a pas d’issue à la crise globale sans des associations désintéressées, reconnues dans leur contribution au bien commun et confortés dans leur capacité d’agir.
Il est indispensable pour cela que certaines lois récemment adoptées soient remises en cause. Nous souhaitons que les états généraux de l’économie sociale et solidaire prennent position pour l’abrogation de la loi portant réforme des collectivités territoriales, pour une autre RGPP et pour le remplacement de la circulaire Fillon par un nouveau texte, législatif, reconnaissant le rôle et la spécificité des associations, ainsi que la diversité des situations. Nous souhaitons que les États généraux demandent l’adoption de modalités nouvelles pour le financement public des actions porteuses d’intérêt général, en distinguant les activités commerciales et non commerciales et en sécurisant les financements.
Nous savons que ces mesures ne seront adoptées que si la mobilisation se poursuit au-delà du 19 juin 2011. Quel qu’il soit, un nouveau gouvernement n’adoptera de bonnes mesures en 2012 que si les associations comme les acteurs de l’économie sociale et solidaire se mobilisent fortement et font entendre leur voix lors de sa mise en place. Le collectif des associations citoyennes s’associera bien entendu aux différentes mobilisations qui vont dans ce sens, tant au niveau des territoires qu’au plan national ou européen. Il favorisera et apportera également tout son concours aux initiatives communes, car l’union fait la force.
Certaines associations parmi les plus importantes (3000 associations emploient plus de 100 salariés), largement acquises à des logiques commerciales, peuvent trouver leur compte à s’adapter à l’évolution actuelle. Il n’en est pas de même des 120 000 associations qui ont de un à 10 salariés ni des 800 000 qui ne mènent que des actions bénévoles et contribuent pour la plupart à des tâches essentielles pour l’intérêt général et la société.
Devant ces attaques frontales, un collectif des associations citoyennes s’est constitué en 2010 pour élaborer des propositions alternatives, agir localement et lancer un débat sur le rôle des associations dans la société de demain. Il n’y aura pas de bonne réponse à la crise globale sans les associations citoyennes et leur action dans la société. Celles-ci doivent pouvoir jouer pleinement leur rôle au service du développement des territoires et du bien commun.
Une large mobilisation a été engagée pour faire connaître la circulaire auprès de l’ensemble des associations et exiger son annulation. Un premier appel « Non à la remise en cause des libertés associatives » a reçu 3500 signatures. En mai 2010, recours en Conseil d’État a été déposé pour excès de pouvoir . C’est le succès de cette démarche a suscité en juin la décision de créer le Collectif des associations citoyennes. Celui-ci comprend aujourd’hui plus de 200 associations, dont 35 réseaux nationaux et environ 200 personnes à titre individuel réparties dans les régions.
Un lieu d’échanges partenarial et d’interpellation
Les associations et les personnes participant au collectif se reconnaissent dans des principes communs de non lucrativité, de démocratie interne, de lien avec le territoire, d’ouverture à tous, d’éducation citoyenne, d’implication bénévole, de prééminence de l’humain, avec des projets associatifs qui répondent à des besoins fondamentaux individuels ou collectifs. La démarche est appuyée par un comité de parrainage de 60 personnalités.
Face au silence des instances représentatives, il paraît salutaire de créer un lieu de parole autonome pour les associations qui mènent des actions désintéressées, contribuant au bien commun et participent de ce fait à la transformation de la société. Cet objectif apparaît progressivement comme le principal, au-delà de la première démarche engagée au niveau juridique.
Les échanges révèlent une grande convergence de vues et d’aspirations entre des associations extrêmement diverses, travaillant dans des domaines différents : associations culturelles, socioculturelles, d’éducation populaire, de jeunesse, humanitaires, sportives, etc. Une réflexion est menée pour préciser les critères qui permettent de justifier que des associations citoyennes relèvent d’une logique différente de celle d’une entreprise commerciale.
Un nouvel appel
Un nouvel appel, lancé le 15 mars 2011, a déjà reçu 900 signatures. Il s’adresse à toutes les associations qui se reconnaissent dans une charte de principes à rejoindre le Collectif des associations citoyennes, afin de se soutenir mutuellement, élaborer des propositions alternatives, lancer un débat public sur la contribution des associations au bien commun et constituer des espaces de débat, de réflexion et de propositions.
Il propose à tous les citoyens attachés au droit fondamental qu’est la liberté d’association à refuser cette évolution inacceptable, à en faire largement connaître les risques pour les libertés, à soutenir l’action du collectif et à participer aux échanges et aux actions communes.
Cet appel demande également aux collectivités locales, départementales et régionales de refuser la réduction des associations à un rôle de prestataire et de définir, en concertation avec elles, de nouvelles relations de partenariat afin de répondre ensemble aux immenses enjeux de la période actuelle.
Notre espérance : jouer pleinement notre rôle pour construire une société à finalité humaine
Nous espérons nous situer à partir de 2012 dans un contexte global renouvelé, dans lequel le dialogue social retrouve sa place pour construire ensemble avec toutes les forces vives locales, régionales, nationales et européennes des réponses communes aux enjeux extrêmement importants face auxquels nous sommes confrontées. Il n’y a pas d’issue à la crise globale sans des associations désintéressées, reconnues dans leur contribution au bien commun et confortés dans leur capacité d’agir.
Quelques propositions alternatives
Élaborer un cadre législatif et réglementaire reconnaissant les spécificités des actions économiques non commerciales.
Le collectif propose au débat des États Généraux un cadre législatif et réglementaire qui sécurise les associations et les entreprises d’économie sociale et solidaire menant des activités économiques de façon non commerciale, au service du bien commun, avec une gestion désintéressée et une démarche solidaire.
Il vient d’élaborer une proposition de loi portant à la fois sur l’économie sociale et solidaire et le champ associatif en s’inspirant de L’Espagne, qui a récemment montré la voie en adoptant une loi sur l’économie sociale qu’on rêve de voir adopter d’autres pays de l’union européenne, notamment par la France. Nous souhaiterions développer un mouvement en faveur de l’adoption de lois similaires dans d’autres pays européens.
Redonner sa place à la réglementation antérieure pour les actions non économiques
Ce cadre devrait aussi confirmer que le régime antérieur des subventions (circulaires de 2000, 2002, 2007) continue de s’appliquer aux activités non économiques en matière de subventions de l’État et de conventions pluriannuelles d’objectifs, et mettre en place des modèles de conventions pluriannuelles d’objectifs simplifiés (par rapport à celui proposé par la circulaire du 18 janvier), adaptés à la taille des petites et moyennes associations, la finalité de leur action et la nature de leurs activités.
Mettre en place des modèles de conventions pluriannuelles d’objectifs simplifiés
Il est possible de définir autrement des conventions pluriannuelles d’objectifs, comme une sécurisation des actions à finalité non lucrative et non comme une généralisation de la mise en concurrence. Nous proposons de mettre en place des modèles de conventions annuelles et pluriannuelles d’objectifs, simplifiés (par rapport au nouveau modèle CERFA, complexe et inadapté, imposé par la circulaire du 18 janvier) et adaptés à la taille des petites et moyennes associations, aux différents types d’actions et à la nature de leurs activités.
Préserver du marché certains secteurs d’activités
Pour préserver la qualité et la nature du travail associatif en terme de continuité, de relations humaines et de valeurs sous-jacentes, il serait nécessaire de soumettre certains secteurs d’activité à des principes de non lucrativité, dès lors que celles-ci sont les plus appropriées pour répondre à des besoins sociétaux que ne peuvent pas rendre de la même manière des entreprises privées. C’est ce que reconnaît la jurisprudence européenne avec l’arrêt Sodemare, et que d’autres pays ont mis en oeuvre, mais pas la France.
Agir auprès de l’Union européenne
Le collectif a mis en place un dispositif de veille afin de pouvoir répondre rapidement aux demandes d’avis et de consultation émis par la commission européenne ou par le parlement européen, notamment pour évaluer l’application des règlements européens 5 ans après leur signature et inciter un maximum d’association à y répondre pour faire masse. Cela implique de préciser notre analyse sur l’interprétation française de la directive Services et de proposer une définition européenne des services d’intérêt général, et de formuler des propositions alternatives aux règlements actuels.
Construire de nouvelles relations entre associations et collectivités publiques
Les associations et les collectivités doivent définir de nouvelles relations de travail pour construire ensemble l’avenir des territoires et les nécessaires réponses aux enjeux liés à la crise. Un travail commence à s’élaborer avec un certain nombre de collectivités qui refusent de passer à la généralisation des appels d’offres et maintiennent des politiques de subventions, malgré le chantage au risque juridique.
Mais les relations entre associations et collectivités ne se résument pas aux relations contractuelles et l’attribution des subventions. Associations et collectivités sont placées ensemble face à une situation qui ne cesse de s’aggraver. Elles peuvent y répondre ensemble à travers l’élaboration de projets territoriaux et de réponses communes à des questions spécifiques. L’expérience accumulée par le développement local depuis 40 ans, les démarches de développement durable porté par les agendas 21 participatifs et les démarches de co construction de la ville en milieu urbain montrent la voie. Il s’agit dans tous ces cas d’élaborer une démarche participative autour d’un projet, parfois global, économique, social culturel et environnemental, afin de mobiliser de tous les acteurs et les citoyens du territoire.
Face à la vision réductrice du gouvernement, qui limite la notion d’activité économique aux activités concurrentielles et commerciales, il est nécessaire de distinguer les activités commerciales et les activités économiques non concurrentielles, au niveau du régime des aides, de la fiscalité, et plus largement de la reconnaissance par les pouvoirs publics.
Certaine associations ne vendent rien
Certaine associations ne vendent rien mais sont des employeurs importants. Leur activité a une dimension économique, puisqu’elles créent des emplois, mais ce n’est pas une activité économique au sens européen du terme, puisqu’elles « ne vendent pas régulièrement des biens et services sur un marché ».
D’autres sont des acteurs de l’économie solidaire
D’autres sont des acteurs essentiels de l’économie solidaire. En effet de très nombreux besoins sociétaux sont couverts par des activités associatives désintéressées, qui poursuivent un but d’éducation, de lien social, de coopération, d’épanouissement des personnes, d’intervention dans la société. C’est le cas de nombreuses associations culturelles, d’aide à la petite enfance, d’éducation populaire, d’accompagnement et d’éducation de personnes souffrant de handicaps, de clubs sportifs, etc… Ces associations cherchent l’équilibre économique de leurs activités, mais elles ne cherchent pas à faire de profit ni à augmenter leurs parts de marché. Elles se démarquent du marché concurrentiel par leur nature non lucrative et leur auto organisation citoyenne, garante de leur continuité. Il faut redonner de la force aux critères d’une gestion désintéressée, et pour cela préciser les critères qui la caractérisent.
Ces activités doivent en effet être distinguées, au niveau du régime des aides, de la fiscalité et plus largement de la reconnaissance par les pouvoirs publics de celles menées par des organisations utilisant le statut associatif dans des logiques d’expansion, voire de monopole et de concentration économique pour faire du business, développer des activités de conseil, parfois dans les mêmes domaines d’activités. Les notions d’utilité sociale et d’intérêt général sont parfois devenues des fourre-tout ou des paravents pour des « associations lucratives sans but », qui de fait pratiquent une gestion intéressée et une logique d’accumulation des bénéfices, même si formellement ceux-ci sont impartageables. Ces activités sont parfaitement légitimes et leur contribution à l’activité économique est importante, mais elles ne peuvent pas prétendre bénéficier du même régime que celle qui sont au service du bien commun.
3 La dimension démocratique des associations citoyennes
Les associations citoyennes sont l’un des piliers de la démocratie, avec les forces politiques et les syndicats. Elles sont porteuses d’une exigence de démocratie interne, dans une logique de réciprocité et de participation qui les distingue fondamentalement des organisations caritatives largement développées dans les sociétés anglo-saxonnes.
Elles sont également forces de propositions et co-constructrices, avec les collectivités, d’actions au service du bien commun au sein des territoires. Il est légitime qu’elles soient financées par ces dernières sans pour autant être leurs prestataires. Elles ne doivent pas être sanctionnées quand elle jouent parfois un rôle salutaire de contre-pouvoirs.
C’est pourquoi il n’est pas acceptable que les associations citoyennes soient réduites à des rôles de sous-traitants, parfois en remplacement des services publics qu’on a déshabillés ou qu’elle soient soumises aux choix de fondations issues d’entreprises commerciales, en dehors de toute transparence et de tout contrôle démocratique. C’est à la puissance publique de rendre possible les actions d’intérêt général et non à la bienveillance des fondations privées.
Nous nous indignons de l’instrumentalisation et de la destruction du secteur associatif par les pouvoirs publics