Exilés : favoriser l’émancipation

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Argumentaire

Les exilés venus en Europe sont confrontés à une restriction importante des possibilités d’accès au droit au séjour et à une complexité et des obstacles croissants à l’accès à une protection. Ceci déclenche une errance à travers l’espace Européen, et à la relégation dans des espaces sociaux et géographiques marginaux.

Calais est une étape de cette errance, pour ceux et celles qui ont pour but d’atteindre le Royaume-uni, ou qui n’ayant pas trouvé d’accueil avant sur leur parcours continuent dans l’espoir de trouver plus loin une situation meilleure. Ou parfois arrivent là pour demander l’asile après s’être confrontés à l’obstruction des procédures en région parisienne.

L’absence d’hébergement, les évacuations de squats, les destructions de tentes, cabanes, bâtiments squattés, le harcèlement policier quotidien contribuent à la précarité et à la relégation, et accroissent la dépendance aux associations locales de solidarité.

Comment sensibiliser d’autres acteurs

Par les échanges autour des pratiques. La Marmite aux Idées s’implique beaucoup dans le développement des liens en acteur et la création de lieux et d’occasions d’échange.

Conditions du développement

L’élément clé est de renforcement du nombre de bénévoles impliqués dans les activités de l’association.

Données chiffrées

Il y a depuis un an entre 200 et 300 exilés dans le Calaisis. Il s’agit d’une population essentiellement mobile, les uns réussissant à passer en Grande-Bretagne, d’autres allant tenter leur chance dans d’autres lieux ou se repliant provisoirement vers d’autres villes, ou pour les demandeurs d’asile partant vers le lieu d’hébergement qui leur a été proposé. Certains disparaissent parce que placés en rétention, emprisonnés ou expulsés.

Un noyau plus stable s’est néanmoins constitué au fil du temps de demandeurs d’asile hébergés dans le Calaisis ou de personnes ayant le statut de réfugié et s’étant fixées dans les environs. Nous l’estimons à une quarantaine de personnes.

Changement d’échelle possible

Le changement d’échelle peut se faire par essaimage, délégation, intégration dans un réseau ou croissance propre :

  • essaimage par reprise de ce type d’initiative par d’autres groupes ou associations, notamment dans d’autres localités, ce qui peut se faire par échange d’expériences à travers les différents réseaux existants ;

  • délégation, une structure ayant une meilleure assise organisationnelle et financière reprenant la mise en oeuvre d’une action ;

  • l’initiative prend sens par rapport à la population mobile des exilés si elle est un moment qui s’articule avec d’autres moments de leur parcours, si cette rencontre fait partie d’une suite de rencontres permettant la maturation d’un projet personnel et la réappropriation de son avenir ;

  • le développement de la capacité organisationnel et financière de l’association pour mener une action.

Pour l’instant, La Marmite aux Idées a fait le choix de l’essaimage et de l’intégration dans des réseaux, le réseau « Jungles » au niveau régional, qui regroupe les associations impliquées auprès des exilés en amont de la frontière britannique, et le réseau Welcome to Europe qui est centré sur l’accueil et l’information des exilés venant en Europe.

Facteurs de succès

L’initiative se situe dans un dialogue noué avec les exilés, elle est tissé de réponses pragmatiques à des interpellations et des demandes. Elle se situe aussi dans un contexte de renouvellement de génération dans le tissu associatif environnant qui facilite le travail en réseau. Le durcissement des politiques migratoires et de la répression contre les exilés est à la fois un facteur de mobilisation et de solidarité, mais aussi de tétanisation et de découragement.

Impacts de l’initiative

Nous manquons à la fois de recul et d’indicateurs pour saisir l’impact tant individuel que collectif de notre travail, d’autant qu’il se situe dans un réseau multiple d’initiatives et touche une population mobile. Nous pouvons dire à ce stade que les exilés nous en font un retour positif, qu’il participe d’un débat sur le regard et sur les pratiques associatives, et que nous touchons encore trop peu la population locale.

L’organisation

La Marmite aux Idées est une association loi 1901 créée à l’automne 2009, mais dans son fonctionnement réel est bien plutôt un pôle d’impulsion dans un réseau très diversifié d’acteurs individuels et collectifs.

La structure, porteuse de l’initiative

L’association doit se renforcer, principalement en terme de nombre de bénévoles, pour avoir une meilleure capacité d’action propre. Le travail en réseau rend parfois difficile de finaliser ou de pérenniser certaines actions.

Le modèle financier

Il repose sur l’implication bénévole et sur les dons, donc sur la mobilisation citoyenne, ce qui implique d’être en phase avec un secteur au moins de l’opinion et de créer, recréer et conserver le lien avec la population.

Les acteurs (Qui ?)

Les bénévoles de l’association, en lien avec les bénévoles d’autres associations, dans un travail en réseau local et régional avec d’autres organisations.

La Marmite aux idées est un pôle d’impulsion dans un tissu diversifié d’acteurs.

Nous tissons également des liens avec des associations et des groupes actifs sur le parcours des exilés en Europe, à travers notamment le réseau Welcome 2 Europe.

Les jeunes

La très grande majorité des exilés que nous rencontrons ont entre 15 et 30 ans. Et le tissu de bénévoles associatifs avec lesquels nous sommes le plus en phase quant à l’approche de contact avec les exilés est majoritairement de la même tranche d’âge.

Les partenaires

Dans le contexte politique et juridique actuel, les perspectives de développement de l’initiative reposent avant tout sur le bénévolat et le don, et des formes d’échanges gratuits entre partenaires.

Ce modèle pourrait changer si la nécessité d’amplifier et de pérenniser certaines actions rencontrais des possibilités de financement, notamment de collectivités locales ou de fondations.

Mais le modèle actuel nécessite une implication du tissu social et une mobilisation citoyenne, qui pourrait disparaître dans le cadre de projets faisant appel à des moyens financiers plus importants et à du travail salarié.

Message à l’opinion

Notre émancipation passe par la leur.

Message aux décideurs

Il est fondamentale de changer de paradigme en matière de politiques migratoires, et de passer d’une politique de contrôle aux frontières qui est en fait une politique d’exclusion de l’accès aux droits, à une politique fondée sur le droit à la mobilité, et donc sur l’échange et sur l’accueil.

Message à ceux qui font l’ESS

Nous avons hésité à vous adresser cette contribution dans le cadre de la préparation des États généraux de l’économie sociale et solidaire. Notre initiative relève en effet plus de la mobilisation citoyenne que de l’activité économique.

Mais dans le cadre d’autres politiques migratoires, l’apprentissage de la langue ou l’accompagnement de projets personnels ou collectifs de migrants feraient l’objet de financements publics et pourraient être portés par des acteurs à part entière de l’ESS, tandis que ces actions ne seraient pas menacées de tomber sous le coup du délit d’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour d’étrangers en situation irrégulière, quand ce n’est pas le risque d’être banalement poursuivi pour outrage à agent pour avoir été là au moment de violences policières.

Il nous a donc paru important de témoigner d’une initiative certes modeste, mais qui doit sa forme au fait qu’elle participe de ce qu’il faut bien appeler, dans le contexte politique actuel, une forme de résistance.

Proposition pour influencer les décideurs

Favoriser la mobilisation citoyenne, qui est incontournable pour faire évoluer les politiques, et proposer aux décideurs une autre approche concrète des problèmes ou de ce qui est considéré comme tel.

Propositions pour convaincre l’opinion

Changer le regard et favoriser la rencontre :

  • favoriser la prise de parole par les exilés, la connaissance par la population des sociétés dont ils sont issus, la réflexion au sein de la population sur ce qui influence l’accueil qui leur est fait (la réflexion sur la rencontre est aussi une réflexion de la société sur elle-même);

  • favoriser l’implication de la population auprès des exilés, dans des formes aussi égalitaires que possible, et la fréquentation par les exilés des lieux ou institutions fréquentés par la population locale.

Présentation de l’initiative (Quoi ?)

Il s’agit d’un faisceau d’initiatives visant à la fois à communiquer aux exilés des outils favorisant la prise d’autonomie et l’émancipation, et à favoriser un meilleur accueil par la société locale.

Dans le premier registre, une initiation au français, une information sur les droits par la discussion et par des supports écrits en plusieurs langues, et une présence régulière dans les lieux de vie des exilés pour rompre l’isolement dans lequel ils sont tenus.

Dans le second, des actions de sensibilisation comme un tour à vélo des différents campements d’exilés de la région, ou une journée sur les migrations avec des jeux, une projection – débat ; mais aussi une interpellation des autorités pour le respect des droits et la mise en place d’une autre politique d’accueil (dossier « État de droit – droits des personnes - Calais » en 2010, constats et propositions concernant le droit des mineurs isolés étrangers à l’intention des conseiller généraux en 2011, implication dans le Collectif Littoral « D’ailleurs nous sommes d’ici »).

Quelles alliances positives ?

Il y a une double alliance à cultiver d’une part avec ceux et celles qui s’émeuvent du sort qui est fait aux exilés souvent dans ses aspects les plus visibles (dénuement matériel), et avec les mouvements sociaux qui remettent en cause les politiques actuelles en matière d’immigration et de droit humains.

Ressources, financements et moyens utilisés

L’activité de La Marmite aux Idées repose sur le bénévolat, les cotisations de ses membres et des dons.

Notre domaine d’activité se situe dans un domaine politiquement très conflictuel, et il a trait avec le délit de solidarité. Le recours aux subventions est une question délicate à la la fois en terme d’accès, de pérennité et de maintien de l’indépendance politique de l’association, alors que la même action en direction d’autres populations pourrait être soutenue, par exemple au titre de l’éducation populaire.

Synthèse de mon indignation en une seule phrase

Les exilés dans le Calaisis sont confrontés à une politique de relégation, de déshumanisation et d’aliénation.

Témoignages

« Si vous ne parliez pas avec nous, nous deviendrions fous » - un jeune exilés afghan, août 2009.

Des réflexions de ce genre, souvent moins tranchées, ou des demandes, d’information, d’apprendre des rudiments de la langue pour pouvoir communiquer, ou simplement de contacts les normaux possible avec des membres de la population locale, ont eu une grande influence sur notre positionnement et notre manière de travailler.