Démocratiser l’accès à une offre régulière de légumes frais biologiques

Cahier de l’entrée Consommer / Se nourrir 

Argumentaire

« Le premier réflexe, quand on n’a pas de sous, c’est de réduire les fruits et légumes », témoigne Mme E. dont la situation financière s’est dégradée à la suite d’un licenciement et qui vit avec son mari et ses deux enfants avec un « reste à vivre » de 6 € par jour et par personne. (Etude Abena, 2007)

En France, l’inégalité socio-économique reste la principale source d’inégalités en matière d’alimentation. La France est l’un des pays européens qui présente les plus fortes inégalités sociales en matière d’obésité et de diabète. Les taux de prévalence de maladies chroniques liées à l’alimentation (surpoids et obésité, hypertension, déficits nutritionnels, etc.) et les taux de mortalité prématurée sont beaucoup plus élevés chez les personnes à faible statut socio-économique (que l’on considère le niveau de revenus ou le niveau de diplôme), et en particulier chez les personnes ayant recours à l’aide alimentaire. (Etude E3A, 2008)

Les achats de fruits et de légumes (F&L) diminuent fortement quand le revenu diminue (les revenus les plus modestes consomment en moyenne 40% moins de F&L que les revenus les plus élevés). Pour la majorité des personnes ayant recours à l’aide alimentaire, celle-ci représente leur source quasi-exclusive d’alimentation. Or ces personnes présentent des carences nutritionnelles en F&L frais ou en conserves (94,5%

Conditions du développement

  • Solidarité nationale (financement public de l’Etat) et locale (collectivités territoriales, associations, cofinancements privés d’entreprises ou de particuliers du territoire).

  • Travail, échanges et liens de proximité avec les publics visés

  • Partenariats privilégiés avec les acteurs spécialisés de l’aide alimentaire (associations distributrices et épiceries sociales et solidaires), de la nutrition-santé et de l’accompagnement socioprofessionnel.

Changement d’échelle possible

Le programme « 30 000 Paniers Solidaires » est basé sur un double principe d’intervention : l’atténuation des prix et l’accompagnement alimentaire. L’offre alimentaire des Jardins de Cocagne vient ici ajouter une dimension forte de la valeur de communication ou d’expression de soi à travers une consommation valorisante de légumes biologiques porteurs d’histoires, de sens et de valeurs (respect de l’environnement, développement de l’emploi, liens d’amitié et de solidarité sur un territoire, dans un quartier…). Il s’agit en somme de faciliter l’accès à une alimentation durable et à une consommation engagée. C’est là aussi que réside l’originalité de cette forme d’intervention reproductible dans l’ensemble des Jardins de Cocagne, comme dans des structures de production-distribution en circuit-court de type AMAP.

Facteurs de succès

Le programme « 30 000 Paniers Solidaires » s’inscrit dans une démarche intégrée qui dépasse la simple mise à disposition de produits alimentaires à des personnes démunies et constitue en cela une action innovante d’accessibilité alimentaire.

Les Jardins de Cocagne proposent une offre de consommation alimentaire responsable dans une démarche intégrée de développement durable. Un frein majeur à l’extension de la consommation responsable dans l’ensemble des catégories sociales demeure son accessibilité financière sur laquelle des actions de sensibilisation sont inopérantes. Le Réseau Cocagne a souhaité répondre à ce questionnement social de l’accessibilité de son offre.

En cherchant à favoriser l’équilibre et le bien-être alimentaire à travers l’implication et la participation directe des publics cibles à un projet local de solidarité, le Réseau Cocagne a fait le pari que ces nouveaux adhérents-consommateurs à faibles revenus soient considérés non plus comme de simples bénéficiaires, mais bien comme des acteurs à part entière qui contribuent à la hauteur de leur moyens financiers au développement d’une alimentation équilibrée, de qualité, durable et engagée.

Impacts de l’initiative

Ce dispositif permet

  • aux Jardins de Cocagne producteurs des légumes de consolider leur activité et de garantir leur niveau de rémunération.

  • aux consommateurs répondant aux critères d’éligibilité de bénéficier durablement d’un panier de légumes frais en accédant à une offre similaire à celle de l’ensemble des adhérents consommateurs des Jardins de Cocagne. De développer des savoirs et savoirs faire en matière d’achat, de conservation, de préparation et de consommation de légumes de saison.

L’organisation

En 2010, le Réseau Cocagne lance un programme expérimental en ce sens : l’opération « 30 000 Paniers Solidaires ». Le dispositif mis en place s’est attaché à lever les deux freins principaux identifiés comme limitant l’accès à une consommation régulière de fruits et légumes frais.

1 – le frein financier en instaurant un ticket modérateur à la charge des consommateurs répondant aux critères d’insuffisance de ressources.

Le prix à la charge du consommateur se situe entre 20 et 30 % de la valeur des fruits et légumes composant le panier hebdomadaire.

Le financement du complément de tarif est supporté par des financeurs publics et privés mobilisés sur cette initiative.

2 – le frein social et culturel en proposant aux consommateurs éligibles au dispositif, d’accéder à des ressources et ateliers d’accompagnement alimentaire (recettes de cuisine adaptées aux contenus des paniers, ateliers de cuisine, fiches de composition de menus animés par des diététiciens, ateliers de préparation et transformations de légumes pour conservation…)

Les acteurs (Qui ?)

15 jardins de Cocagne en France expérimentent depuis 2010 ce dispositif qui permet à près de 300 personnes à faibles revenus de bénéficier chaque semaine d’un panier de légumes frais, biologiques et produits localement.

Les jeunes

En 2011, le dispositif s’est étendu à des étudiants de l’Université de Strasbourg et de Lille. En partenariat avec les Jardins de Cocagne, des associations étudiantes de sensibilisation à l’environnement distribuent des paniers solidaires à près d’une trentaine d’étudiants orientés par les services d’action sociale de l’Université.

Présentation de l’initiative (Quoi ?)

A travers leur Charte, les Jardins de Cocagne s’engagent à « commercialiser la production à destination d’un réseau d’adhérents-consommateurs », notamment en cherchant à « favoriser l’accès aux produits pour les plus démunis ».

Si l’alimentation demeure une nécessité vitale pour chacun, elle remplie également une fonction de reconnaissance sociale et d’estime de soi. Contre les risques de stigmatisation et de mésestime des personnes ayant recours à une aide alimentaire perçue comme dévalorisante, il s’agit de s’inscrire dans une démarche de consommation alimentaire valorisante, créatrice de lien social et de plaisir partagé.

Les facteurs de consommation de F&L ne se limitent pas à la question de leur prix. La prise en compte des habitudes alimentaires, des priorités budgétaires, comme des valeurs et représentations sociales associées aux F&L apparaît essentielle. Les actions d’accessibilité économique des F&L visant à favoriser leur consommation chez les personnes ayant de faibles revenus semblent efficaces dès lors qu’est mis en avant un travail d’accompagnement social à l’alimentation portant sur la maitrise du budget alimentaire et la sensibilisation nutritionnelle notamment. (Comportements alimentaires, INRA, 2010)

Ces formes d’intervention mettent ainsi en exergue des valeurs de consommation souvent mises de côté par les pouvoirs publics (valeur hédonique, instrumentale, de communication et de partage). Il est donc important de considérer l’alimentation d’un point de vue multidimensionnel : la qualité des liens sociaux et l’implication des personnes fragilisées par leur situation économique sont ici indispensables.

Ressources, financements et moyens utilisés

Inscrite dans le cadre du Programme National pour l’Alimentation (PNA), l’opération « 30 000 Paniers Solidaires » mobilise les ministères en charge de l’aide alimentaire (DGCS) et de l’alimentation (DGAL), ainsi que des fondations privées.

Localement, les actions d’accompagnement alimentaires sont également soutenues par différents acteurs (Secours Catholique, Secours Populaire, Restos du Cœur, Epiceries solidaires, Mutualité Sociale Agricole, Caisses d’Allocations Familiales, Agences Régionales de Santé, Conseils Généraux, Collectivités locales…).

Synthèse de mon indignation en une seule phrase

En France, l’inégalité socio-économique reste la principale source d’inégalités en matière d’alimentation, en particulier s’agissant de la consommation de fruits et légumes frais.