Cahier de l’entrée Participer / Démocratiser
Nous, membres de l’Agence pour le Développement de l’Economie locale (ADEL), faisons le constat sur le terrain des nombreux obstacles auxquels font face les femmes qui souhaitent créer une activité économique. Elles sont confrontées à une triple discrimination : être femme (face à la vision dominante de l’entrepreneur masculin), être d’origine immigrée et être en situation de difficulté socio-économique (ne pas avoir de qualifications universitaires reconnues malgré une richesse d’expériences professionnelles, sociales, multiculturelles, etc).
L’ADEL s’indigne également de l’inadaptation des politiques publiques et des moyens existants par rapport aux réalités des initiatives de terrain. Par exemple, les dispositifs de formation existants aujourd’hui ne répondent pas à des projets montés collectivement par des femmes, éloignées de l’emploi et peu qualifiées, qui souhaitent recevoir une formation professionnelle. Nous considérons que ce ne sont pas les projets qui doivent s’adapter aux directives administratives mais celles-ci aux transformations sociales en cours.
Nous nous indignons du fait que les personnes concernées en priorité par les politiques publiques ne soient pas associées aux décisions relatives au contenu de ces politiques et des dispositifs d’aide.
La réussite de l’action contribue à sensibiliser les acteurs à la spécificité de la démarche.
Une condition du développement de ces initiatives solidaires est de permettre aux acteurs de terrain de travailler en réseau et de mutualiser leurs expériences et compétences. Cela sous-entend un soutien financier des pouvoirs publics à l’animation de réseaux d’acteurs créant des initiatives solidaires, comme le réseau Réactives.
Un changement d’échelle est possible à la condition qu’il y ait une volonté politique de soutenir les initiatives locales et un changement des dispositifs d’appui aux initiatives, de telle sorte que ceux-ci soient réellement adaptés aux besoins des groupes qui font émerger des initiatives solidaires sur le terrain.
Les dispositifs d’appui devraient par exemple intégrer la problématique de l’entrepreneuriat collectif dans les appels à projets.
Le succès de l’initiative solidaire repose avant tout sur la convergence de l’ensemble des forces autour du projet : une initiative portée par un collectif de personnes, une mobilisation des acteurs locaux autour du projet, une volonté politique de soutenir le projet.
1. l’impact de l’action sur les trajectoires des personnes :
Parmi les femmes participant à l’initiative, une quinzaine est impliquée dans le projet de restaurant-traiteur. Les autres ont été orientées vers d’autres structures, sont entrées en formation ou ont retrouvé un emploi (CDD de plus de 6 mois).
2. l’impact de l’action sur le collectif de femmes et le montage de l’activité économique :
Les femmes ont acquis des compétences (connaissances, savoir-faire, savoir-être) au cours des formations, de l’accompagnement formatif et de l’étude de faisabilité.
3. l’impact de l’action sur l’environnement :
o implication des partenaires locaux,
o intégration de la problématique création d’activité femme dans leur questionnement
o une sensibilisation des acteurs intermédiaires du territoire (acteurs de l’emploi, des services sociaux, de la politique de la ville) à la question de l’entrepreneuriat collectif des femmes et à l’adaptation des dispositifs de formations aux besoins des initiatives solidaires de terrain.
Après une première phase de mobilisation des acteurs locaux autour du projet, une deuxième étape a consisté en une formation à l’entrepreneuriat collectif. Actuellement, en 2011, une troisième phase est centrée sur la professionnalisation et consiste en :
une formation linguistique à visée professionnelle pour les Citoyennes Interculturelles de Paris 20 : il s’agit de renforcer les compétences nécessaires à la création et à la gestion d’une activité économique ainsi que les acquis professionnels techniques dans le secteur de la restauration.
une étude de faisabilité menée par les Citoyennes Interculturelles de Paris 20 avec l’appui de l’ADEL (étude de marché, montage financier de l’activité, analyse des possibilités de local pour l’activité économique, analyse des différents statuts juridiques et des financements publics possibles pour l’activité économique).
L’ADEL, association qui accompagne des collectifs de personnes dans leur projet de création d’activités économiques solidaires,
Les Citoyennes Interculturelles de Paris 20, association créée par le collectif de femmes souhaitant monter une activité de restaurant-traiteur.
Le modèle financier est celui de l’hybridation des ressources : soutien financier des pouvoirs publics, ressources marchandes et ressources non monétaires.
Pour pérenniser ce modèle financier, un engagement de long terme des pouvoirs publics est nécessaire aux côtés des acteurs de terrain qui mobilisent ressources marchandes et ressources non monétaires.
La reconnaissance de la spécificité de l’économie solidaire et de l’hybridation des ressources est une condition sine qua non de la réussite du modèle économique.
1. L’ADEL
L’Agence pour le Développement de l’Economie Locale (ADEL), association loi 1901 créée en 1983, accompagne des collectifs de personnes dans leur projet de création d’activités économiques solidaires (www.adel.asso.fr). L’ADEL s’appuie sur une démarche collective, participative et dynamique. Conçue dans le long terme, cette démarche permet l’appropriation du processus par les acteurs ainsi que l’acquisition de compétences techniques et de savoir-faire professionnels, afin de permettre aux bénéficiaires de prendre en charge progressivement la réalisation de leurs projets, condition indispensable à la pérennisation.
2. L’association Les Citoyennes Interculturelles de Paris 20.
En décembre 2010, le collectif de femmes s’est créé en association Les Citoyennes Interculturelles de Paris 20.
3. Les acteurs locaux
Un diagnostic a été réalisé en 2007 par l’équipe de développement local sur le territoire de la politique de la ville Belleville Amandiers. Suite à ce diagnostic, l’ADEL a été sollicitée par les acteurs locaux (équipe de développement local, centres sociaux, etc) pour accompagner un groupe de femmes vers la création d’une activité économique. Depuis le démarrage de cette action, l’ADEL mobilise les acteurs du territoire (institutionnels, associatifs, privés : centres sociaux, associations de commerçants, etc) ainsi que les pouvoirs publics régionaux et nationaux, de façon à réunir l’ensemble des conditions nécessaires à la réussite du projet et à lever les freins (recherche d’un local pour l’activité économique, adaptation des dispositifs de formation aux besoins du collectif de femmes).
Pouvoirs publics et associations.
Depuis 2009, avec le soutien des acteurs locaux du 20ème arrondissement et de la Politique de la ville, l’Agence pour le Développement de l’Economie locale (ADEL) accompagne dans le 20ème arrondissement à Paris un collectif de 15 femmes engagées dans une démarche de création d’un restaurant traiteur interculturel.
Il s’agit de femmes souvent immigrées, de faible niveau de qualification et éloignées de l’emploi. L’accompagnement du groupe de femmes a permis de mettre en lumière la richesse de leurs expériences personnelles, professionnelles et associatives. Le projet construit par le collectif de femmes s’appuie sur leurs potentialités et a débouché sur la création de l’association Citoyennes Interculturelles de Paris 20.
Une séquence d’accompagnement formatif à l’entrepreneuriat collectif a été organisée en 2010. En 2011, les femmes membres de l’association suivent une formation linguistique à visée professionnalisante et réalisent une étude de faisabilité visant au montage de leur activité économique.
De plus, les Citoyennes Interculturelles de Paris 20 répondent à des commandes de buffets ou repas et les demandes sont de plus en plus nombreuses.
Les prochains défis de l’association et de l’ADEL qui les accompagne sont de monter une formation technique professionnalisante adaptée à ce projet collectif et de trouver un local pour l’activité de restaurant-traiteur.
Il s’agit de promouvoir des alliances positives entre citoyens, pouvoirs publics et acteurs de l’économie solidaire.
Cette initiative fait appel à des ressources non monétaires (bénévolat des femmes du collectif), des ressources non marchandes (l’ADEL a obtenu des financements de la mairie de Paris, du Conseil régional d’Ile-de-France et de l’Etat. En 2011, elle a renouvelé ses demandes de financement et sollicite de nouveaux financeurs : Fondations, etc) et des ressources marchandes (les Citoyennes Interculturelles de Paris 20 répondent à des commandes de buffets-repas et commencent à avoir des rentrées d’argent).
Les questions qu’il reste à résoudre restent celles de la formation professionnelle rémunérée et de la localisation de l’activité économique.
Nous nous indignons de l’inadéquation des politiques publiques et des dispositifs d’aide par rapport aux initiatives solidaires, en particulier celles des femmes, qui émergent sur le terrain et font preuve d’innovation pour répondre à des questions de société et à des besoins sociaux, économiques, écologiques non couverts et non solvables à court terme.