Des financements solidaires pour le maintien et le développement d’une agriculture paysanne

Cahier de l’entrée Consommer / Se nourrir 

Argumentaire

1°/ L’installation, le maintien ou le développement de l’activité agricole alternative (paysanne, biologique, citoyenne et solidaire) se heurtent à deux problèmes majeurs (parmi d’autres) : l’accès au foncier et l’accès au financement. Dans le domaine de l’économie Sociale et Solidaire, l’association Terre de Liens (et ses outils financiers que sont la foncière et le fond de dotation) apporte une aide pour résoudre le premier, le MIRAMAP et ses partenaires souhaitent mobiliser et créer des outils financiers solidaires qui permettent d’aider à résoudre le deuxième : l’accès au financement.

2°/ Les outils ou dispositifs financiers actuellement à disposition des paysans doivent être complétés pour répondre aux réels besoins de l’activité agricole alternative et solidaire. En effet, nous constatons que derrière les outils financiers se sont des modèles de développement agricole et une vision de l’économie qui sont véhiculés. De plus, les difficultés rencontrées par les paysans dans le système financier classique sont souvent liées à l’importance accordée aux cautions personnelles. Le producteur doit souvent engager des biens personnels pour cautionner des investissements liés à son outil de travail. Il convient aussi de noter que tous les dispositifs actuels excluent l’achat de matériel d’occasion ou le rachat de parts sociales.

3°/ Depuis presque dix ans, le mouvement des AMAP (Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne) a fait la preuve de son efficacité pour enclencher de nouvelles dynamiques citoyennes solidaires pour soutenir et développer une autre agriculture et d’autres rapports économiques entres producteurs et consom’acteurs. Né de la première rencontre nationale des AMAP qui a eu lieu en Rhône-Alpes (Anneyron, Drôme) en 2009, le MIRAMAP est aujourd’hui prêt à aller encore plus loin, pour contribuer à la ré-orientation des modèles agricoles et alimentaires, par la création de nouveaux outils de finances solidaires.

Données chiffrées

Les paysans en AMAP sont au nombre de 2500 aujourd’hui en France. Ils correspondent pour la plupart à des profils dits « atypiques », à savoir il s’agit souvent d’installations hors cadre familial, en agriculture biologique ou paysanne. Les installations sont également progressives et privilégient l’autonomie des exploitations agricoles. Les AMAP représentent un réel levier pour faciliter l’installation de ces paysans en particulier, qui doivent faire face à une réelle discrimination dans leur démarche d’installation (car leurs exploitations sont souvent plus petites, leurs modèles de production méconnus ou mal connus des chambres d’agriculture …) dans des zones rurales souvent désertées. Les AMAP rendent ces installations possibles car les consommateurs accompagnent les paysans dans leur démarche et sont solidaires vis-à-vis des aléas de production. De plus, en finançant à l’avance une partie de la production, les consommateurs permettent aux paysans de bénéficier d’une avance de trésorerie.

Le MIRAMAP est sollicité environ une à deux fois par semaine depuis la mi-novembre pour étudier des demandes de paysans.

La création d’un fonds de garantie AMAP avec une enveloppe de 60 000€ permettrait de garantir 180 000€ de prêts.

Impacts de l’initiative

Le monde agricole a longtemps été et est encore toujours aujourd’hui lié de façon quasi exclusive avec un seul et unique intermédiaire bancaire : le CA pour ne pas le nommer. Ce projet a facilité la prise de conscience par les paysans de l’existence d’autres acteurs financiers sur le marché, et qui pouvaient mieux correspondre à l’éthique de leur projet. Un paysan en AMAP s’engage à avoir des pratiques agricoles transparentes (et souvent exemplaires : agriculture biologique, agriculture paysanne). En choisissant de distribuer via le réseau des AMAP, les paysans en AMAP font également le choix de la vente directe, et « court-circuite » la GMS. En choisissant des financements solidaires et éthiques à la Société Coopérative de la Nef, le projet prend alors tout son sens et devient encore plus cohérent. Cette volonté de réorienter le monde paysan alternatif vers un interlocuteur bancaire éthique fait véritablement écho, même si bien entendu le modèle de la Nef (peu d’agences sur les territoires agricoles) reste encore à être amélioré.

Du point de vue des amapiens, l’engagement auprès d’un paysan est déjà très fort. Les consommateurs accompagnent les paysans dans leur démarche et sont solidaires vis-à-vis des aléas de production. De plus, en finançant à l’avance une partie de la production, les consommateurs permettent aux paysans de bénéficier d’une avance de trésorerie. Les AMAP établissent un commerce équitable entre agriculteurs et consommateurs. La contribution financière des amapiens au fonds de garantie AMAP représente une nouvelle étape dans l’engagement des consommateurs pour les paysans en AMAP. Le MIRAMAP permet de mutualiser ces différents efforts en direction des paysans et renforce le rôle de soutien à l’agriculture paysanne porté localement par les AMAP. Il y a donc un effet levier très fort qui se met en place : pour 1€ de don, on peut garantir 8€ de prêts ; et la mutualisation du fonds de garantie permet d’agir solidairement à l’échelle nationale et non plus seulement à l’échelle de son AMAP. Enfin, la présentation de ce projet aux amapiens suscite beaucoup de réactions sur les dérives du système financier classique. La prise de conscience est générale chez les paysans et les amapiens, avec une volonté commune de savoir où va notre argent et l’envie de réorienter son épargne vers des projets durables.

L’organisation

Créé officiellement en février 2010, MIRAMAP est le Mouvement Inter-Régional des AMAP ; il a pour objet de renforcer la cohésion des AMAP à travers le partage d’une éthique commune, de mutualiser les expériences et les pratiques et d’assurer la représentation et la mise en valeur des AMAP au niveau national.

MIRAMAP comme Mouvement Interrégional des AMAP, plus qu’un réseau ou une fédération s’affirme comme un mouvement de la société civile rassemblant des producteurs et consom’acteurs en synergie avec des partenaires du monde agricole et de l’économie solidaire et oeuvrant pour :

• un partenariat équitable entre producteurs et consom’acteurs basé sur la confiance, la transparence et la solidarité financière

• une agriculture paysanne, socialement équitable (respect des normes sociales par rapport à tous les employés de l’exploitation) et écologiquement saine (pas de pesticides ni engrais chimiques de synthèse)

• le développement d’une consommation responsable par une éducation des citoyens à l’alimentation, la santé et l’agriculture

MIRAMAP s’est fixé comme objectifs :

• de renforcer la cohésion des AMAP à travers le partage d’une éthique commune (la Charte des AMAP et le Socle Commun), et le soutien de démarches de garantie de cette éthique sur les territoires,

• de mutualiser les expériences et les pratiques,

• d’assurer la représentation et la mise en valeur des AMAP au niveau national.

Les acteurs (Qui ?)

L’association La NEF alimente déjà depuis 2007 un fonds de bonification des prêts à l’agriculture bio-dynamique et biologique qui est géré par la Société Financière La Nef. L’Association La NEF et le MIRAMAP partagent des valeurs communes fortes. Le MIRAMAP soutien la campagne d’appel à la générosité du public menée par l’association La NEF. Les deux associations mutualisent leurs moyens et leurs compétences et espèrent ainsi servir au mieux leur projet commun de soutien à des alternatives sociales et écologiques.

Encore peu présent dans le domaine de l’agriculture, France Active souhaite soutenir cette initiative. Ses missions classiques de financer la création ou la consolidation de l’emploi s’accordent parfaitement avec l’objectif du Fonds de Garantie AMAP. France Active est une association d’intérêt général principalement financée par les pouvoirs publics. Elle mettra toute son expérience et ses moyens pour porter le Fonds de Garantie AMAP.

Depuis longtemps, La Nef soutient des projets agri-ruraux alternatifs. Ainsi, elle accorde des prêts à un certain nombre de paysans en AMAP. Elle a identifié que la garantie était un problème (cercle de caution non-approprié, installation fragile, …). Constatant que les AMAP permettaient une solidarité directe avec les paysans, elle propose d’aider à la création et à la gestion d’un fond de garantie des prêts pour les paysans en AMAP. La Nef prolonge ainsi son action pour le soutien de l’agriculture.

AMAP-Ile de France, Alliance Provence et Alliance PEC Rhône-Alpes sont membres fondateurs du MIRAMAP. La création de nouveaux outils pour les paysans en AMAP s’inscrit dans leurs projets politiques de maintien et de développement d’une agriculture paysanne.

Présentation de l’initiative (Quoi ?)

Le MIRAMAP et ses partenaires de l’économie sociale et solidaire (La Nef, France Active, l’association La NEF) mettent en place de nouveaux dispositifs financiers spécifiques aux producteurs en AMAP pour pallier aux difficultés d’accès au financement:

• Création d’un fonds de garantie co-abondé par les consom’acteurs en AMAP, les citoyens et les collectivités publiques pour faciliter l’octroi de prêts bancaires aux paysans en AMAP.

• Bonification de prêts contractés auprès de la Nef

Ces outils soutiennent le développement d’une économie solidaire de proximité dans le respect de l’environnement en favorisant la création, et la consolidation d’activités agricoles en partenariat AMAP. Ils sont créés pour répondre à des besoins réels et adaptés des paysans dans un esprit d’investissement responsable.

L’’intérêt de ces dispositifs par rapport aux dispositifs existants est de :

• Engager des financements destinés à des investissements réellement adaptés (matériel d’occasion, rachat de parts sociales, plantations pérennes, ……) ;

• Limiter le risque personnel des emprunteurs et de leur famille en excluant ou limitant les cautions personnelles ;

• Partager solidairement les risques liés à l’investissement du paysan ;

• Favoriser le contact humain par la discussion et l’évaluation globale des projets ;

Une partie des ressources qui rendent possible la création de ces fonds proviendra de la collecte de dons. Le choix de mobiliser des donateurs plutôt que des épargnants s’explique en partie par la valeur que nous accordons au don dans le cadre de ce projet. Dans la relation de don, le lien importe plus que le bien. L’utilisation consciente et responsable de l’argent permet d’envisager de nouvelles formes d’entraide économique et sociale. Le don laisse une grande liberté pour générer de l’innovation sociale. Il intervient

comme un levier puissant (1 euros de don génère 8 euros de prêts) et se présente comme complémentaire de la contribution des collectivités publiques.

En agissant pour une re-localisation de l’économie, les donateurs contribuent au maintien d’une agriculture paysanne et biologique de proximité et facilitent l’accès au financement pour un investissement responsable. Cette démarche citoyenne s’inscrit dans un esprit de solidarité en vue de créer, entretenir ou régénérer le lien social.

Ressources, financements et moyens utilisés

Le MIRAMAP a obtenu une aide de la CRESS (Chambre Régionale de l’Economie Sociale et Solidaire), via une mesure FSE Microprojets innovants. Cette aide s’elève à 17000€ pour un budget global de 23000€ . Les co-financements ont été apportés par : Alliance Provence, AMAP-Idf, Alliance PEC Rhône-Alpes, La Nef et France Active. Ce budget a permis de recruter une chargée de mission pour 12 mois (septembre 2010 – août 2011) et d’assurer les charges liés aux supports de communication.

Synthèse de mon indignation en une seule phrase

Le système financier classique ne répond pas aux besoins d’investissement des paysans en agriculture alternative et les banques classiques accentuent le phénomène de dépendance vis-à-vis du paysan, la prise de risque n’est pas partagée.

Témoignages

Le projet de Jean à Tourves (83170) est le premier projet à avoir été instruit par le MIRAMAP.

Jean a travaillé pendant plus de 6 mois comme salarié agricole et il souhaitait s’installer en tant que maraîcher en agriculture biologique et en AMAP. Jean est accompagné par l’ADEAR du Var, dans la construction de son projet d’installation (notamment sur la définition du plan de financement). Jean souhaite investir pour son installation dans 3 tunnels de 50*7m, une pépinière à plants et du petit matériel agricole (motoculteur…). Son projet est soutenu par le MIRAMAP et un prêt Nef de 36 000€ sur 7 ans à 2,90% lui a été accordé. Ce taux a bénéficié d’une bonification de 2% apportée par l’Association La NEF dans le cadre de son action de soutien au développement de l’agriculture biologique.

Jean a également bénéficié d’une garantie FAG classique (via ESIA, Fonds Territorial France Active en PACA) à hauteur de 65 % du capital restant dû. Aucune autre garantie ne lui a été demandée.

Jean souhaite distribuer 60% de sa production en AMAP. A l’heure actuelle, Jean envisage de distribuer des paniers dans une nouvelle AMAP en création à Roquebaron.