Pérenniser l’offre de santé dans les quartiers populaires

Cahier de l’entrée Soigner /Prévenir 

Argumentaire

Depuis des dizaines d’années, les conditions de vie des habitants des quartiers populaires ne cessent de se dégrader. La misère j’ajoute à la misère. A la violence qui se fabrique sur le terreau de la précarité économique, s’ajoute la violence institutionnelle, les responsables politiques parlent d’y mener une guerre sans merci. La spirale infernale de l’exclusion sociale fait son chemin, tous les indicateurs sociaux sont au rouge, que ce soit le nombre d’habitants vivant sous le seuil de pauvreté, le taux de chômage, la pauvreté grandissante des personnes âgées, l’échec scolaire, la souffrance psychique, tout se concentre dans ces quartiers que les politiques sociales et urbanistiques d’hier ont enfermé dans des ghettos. Il est facile aujourd’hui de présenter ces quartiers comme des zones de non droit, des zones où règnent les trafics en tout genre. Cette vision réductrice est largement diffusée par une médiatisation avide de sensationnel qui oublie le plus souvent d’en rechercher les causes.

Enfermer ces quartiers dans cette politique est sans issue. L’objectif légitime d’une démocratie c’est d’être solidaire des personnes les plus en difficulté sociale , c’est la recherche constante de l’égalité et de la fraternité. Chaque jour qui passe nous essayons de faire vivre ces idéaux de solidarité. Nous sommes des soignants, des acteurs sociaux, des acteurs associatifs, nous exerçons nos métiers auprès de ces populations pour qu’elles sortent de l’exclusion, pour qu’elles accèdent aux droits sociaux, aux soins, à la santé… Certes les associations sont financées pour amoindrir la souffrance sociale, mais elles le sont surtout pour préserver la paix sociale. Malgré cette adversité c’est notre indignation face à l’injustice qui nous donne l’énergie de poursuivre notre chemin et d’inventer dans une démarche collective de nouveaux projets et moyens afin que les habitants de ces quartiers populaires puissent continuer de se soigner.

Comment sensibiliser d’autres acteurs

En renouvelant annuellement le séminaire : MSP en ZUS et ISS

Conditions du développement

Faire en sorte que les jeunes soignants soient content des conditions d’exercice de leur métier, que les habitants soient satisfaits de cette offre de santé

Que la viabilité économique du projet soit au rendez vous, pour cela il faut éviter les changements incessants de politiques de soutien, il faut que les dispositifs mis en place restent aisés et faciles à mettre en oeuvre, il faut que le niveau du financement soit à la hauteur de l’enjeu .

Données chiffrées

Le budget de l’ensemble de l’action c’est à dire de l’action de médiation, d’accompagnement social, des soins adaptés et de qualité, notamment en direction des maladies graves et chroniques, des actions de prévention, d’éducation à la santé , promotion de la santé… tournera autours de 900.000 €. C’est un autre défi économique que de réaliser ce budget qui est un véritable patch-work de financements. En plus des ressources habituelles du soin assurées par l’assurance maladie, nous avons obtenu d’expérimenter les nouveaux mode de rémunération des actions de santé, et nous continuons à rechercher sans cesse des subventions.

Changement d’échelle possible

Sur le quartier : Face aux besoins immenses notre projet essayera de répondre à ces besoins.

Il est possible d’augmenter notre champ de compétences mais nous pensons que nous devons rester vigilants à garder une taille de la structure compatible avec le projet.

Sur la Ville : nous sommes déjà sollicités pour accompagner ou conseiller d’autres porteurs de projets et nous apportons à la Fédération Régionale des MSP notre expertise concernant les ZUS.

Facteurs de succès

L a Maison de Santé de Proximité du quartier Francs-Moisins permettra la continuité de l’offre de soins et offrira des actions de santé communautaire avec la participation la plus large possible des habitants de la cité. Cette volonté de faire vivre une offre de santé adaptée aux réalités vécues par cette population définit le projet collectif de santé. Faire en sorte que tous les soignants, les acteurs sociaux conduisent des projets de santé associant la population. Nos idées sont nombreuses et variées l’essentiel est quelles soient portées collectivement dans le cadre de coopération non hiérarchique entres les acteurs. Le projet se construira crescendo et de toutes façons les besoins sont immenses et l’offre de santé sera une réponse réelle mais partielle dans la lutte contre les inégalités sociales de santé (ISS ). Nous sommes « condamnés » à réussir car en dehors de ce projet il n’y a pas de d’autre solution pour faire venir des jeunes soignants, sachant que la situation sociale, économique, professionnelle, n’est plus propice à l’installation libérale classique.

Impacts de l’initiative

Actuellement il existe d’autres projets de MSP en ZUS. A l’initiative de l’ACSBE s’est tenu à la cité des Francs-Moisins au mois de Mars 2011 un séminaire qui a réuni des porteurs de projets. Nous avons pu partager sur l’objet de nos projets, les difficultés rencontrées, et commencer à approfondir la question de savoir comment les MSP en ZUS contribuaient à faire reculer les inégalités sociales de santé.

Au niveau du quartier, l’impact est important. Le CHUC ( Comité Habitants Usagers Citoyens) qui travaille avec l’ACSBE sur « quelle sera l’offre de santé de la MSP » a conduit une enquête sur les besoins exprimés par la population. Les données de cette enquête contribuent à définir le contenu de l’offre de santé.

L’inauguration de la MSP en septembre sera l’occasion de faire une « fête de la santé » sur le quartier des Francs-Moisins.

L’organisation

elle est portée par l’ACSBE

La structure, porteuse de l’initiative

Pour conduire ce projet l’ACSBE va se transformer, une assemblée extraordinaire sera convoquée, les statuts adaptés, le CA renouvelé et un conseil scientifique créé.

Le modèle financier

il sera celui d’une Maison de Santé associative avec un agrément centre de santé. Ensuite cela dépendra des évolutions législatives sur l’organisation de l’offre de santé du premier recours.

Les acteurs (Qui ?)

Sont d’accord pour participer au projet : les salariés (10 personnes : 5 médiatrices, une musicothérapeute, une animatrice en santé communautaire une directrice, une gestionnaire, une secrétaire-aide comptable, une chargée de mission MSP ) de l’ACSBE, et 6 jeunes médecins qui viennent de terminer leurs études. Sont aussi intéressés par le projet ; des infirmières, une podologue, et d’autres acteurs de la santé , comme des psychologues, des diététiciennes, éducateur sportif… les autres acteurs de la santé du quartier ( pharmaciens, autres généralistes, ateliers santé ville… ) soutiennent le projet. Ce qui a fait venir tous ces jeunes c’est d’une part le souhait d’exercer leur métier au sein des quartiers populaires mais surtout c’est l’existence d’un projet collectif de santé. Ce projet se propose de mettre à disposition de la population une offre de soins et de santé adaptée aux réalités que vivent les habitants, et qui se construit aussi en partenariat avec ces habitants au sein d’un collectif dédié, où nous discutons de ce qui se fera à la MSP. Nous sommes dans une réelle démarche de santé communautaire et nous avons la volonté d’en faire un lieu de formation et de recherche en partenariat avec l’Université.

Les jeunes

Les jeunes médecins, partie prenante du projet, constituent la meilleure chance qu’il réponde à la problématique de l’accès aux soins dans les quartiers défavorisés

Les partenaires

Ils sont nombreux : les institutions d’Etat : ARS, Ministère de la Ville, de la Santé, les collectivités locales, Conseil Régional Ile de France, Conseil Général de seine Saint Denis, et bien évidement, la Ville de Saint Denis

Les partenaires associatifs du quartier, l’atelier santé ville, l’institut Théophraste Renaudot ..

La Fédération Nationale et régionale des Maisons de Santé

L’université Paris 7

Message à l’opinion

Les quartiers populaires ne sont pas des quartiers en perdition, il s’y passe des choses formidables, c’est là que nous expérimentons les transformations qui seront, peut être, demain les modèles dominants. Il faut changer les représentations, la violence existe, ce que nous devons construire c’est plus de justice sociale, de solidarité, d’actions collectives.

Message aux décideurs

Qu’ils ne soutiennent pas le projet comme la corde soutient le pendu !…

Proposition pour influencer les décideurs

d’abord réussir à mettre en place cette MSP, ensuite, avec l’aide des habitants du quartier, améliorer les indicateurs de santé de la population

Propositions pour convaincre l’opinion

La question de la vie dans les quartiers difficile est le plus souvent abordée par la question de l’insécurité, elle mobilise les chercheurs sociologues, criminologues, élus .. eh bien nous tenterons de poser la question à partir des problèmes des inégalités sociales de santé et montrer que les soignants ont un point de vue, qu’ils sont aussi les témoins privilégiés des formidables actions de solidarité et fraternité qui existent dans ces quartiers.

Présentation de l’initiative (Quoi ?)

Le défi est de taille. Dans la cité des Francs-Moisins (environ 10.000 habitants) la plupart des soignants ; médecins, infirmières, kinésithérapeutes, orthophonistes, atteignent l’âge de la retraite. Si nous ne faisons rien, la désertification de l’offre de soins est pour demain. Mais au lieu de reproduire l’existant qui s’est construit sur une histoire qui ne peut plus se répéter, l’Association Communautaire Santé Bien Être, ( ACSBE ) a décidé de construire une Maison de Santé de Proximité.

L’ACSBE, est une association qui existe depuis 19 ans et qui travaille pour améliorer l’accès aux droits sociaux, dont l’accès aux soins, et pour promouvoir la santé et le mieux être pour les habitants de la cité. Pour cela, en collaboration avec les soignants, elle a initié le nouveau métier de médiatrice, exercé par des femmes issues de ces quartiers Elles conduisent la médiation entre les soignants, les habitants et les institutions et accompagnent la population la plus en difficulté vers, d’une part, les droits sociaux mais aussi vers la promotion de la santé . Ce travail de médiation médico-sociale est essentiel dans l’accompagnement des personnes en difficulté et qui sont, de fait, exclues du parcours de soins et du social. Le labyrinthe que constitue ce parcours nécessite l’intervention de ces nouvelles professionnelles qui associent un savoir issu de leur propre parcours avec la richesse du savoir être dans la relation d’aide à l’autre et la connaissance apportée par le formation à la santé communautaire et au travail social fait par l’ACSBE . Ces médiatrices animent des ateliers comme l’estime de soi, mieux manger et mieux se bouger avec un animateur sportif, un atelier mieux être ensemble, où autour d’un repas préparé par des habitants, une thématique santé est abordée, en général par un professionnel de la santé de la cité ou du réseau, un atelier savoir s’occuper de ses papiers, un atelier éducation thérapeutique du patient diabétique, le café santé du lundi matin où les habitants parlent des différents problèmes qu’ils rencontrent avec les institutions ou au sein de la cité. Il y a aussi un atelier relaxation avec une musicothérapeute. Le suivi personnel des familles pour les droits sociaux se fait lors d’entretiens individuels, nous suivons actuellement plus de 500 personnes. Le travail de médiation est un travail d’explication souvent dans la langue d’origine (suivi de plus de 50 ethnies venant du monde entier) entre les soignants et les habitants mais dans une explication réciproque qui s’adresse aussi aux soignants. Au fil des ans l’ACSBE est un lieu ressource très connu dans le quartier et même au delà.

C’est donc fort de cette compétence que nous allons ouvrir une MSP en Septembre 2011.

Quelles alliances positives ?

La première alliance c’est avec la population qu’il faut la fortifier, ensuite avec les élus, enfin avec tous les autres acteurs de la santé, hôpitaux, réseaux de santé, acteurs du secteur social, dans une collaboration au service des citoyens.

Synthèse de mon indignation en une seule phrase

nous nous indignons car sans cesse de nouvelles lois, de nouvelles politiques, viennent saper notre travail. Le parcours d’obstacles pour faire valoir ses droits, pour se soigner est de plus en plus difficile.