La coopération des collectivités pour faciliter les coopérations d’acteurs de l’ESS

Cahier de l’entrée Coopérer/ Mutualiser    

Argumentaire

Lorsqu’une collectivité accorde une subvention conséquente à une entreprise traditionnelle, peu d’élus voient à y redire. Par contre, lorsqu’il s’agit de quelques milliers d’euros pour une coopérative, cela peut provoquer de longs débats, souligne un élu régional.

Cette méconnaissance et ce manque de soutien pénalisent les acteurs de l’ESS, qui répondent pourtant à des besoins sociaux importants, avec un ancrage territorial, et souvent dans une démarche d’innovation économique et de management, qui mérite d’être encouragée.

Depuis le début des années 2000, des collectivités ont accompagné la structuration d’acteurs de l’ESS sur leurs territoires. Indispensable, cette première étape a permis d’expérimenter des innovations sociales pertinentes. Mais elle n’a pas eu l’effet levier suffisant pour faire connaître et reconnaître largement l’ESS à la fois au sein des collectivités et sur les territoires. Elle n’a pas non plus suffi à valoriser cette manière d’entreprendre autrement, et à développer tous les potentiels de transformation sociale et économique possibles.

En cette période de crises de société, économique, financière, sociale, écologique, de gouvernance, de changements de repères…, l’économie sociale et solidaire est porteuse de nombreuses expérimentations significatives, qui montrent qu’il est possible de faire autrement, de manière viable au plan économique, tout en respectant l’humain (producteur et consommateur), l’environnement, et la dynamique des territoires.

Dans ce contexte, depuis quelques années, des collectivités soutiennent des acteurs de l’ESS qui s’engagent dans des démarches de mutualisation à la fois pour être plus visibles, et pour faire mieux avec des moyens financiers publics au mieux constants.

Les défis

 Accroitre la visibilité de l’ESS, notamment pour les créateurs ou repreneurs d’entreprises,

 Faciliter la coordination des acteurs de l’accompagnement de porteurs de projets,

 Inciter les collectivités à soutenir les acteurs en favorisant la mutualisation des moyens, de manière à apporter une meilleure visibilité de leurs actions et de leurs offres de services.

Conditions du développement

CONDITIONS DU DEVELOPPEMENT

La place de la collectivité en tant que telle ne semble pas essentielle pour la réussite des coopérations (entre Pôle Sud où les collectivités sont en appui aux acteurs, et Entreprendre en coopérant où la collectivité porte). Ce qui est essentiel, c’est la facilitation qui est donnée aux acteurs pour mener leurs projets. Ainsi, la collectivité se positionne pour faciliter les coopérations entre acteurs, elle remplit sa mission de manière très efficace.

Pour soutenir l’émergence d’un nouveau modèle économique local durable, les collectivités ont une mission spécifique pour faciliter la mise en relation entre les acteurs d’ESS et d’autres entrepreneurs « classiques ». Cela pousse au décloisonnement de l’ESS, l’irrigation des bonnes pratiques, voire de valeurs d’ESS vers les autres entreprises, et favorise l’émergence de nouvelles synergies pour mieux répondre aux besoins des territoires et de leurs habitants.

A l’instar des Pôles de compétitivité, qui ont bénéficié d’importants moyens économiques et de visibilité, les Pôles de Coopération pourraient se développer beaucoup plus rapidement s’ils bénéficiaient d’une reconnaissance d’envergure nationale, respectueuse de la diversité des initiatives locales. Les premières expériences de Pôles montrent :

 l’impact réel sur les territoires pour structurer une nouvelle économie créatrice d’emplois et de services utiles à la population,

 un potentiel de travaux de réflexion et expérimentation en matière de recherche tant au plan de l’innovation sociale (management, démocratisation de l’économie, nouvelles formes de coopération interentreprises…) qu’au plan de l’innovation technique (nouveaux produits, nouveaux services, nouveaux process industriels…).

A ce jour « Initiatives et Cités », qui réunit différentes entreprises prestataires de services dans l’ESS sur le Nord-pas de Calais est le seul réseau d’ESS reconnu « Grappe d’entreprises » par la DATAR. La reconnaissance « PRIDES » du réseau des acteurs de services à la personne en PACA est une autre forme de labellisation à l’échelle régionale.

A un moment où la nécessité d’une reconversion sociale et écologique de l’économie, ces innovations et ces dynamiques représentent un enjeu non seulement pour les territoires d’intervention, mais aussi à l’échelle au moins nationale.

STRUCTURE (EVOLUTION)

Pour la réussite d’un Pôle, le statut juridique n’est pas fondamental (association informelle ou de fait, coopérative, société « par capitaux »…). Par contre, deux paramètres semblent incontournables :

 Les statuts de l’économie sociale peuvent a priori repousser certains partenaires potentiels. Les porteurs doivent donc avoir une certaine souplesse dans le choix statutaire

 Le fonctionnement du Pôle doit reprendre autant que possible les principes d’ESS (partage du pouvoir, finalité autre que la recherche du profit financier partageable…)

Le développement et l’essaimage des Pôles de Coopération sera facilité par la création d’un observatoire national des bonnes pratiques, pour mutualiser.

Changement d’échelle possible

L’articulation entre la co-construction, qui prend du temps et l’action concrète : créer des services et des emplois sur le territoire est à inventer à chaque fois pour réellement CO-OPERER (agir ensemble). L’urgence perceptible par les acteurs à coopérer accélère la concrétisation.

Le regard extérieur, notamment de chercheurs permet d’aller plus loin dans les innovations sociales (management, co-construction) et / ou de produit ou process (filière réemploi Entreprendre en coopérant).

Les Pôles qui ont déjà une certaine historicité montrent que ce mode d’organisation permet

 d’aborder autrement les questions économiques au quotidien : inventer de nouveaux produits / services, se placer dans une économie circulaire,

 d’innover dans les manières de créer de l’emploi : créer de l’emploi pour créer de la richesse,

d’imaginer des gisements d’emplois, même sur des territoires qui ont subi des difficultés importantes, à condition d’aborder l’économique autrement, notamment en croisant les ressources (matérielles et compétences) d’acteurs complémentaires

Facteurs de succès

Les différents Pôles étudiés montrent que des changements d’échelle sont possibles dès lors que les mutualisations et coopérations s’organisent.

 A minima inventer des résistances face à des bouleversements externes (Services à la personne et sanitaire et social),

 Au maximum inventer de nouveaux emplois non délocalisables, qui répondent à une demande locale, En passant par de nouveaux emplois qui partent de savoir-faire locaux, qui sont encouragés par d’autres acteurs du fait de cet ancrage d’ESS (transmission de savoir-faire, mise en réseau…), ou par une autre approche d’économie circulaire (les déchets des uns sont les ressources des autres)

Pour faciliter l’engagement d’une collectivité dans le soutien d’un Pôle, il faut démontrer que le projet envisage un développement économique, qui va dégager de l’activité, de l’emploi, et un équilibre économique. Sinon, des résistances fortes perdurent au sein de la collectivité

L’organisation

La forme de structuration des Pôles est extrêmement variée :

 La plupart débute sous forme associative. Parfois, les collectivités sont membres du Conseil d’administration de l’association porteuse (Ecossolies, Pôle de Roanne). Certains envisagent d’évoluer vers un statut d’entreprise (SCIC Nantes), parfois hors économie sociale (SAS Pôle Sud). Mais même ici la gouvernance a été organisée selon les principes essentiels de l’ESS. Ce choix permet d’accueillir plus facilement des entreprises hors ESS, dans une démarche partenariale innovante et ouverte.

 Certains fonctionnent de manière informelle comme Artis (où la notion de Pôle n’est qu’immobilier, les locataires étant libres de coopérer ou non), ou Entreprendre en Coopérant (porté par le Communauté de Communes, dont le principal enjeu est la réussite de création d’emplois et de valorisation des ressources locales).

LA PLACE DES COLLECTIVITES POUR FORTIFIER L’ORGANISATION

« Les collectivités ont une mission d’appui pour poser les conditions de l’émergence du collectif. Si ça ne marche pas, ce n’est pas la responsabilité de la collectivité » (Région PACA). Ce que confirme la Mairie de Lille : « Nous avons pour mission de faciliter la mise en relation »,

Dans plusieurs cas, les collectivités ont aidé les acteurs à se structurer, en posant des échéanciers, un cadre de travail, ou en rappelant les contraintes (matériel, contexte territorial…) qui obligeaient à sortir des questions « de fond, de valeurs » qui préoccupaient les acteurs.

La place des collectivités est variable :

 Parfois elles considèrent avoir impulsé la dynamique, après concertation avec des acteurs, quand aucun d’entre eux est en mesure de le faire (ADEPES)

 Parfois, elles s’engagent dans un second temps, laissant l’initiative aux acteurs (Pôle Sud)

 Souvent, les collectivités et les acteurs (Lille, Nantes, Roanne) initient ensemble la réflexion, et se situent dans une dynamique de co-construction, qui peut revêtir des formes diverses :

 fort portage technique de la collectivité au début (Roanne),

 appui à l’ingénierie (PRIDES) soutien à un réseau d’acteurs (Ecossolies à Nantes) : co-définir le besoin, les moyens, et assurer le lancement.

Le soutien d’une collectivité à la constitution d’un Pôle est totalement différent d’une logique de commande publique. Les collectivités collaborent d’égal à égal avec les acteurs.

Les collectivités essaient de trouver (avec les acteurs) une place qu’elles estiment justes :

 Réellement partenaires à part entière du projet : construire ensemble, et ne pas être seulement financeur. Sans ingérence : si la collectivité a une expertise (vision territoriale) et des moyens (humains et financiers), les prises de décisions doivent être réellement partagées.

Les collectivités sortent de leur mission si elles apportent les réponses aux questions que devraient trancher les acteurs, ou si, elles ne respectent pas le lent mais indispensable rythme d’appropriation entre les acteurs.

Dans le cas des Pôles régionaux, la collectivité impulse avec l’Appel à projet, puis accompagne les travaux de mutualisation et de valorisation, sans être associée à la gestion.

Les modalités de coopération et mutualisation

LA PLACE DES COLLECTIVITES

Pour les collectivités, le Pôle est une expression importante de leur soutien à l’ESS, mais n’en constitue qu’un aspect, qui doit se resituer dans un Plan Local de Développement de l’ESS, et s’articuler autant que possible avec les cadres proposés par les autres collectivités.

Une convention d’objectif co-construite et pluriannuelle entre la collectivité et le Pôle est le meilleur moyen de préciser la place de chacun pour la réussite de la mission… et la coopération collectivité / acteurs (PRIDES).

L’ECHELON REGIONAL

L’expérience de Rhône-Alpes montre que, si l’échelon Agglomération est essentiel pour un Pôle, l’échelon régional peut contribuer à :

 l’impulsion :

 Pousser plus particulièrement un réseau à s’impliquer sur un territoire prêt à accueillir une innovation.

 La valorisation

 Valoriser localement la créativité des habitants, l’enjeu d’un développement endogène, et l’efficacité de l’ESS pour répondre aux besoins des habitants et créer de la richesse.

 Faire connaître l’expérimentation et ses résultats à l’échelon régional, voire national, pour lui donner davantage d’impact, et favorise l’échange d’expériences, la modélisation

 La réflexion :

 Rendre accessible des ressources à plus grande échelle

 Analyser les avancées de l’expérimentation

 Rencontrer d’autres acteurs sur des axes complémentaires pour partager la réflexion

 Envisager son essaimage, sa duplication

CE QUE LES COLLECTIVITES ATTENDENT DES ACTEURS POUR CONSTRUIRE LE POLE

 S’emparer du projet

 Rassembler les acteurs

 Enrichir la connaissance pratique sur l’ESS

 Porter la communication : être relais vers leurs adhérents, informer et mobiliser

 Produire une réflexion utilisable à l’action.

 Faciliter l’essaimage, la reproduction de l’action ailleurs.

Le modèle financier

Les Pôles ont besoin de financements structurants pour débuter, comme cela se fait dans toutes les filières économiques (ingénierie…). Les collectivités et l’Etat ont tout intérêt à mobiliser des fonds spécifiques.

Un financement public est nécessaire pour contribuer à cette ingénierie dans la durée (avec participation des membres et des financements sur projets.).

Le financement des actions de terrain est repositionné : une convention pluriannuelle et multipartite semble un bon moyen pour définir ce qui va être fait, par qui, avec quels moyens, et quelle évaluation.

La construction du projet de Pôle induit très souvent des constructions ou aménagements immobiliers. Il est pertinent de travailler ce projet immobilier en tant que tel, et d’anticiper autant que possible les travaux, de manière à pouvoir utiliser au mieux le Code des Marchés Publics , et permettre à des structures d’insertions et autres entreprises d’ESS (SCOP BTP) de s’organiser pour répondre, remporter des lots, et pouvoir se valoriser dans cette réalisation.

Les acteurs (Qui ?)

Dans la plupart des Pôles, on observe une mixité des acteurs mobilisés dès le début :

 Des structures régionales d’ESS (ou leur antenne locale), d’accompagnement de porteurs de projets

 Des acteurs d’ESS de productions de biens et services pour la population (Groupe ARCHER à Pôle Sud, Coopérative d’Activités et d’Emplois au SICOVAL ou au CISE, SCOP la Péniche à Artis, Andinesau Phares, la Grappe Initiatives et cités au CISE)

 Des réseaux d’acteurs d’ESS : COORACE à Pôle Sud, autres regroupements de SIAE sur plusieurs sites, Ecossolies à Nantes…

Ces acteurs peuvent être partie prenantes du projet et hébergés de manière permanente dans ces espaces mutualisés, ou plus simplement y tenir des permanences ponctuelles.

 Parfois des structures hors ESS :

 soit de l’accompagnement de porteurs

 d’autres entreprises, artisans, TPE, PME, voire des grandes entreprises

 Des investisseurs peuvent aussi être mobilisés, pour doter le Pôle des moyens dont il a besoin (Pôle Sud),

 Des particuliers peuvent aussi intégrer un Pôle, quand ils partagent les valeurs d’ESS et sont porteurs de savoir-faire spécifiques (chaussure à Pôle Sud).

Cela renforce une logique d’économie de territoire. Nombre de TPE et PME ont des pratiques proches de l’ESS, notamment, notamment par leur ancrage territorial.

Pour autant, les différents acteurs sont toujours dans une logique de concurrence. La collaboration et la coopération sont possibles avec des acteurs concurrents, mais qui partagent une certaine « manière de faire » : ancrage territorial, une certaine déontologie et transparence. Pour chaque Pôle, les acteurs doivent déterminer leurs critères d’acceptabilité des partenaires, ne pouvant ni vivre en autarcie, ni accepter des acteurs aux valeurs contraires. La fonction d’animation du Pôle est essentielle pour organiser une « concurrence intelligente » (PRIDES). Ainsi, le PRIDES Services à la personne réunit des structures d’ESS et des petites entreprises autres, mais des coopérations avec de grands groupes privés ne sont pas envisageables, tant les approches sont différentes.

 Des universitaires et des chercheurs sont parfois associés aux travaux, et contribuent à cette dynamique d’innovation de nouveaux produits et services, voire d’innovation sociale. (Pôle Sud, Entreprendre en coopérant, Institut Godin au CISE, Lieu mutualisé à Nantes…).

 Dans la plupart des Pôles identifiés (hormis Pôle Sud), les collectivités sont considérées comme co-actrices dès le début, avec une place particulière (voir plus loin)

Message à l’opinion

Un PTCE permet de développer de nouveaux services adaptés à vos besoins, pour améliorer votre qualité de vie et créer des richesses et de l’emploi durable et non délocalisable sur le territoire.

Message aux décideurs

Vers les décideurs des collectivités locales :

Un PTCE est un moyen de rendre plus visible et plus efficace votre politique d’ESS d’améliorer l’accueil et l’accompagnement de porteurs de projet et de faciliter l’émergence de nouveaux services et produits répondant aux besoins des populations du territoire.

Message vers les décideurs politiques autres

L’ESS représente déjà 12% de l’emploi privé local. Accompagner la structuration des acteurs, c’est favoriser l’émergence de nouvelles richesses locales, de nouveaux services utiles et rentables pour le territoire et ses habitants, et créer de nouveaux emplois de qualité, pérennes non délocalisables.

Message vers les décideurs économiques

Un PTCE peut répondre à certains de vos besoins périphériques, facilitant votre action sur votre cœur de métiers et répondant aux besoins de services de vos salariés. Votre implication sous une forme ou une autre dans ces PTCE peut permettre d’exercer concrètement votre responsabilité vis-à-vis des hommes et de l’environnement, vers des modes de consommation et de production durables.

Message à ceux qui font l’ESS

Un Pôle Territorial de Coopération Economique est un moyen de mutualiser des moyens, pour être plus visibles et plus efficaces sur un territoire

Présentation de l’initiative (Quoi ?)

Origine et genèse de la coopération et de la mutualisation

Depuis le début des années 2000 (Secrétariat d’Etat à l’Economie Solidaire, puis renouvellement des Conseils municipaux, avec les premiers « Délégués à l’ESS »), l’ESS a trouvé un nouveau soutien politique local. Cette première étape, renforcée par les élections régionales de 2004, a permis l’émergence de politiques de valorisation et de soutien de l’ESS en France.

Les années 2010 montrent une certaine maturité :

 des acteurs mieux reconnus, dotés de moyens plus pertinents de travail,

 une meilleure visibilité dans les collectivités : davantage d’élus, des projets qui irriguent d’autres politiques publiques (déchets, logement, culturel, politique de la ville…)

Elles montrent le besoin d’aller plus loin dans la structuration :

 Face au contexte extérieur :

 des entreprises privées transposent des innovations d’acteurs de l’ESS, dans une logique essentiellement de rentabilité financière à court terme,

 le développement d’appels d’offres exacerbe la mise en concurrence financière,

 Face à des faiblesses persistantes internes aux acteurs de l’ESS :

 manque de la visibilité de l’ESS

 manque de coordination entre les acteurs, provoquant des doublons et concurrences inutiles, au détriment de réponses à des besoins nouveaux.

Pour les collectivités, la création de Pôles Territoriaux de Coopération Economique constitue une nouvelle étape des politiques locales pour la structuration de l’ESS.

Des collectivités soutiennent l’émergence et le développement de Pôles pour favoriser les changements d’échelle et l’émergence de nouveaux emplois socialement utiles, ancrés sur les territoires.

Les collectivités ne visent pas seulement à renforcer l’ESS et ses acteurs, elles travaillent à combiner les intérêts de l’ESS pour renforcer des dynamiques de territoire, avec d’autres opérateurs économiques, pour construire un nouveau modèle économique spécifique, porteur d’un autre développement local durable. Il s’agit de sortir de l’entre soi, d’élargir les espaces de coopération et de mutualisation au service du territoire, de la création d’activités socialement utiles et d’emplois de qualité.

Par exemple, le projet de Pôle de Lille Métropole se situe dans une perspective de « pendant coopératif » des Pôles de compétitivité, comme force de structuration de l’économie locale.

Présentation de l’initiative (Quoi ?)

Notre réflexion s’appuie sur le regard de plusieurs Pôles Territoriaux de Coopération Economique existants ou en projet.

Des Pôles qui visent d’abord à créer un espace de travail commun

 L’Hôtel d’entreprises de l’ESS ARTIS (Artisanat et Innovation Sociale) à Grenoble, ouvert en 2008, peut accueillir une vingtaine d’entreprises (SIAE, autres entreprises de l’ESS et des entreprises artisanales) sur 4.000m² de locaux (bureaux, ateliers, espaces communs). Il est situé sur une ancienne friche industrielle,

Membre du RTES concerné : Communauté d’Agglomération de Grenoble : www.lametro.fr/364-artis.htm

 Le projet de Pôle d’Economie Solidaire de Niort, a été pensé suite à la faillite de la CAMIF. La fermeture de cette institution a eu, au-delà des conséquences de la fermeture d’une grande entreprise, un impact par rapport à sa dimension économie sociale. Une SCIC Elan Coopératif Niortaise a vu le jour pour accompagner les projets des personnes licenciées. Aujourd’hui, un projet immobilier, porté par l’agglomération, en lien avec cette SCIC et des acteurs d’ESS, devrait être inauguré fin 2012 pour créer un lieu physique Maison de l’ESS, avec une fonction pépinière, et un Pôle « diffus » sur l’ensemble du Sud des Deux-Sèvres.

 Membre du RTES concerné: Communauté d’agglomération de Niort

Des Pôles qui favorisent d’abord la mutualisation et la coopération entre acteurs d’ESS

 Le Phares (Pôle d’Hospitalité d’Activités à Rayonnement Ecologique et Solidaire) à l’Ile St Denis réunit depuis 2001 une dizaine de structures sur 1.500 m².www.halage.fr/Presentation-du-PHARES Au-delà de l’hébergement, des mutualisations s’organisent entre les structures, et le lieu est devenu un centre de ressources environnementales à l’échelle de l’agglomération.

Membre du RTES concerné : CDA de Plaine Commune : www.plainecommune.fr

 La Maison de l’Economie Solidaire à Ramonville St Agne (Hte Garonne). La MES a été créé en 2001 à l’initiative de la commune et de citoyens. En juin 2002 a été inauguré un espace partagé, pour héberger différents acteurs (associations, coopérative d’activités et d’emplois du bâtiment…) pour donner de la visibilité, mutualiser des moyens, faciliter des synergies (création de la coopérative de capital risque IES…), dont l’animation est confiée à l’ADEPES, en vue d’évoluer vers un Pôle dans la logique du REAS www.adepes.org.

Membre du RTES concerné : Communauté d’Agglomération du SICOVAL

 Un Lieu mutualisé de l’ESS à Nantes devrait être inauguré en 2012 dans une friche industrielle de 4000 m² au cœur du projet urbain de l’île de Nantes. C’est le projet phare du deuxième plan triennal de l’ESS lancé par Nantes Métropole. Le premier avait vu le soutien à la création de l’association Ecossolies et à un évènement grand public réunissant 30 000 personnes en 2006. Ce lieu sera à la fois une pépinière, une vitrine et un lieu de co-production entre acteurs et pourrait donc être labellisé Pôle territorial de coopération économique www.ecossolies.fr/-En-Chantier-

Membre du RTES concerné : Communauté Urbaine de Nantes

 Le CISE (Centre d’Innovation Socio-Economique) à Lille. Ce centre est en cours d’élaboration (installation visible prévue début 2014). Différentes structures d’accompagnement de porteurs de projets d’ESS seront réunies à la périphérie d’un quartier classé ZUS et du centre-ville, pour rendre l’ESS plus visible, et favoriser les dynamiques entre acteurs

Membres du RTES concernés : Ville de Lille

 Le Pôle Ressources de Roanne est en cours d’élaboration, et devrait être installé dans ses murs avant fin 2011. Une association est en cours de constitution, avec une majorité d’acteurs de l’ESS. Ce Pôle se donne 4 objectifs : fédérer les acteurs et développer un sentiment d’appartenance, développer les moyens des acteurs pour construire une stratégie collective et développer des activités, accompagner la création de nouvelles activités, promouvoir et rendre lisible l’ESS et les acteurs.

Membre du RTES concerné : Communauté d’Agglomération de Roanne-www.loire-solidaires.org/pole-ess-pour-le-roannais-le-projet-est-en-marche

Des Pôles qui mettent en avant l’opérationnalité : la création d’emplois et de richesses

 Pôle Sud / Groupe ARCHER à Romans (Drôme).

archipel5.mutinfo.net/downloadfichier?up=Y29vcmFjZSY1ODE1

Pôle Sud réunit une diversité d’acteurs (Insertion par l’activité économique, CRESS, URSCOP, COORACE, et accessible à d’autres acteurs). Il est organisé en SAS, avec des structures de l’ESS, des personnes, des représentants d’autres entreprises et de collectivités.

Membre du RTES concerné : Conseil régional de Rhône-Alpes

 Entreprendre en coopérant www.cauxseine.fr/coop.php sur la Communauté de Communes de Caux-Vallée de Seine (Seine maritime) est un dispositif qui réunit depuis 2005 des acteurs de l’ESS, d’autres acteurs économiques et des collectivités. Les objectifs sont de faire émerger les conditions de la création de richesses et d’emplois, et de développer des filières créatrices d’emploi de faible qualification par la recherche de niches endogènes via la coopération entre structures de l’ESS et les entreprises du territoire à partir de ressources identifiées sur le territoire.

Membres du RTES concerné : Communauté de communes Caux Vallées de Seine, avec soutien financier initial du le Conseil régional de Haute-Normandie.

Trois pôles territoriaux à l’échelle régionale soutiennent plus spécifiquement une filière professionnelle où l’ESS a une certaine historicité :

 Le Pôle filière SIAE (Structure d’Insertion par l’Activité Economique) du COORACE en Rhône-Alpes : Lors de la négociation du Contrat économique sectoriel entre le Conseil régional et les acteurs de l’ESS en 2007, le COORACE Rhône-Alpes a proposé un plan d’action pour structurer l’IAE. L’objectif était d’outiller les structures d’insertion par l’activité économique pour l’élaboration de stratégies de partenariat inter-entreprises. Cela s’est concrétisé par une enquête et un état des lieux des coopérations existantes, puis la capitalisation, en vue de la restitution des résultats et de l’essaimage des bonnes pratiques.

Membre du RTES concerné : Conseil régional de Rhône-Alpes : www.rhonealpes.fr/100-economie-sociale-et-solidaire.htm

 Le Pôle filière sanitaire et sociale de l’URIOPSS en Rhône-Alpes : Lors de la négociation du Contrat économique sectoriel entre le Conseil régional et les acteurs de l’ESS en 2007, l’URIOPSS Rhône-Alpes a proposé un plan d’action pour structurer la filière sanitaire et sociale. Les objectifs sont de maintenir une offre d’ESS, et de favoriser des coopérations entre acteurs d’ESS de ce secteur. Cela passe notamment par l’essaimage des bonnes pratiques, et par l’accompagnement, le soutien et le suivi de regroupements.

Membre du RTES concerné : Conseil régional de Rhône-Alpes: www.rhonealpes.fr/100-economie-sociale-et-solidaire.htm

 Le PRIDES (Pôle Régional d’Innovation et de Développement d’Economie Solidaire) « Services à la personne » a été labellisé en 2007 par le Conseil régional Provence-Alpes-Côte d’Azur. Il a pour objectif de soutenir la création d’emplois durables et le développement économique, de promouvoir une offre de services de qualité, construite sur des valeurs de solidarité et de responsabilité sociale et environnementale. Il réunit près de 150 organisations : entreprises de services à la personne, fédérations d’employeurs, syndicats de salariés, regroupements, plates-formes, universités, représentants de consommateurs, secteur bancaire et mutualiste, et concerne 50% de l’emploi de ce secteur de l’ESS, soit 12.500 salariés.

Membre du RTES concerné : Conseil régional Provence Alpes Côte d’Azur www.psppaca.fr/Presentation

La finalité de la coopération et de la mutualisation (Pourquoi ?)

Pour les Pôles territoriaux multisectoriels

 En créant un Pôle de Coopération, les acteurs de l’ESS et les collectivités souhaitent au moins faciliter l’accès à l’immobilier, et donner une meilleure visibilité aux acteurs.

 Pour une collectivité, c’est un moyen concret de montrer qu’elle considère l’ESS comme un secteur économique à part entière, qui contribue au développement du territoire.

 Pour la plupart, l’enjeu est également de favoriser d’autres types de mutualisation entre acteurs (services partagés, centre de ressources à ADEPES, cuisine au Phares…)

 Pour certains Pôles, la dynamique de co-construction et le processus de coopération, d’expérimentation sociale est fondamentale avant et après la création de l’espace visible, nécessitant plusieurs années entre l’idée de Pôle et sa visibilité, (Pôle Sud, Lieu commun à Nantes, Le Pôle de Lille Métropole).

 Certains Pôles ont pour fonction d’articuler le renforcement à la fois de la visibilité de l’ESS, et les coopérations avec d’autres acteurs socio-économiques (Pôle Sud, Entreprendre en coopérant, CISE à Lille, Lieu Mutualisé de Nantes).

 Enfin, pour certains Pôles, l’objectif est aussi de créer de nouveaux produits ou services, se positionner dans l’innovation économique et technologique, créatrice d’emplois et de richesses (création de 2 PME dans le secteur de la chaussure et de la sous-traitance automobile à Pôle Sud, articuler demandeurs d’emplois « fragiles » et besoins d’emplois locaux à Entreprendre en coopérant, travaux autour de nouveaux matériaux et nouveaux process dans ce même Pôle…). L’enjeu n’est plus alors seulement de soutenir l’ESS en tant que telle, mais de valoriser les savoir-faire de l’ESS pour répondre aux besoins du territoire.

Dans le cas des Pôles d’échelle régionale

Les pôles territoriaux à l’échelle régionale privilégient l’entrée mono-sectorielle. L’objectif initial est de favoriser l’expérimentation d’innovations qu’elles soient économiques, sociales, de process ou de management et/ou la mutualisation entre acteurs d’une filière (l’URIOPSS en Rhône-Alpes a pu concevoir des services complémentaires entre l’aide à domicile et les services de soins de suite et de convalescence post-hospitalier).

Ce travail d’expérimentation se réalise sur un bassin (agglomération, Pays…). Cela demande donc une co-construction en amont particulière sur chaque territoire. L’échelon régional permet ensuite l’analyse de ces pratiques, leur valorisation médiatique, le partage d’expérience, la modélisation pour la transposition sur d’autres territoires, voire vers d’autres filières économiques. Ces coopérations par Pôles filières permettent de renforcer les acteurs de l’ESS, d’innover dans les services proposés à la population, de consolider des emplois fragilisés et créer des emplois durables.

Les activités (quoi ?)

LES ACTIVITES DES POLES :

La plupart des Pôles locaux ont pour objet à la fois des actions de mutualisation entre acteurs et de coopération entre eux et avec d’autres. Cela est facilité par le fait que nombre de Pôles réunissent à la fois des acteurs de l’accompagnement de porteurs de projets d’ESS (CRES, URSCOP…), et des structures de production de biens et services pour l’extérieur. Cela facilite l’innovation par la rencontre « au quotidien » d’opérateurs qui cherchent à améliorer leur activité, et de conseils, qui peuvent mieux appréhender des difficultés concrètes et chercher ensemble des réponses.

Pour la plupart des Pôles, la première activité est de faire équipe : se connaître et définir un projet commun, respectueux des richesses de chaque membre, et qui permette d’envisager d’aller plus loin, avec moins d’efforts.

Cela nécessite du temps, dans une culture où on préfère voir ce qu’on risque de perdre à coopérer plutôt que d’envisager ce qu’on pourrait y gagner. Mais cela permet de démarrer plus solidement le partenariat.

Pour autant, Entreprendre en coopérant, initié par la Communauté de Communes de Caux Vallée de Seine, ne porte qu’une activité productive autour de sa stratégie création de nouveaux emplois pour publics « éloignés de l’emploi » autour de process nouveaux de valorisation de déchets.

Les Pôles sectoriels régionaux ont d’abord une fonction observatoire / prospective, pour repérer les pratiques et les évolutions du contexte, qui permet d’expérimenter sous forme de coopération ou de mutualisation pour développer l’offre existante et coordonner la professionnalisation des salariés.

LES ACTIVITES DES COLLECTIVITES POUR SOUTENIR LES POLES

Les collectivités peuvent avoir une mission particulière pour faciliter le lancement du projet :

 Puissance invitante : n’étant pas directement concernés, et ayant une vision territoriale, elles peuvent faciliter la rencontre entre les acteurs. Elles peuvent donner l’impulsion (ADEPES, CISE) sur des territoires où initialement aucun acteur n’en a la possibilité (légitimité, moyens humains…) pour se positionner comme leader. Cette fonction « puissance invitante » peut être particulièrement importante dans le cas d’une coopération avec des acteurs hors ESS (Entreprendre en coopérant). Mais la collectivité ne peut être invitante que si des acteurs ont déjà montré leur volonté d’aller dans ce sens.

 Levier financier : la collectivité peut financer la phase préparatoire à la création du Pôle : coordination, études… (Nantes, Lille, Roanne, ADEPES), l’investissement immobilier… Puis, le soutien à l’animation et la coordination des Pôles (PRIDES, Nantes…).

 Légitimer l’action : l’engagement officiel de la collectivité rassure les acteurs qui hésitent à s’impliquer, et interpelle d’autres partenaires à s’intéresser au projet (CISE à Lille, Entreprendre en coopérant). Au-delà, l’engagement de la collectivité est aussi un message envoyé vers l’ensemble de la population (Lille, Nantes…).

L’ACTIVITE COMMUNICATION DES COLLECTIVITES

En matière de communication, les collectivités ont des missions spécifiques :

 Faire connaître à la population, et faire le lien entre le Pôle et ce que vit la population au quotidien (montrer en quoi le Pôle concerne les habitants).

 Valoriser les réussites des acteurs : économiques, d’utilité sociale (des produits et services rendus), démocratisation dans l’entreprise.

 Promouvoir les valeurs, le sens, les modes de faire de l’ESS. Les affirmer par la concrétisation des actions, et non d’abord par une « étiquette », de manière à agir réellement, et à mobiliser d’autres acteurs économiques, qui ne se reconnaissent pas de l’ESS, mais qui partagent des préoccupation du territoire, de priorité de l’humain (producteur ou consommateur)… Valoriser le savoir-faire et l’efficacité de l’ESS, capable d’être « économiquement et socialement rentable », notamment vers des collectivités hésitantes, qui connaissent mal l’ESS (Pôles régionaux).

 Affirmer qu’il y a d’autres manières efficaces de faire de l’économie que la logique de compétition et les « Pôles de Compétitivité » : l’économie coopérative.

Pour réaliser sa mission de communication autour du Pôle, la collectivité peut agir :

 directement :

 en interne vers les services et institutionnels

 en externe vers la communication institutionnelle

 indirectement (formelle et informelle) en soutenant des acteurs tiers : syndicats, associations, mouvements de consommateurs… vers la population et les autres acteurs qui n’utilisent pas encore le Pôle.

Ressources, financements et moyens utilisés

Les collectivités peuvent apporter des moyens à la construction des Pôles, sous forme d’ingénierie, par la mise à disposition de personnel de la collectivité (Roanne), et / ou le financement d’une mission d’animation et coordination au Pôle (Nantes PRIDES), mais aussi en facilitant des mises en réseau à l’échelle nationale (Réseau Entreprendre Autrement et La Fabrique de l’AVISE par le CISE et l’ADEPES, réseau REPLIC au projet de Pôle de Lille Métropole…).

Tous les Pôles ont eu besoin de financements des collectivités locales, pour leur mise en œuvre (soutenir la coordination, financer des études de faisabilité), pour l’investissement immobilier, et dans bien des cas, pour leur animation.

Mais des collectivités indiquent que leur objectif n’est pas d’envisager d’augmenter le budget alloué à l’ESS initialement (ni de les réduire), mais de mobiliser autrement les fonds, de manière à permettre une optimisation de l’argent public, et la création de services nouveaux.

Certaines collectivités (région PACA / PRIDES) estiment que le financement de la structuration de filières est essentielle à leur devenir, et doit donc faire l’objet de financements spécifiques.

A Lille, on souligne que pour un maximum de cohérence, il est intéressant de travailler en amont le projet immobilier, de manière à pouvoir mobiliser les entreprises d’ESS du BTP et équipementiers, pour qu’ils puissent s’organiser et répondre aux appels d’offre.

Synthèse de mon indignation en une seule phrase

Face à une concurrence sans limite entre individus, entreprises, territoires et Etats, la coopération territoriale doit s’affirmer comme mode de réappropriation de l’économie réelle et de régulation pertinent, et prendre toute sa place dans les politiques publiques.