Habitat Groupé

Cahier de l’entrée Se loger / Habiter

Argumentaire

Les associations ici présentes, investies auprès des citoyens dans leur projet d’habitat alternatif, constatent un sentiment d’indignation partagé face à :

* L’individualisme : le niveau atteint provoque au mieux un manque de relation entre les individus (voisin de palier, quartier…) au pire l’exclusion et l’hostilité. En découlent des replis sur soi destructeurs pour les personnes, et des tensions dangereuses pour la vie de la cité.

* La ghéttoïsation : les pauvres avec les pauvres, les riches avec les riches, un schéma qui entretient la peur de l’autre et qui, sans volonté politique, ne changera jamais. Cette logique est à l’œuvre tant chez les promoteurs que dans la production de logements sociaux.

* L’industrialisation de la production du logement : construction de logements en masse, sans concertation de ceux qui vont les habiter et sans préoccupation d’une intégration intelligente aux milieux. Les habitants oubliés oublient d’investir leurs lieux de vie et l’entretien des parties communes en pâti.

* Le mal-logement : d’une part l’insalubrité de certains logements. D’autre part le manque d’isolation thermique qui devient source d’endettement pour les habitants. Les économies de bout de chandelle réalisées par de nombreux promoteurs qui ne calculent que les coûts de construction ont pour conséquence une augmentation importante du coût global (entretien, énergie, fluides…) supporté par les habitants.

* Le logement interdit : trop cher, sur-sécurisé dans le seul intérêt de ceux qui tiennent l’offre et en contraignent l’accès (bailleurs, propriétaires, banques), le « contrat » d’habitation connaît un grave déséquilibre qui verse de plus en plus d’habitants dans le « logement de non-droit » et dans ses solutions de débrouille impitoyablement précaires ; hébergement chez Truc, canapé-lit, squat, colocation contrainte, automobile avec couettes… Toute manière d’habiter dans l’instabilité, la courte durée, et sans son « chez soi », est indigne.

Comment sensibiliser d’autres acteurs

* Soutenir les initiatives d’associations de promotion de l’HG (plateformes départementales…) voulant faire émerger des groupes d’habitat groupé comme HG13 !

* Aller à la rencontre des organismes fédérateurs des professions concernées (agences immobilières, conseillers juridiques, assureurs, promoteurs-constructeurs, etc…) pour présenter l’Habitat Groupé et faire évoluer les pratiques professionnelles si nécessaire

* S’appuyer sur les initiatives menées par les groupes existants pour essaimer c’est-à-dire organiser des journées de visite, des séjours découvertes, etc.

Conditions du développement

Les conditions pour mettre en oeuvre ces initiatives d’HG sont un soutien des élus, et le développement de professionnels spécialisés dans ces démarches qui pourront apporter fiabilité et crédibilité à ces projets, que ce soit au niveau de l’architecture, du montage financier, de l’assistance à la maîtrise d’ouvrage…

Par ailleurs, la reconnaissance du statut de coopérative d’habitat et son éligibilité aux financements issus du logement social doivent pouvoir favoriser la démocratisation économique de l’habitat groupé.

Changement d’échelle possible

D’autres territoires comme Strasbourg, Grenoble, Lyon ou Paris ont vu naître ces initiatives. L’HG est reproductible sur d’autres territoires si les élus adhèrent au projet et facilitent l’accès au foncier en réservant des « dents creuses » ou quelques lots de ZAC pour ce type de projets.

Impacts de l’initiative

  • > 7 familles:

Construire écologique, densifier notre habitat, promouvoir l’esprit de la coopération, rétablir la maîtrise d’usage au cœur de la maîtrise d’ouvrage et l’imagination dans la production de la ville, lutter contre la spéculation immobilière… sont autant de réponses locales qui doivent améliorer concrètement notre cadre de vie tout en gagnant en pertinence au fur et à mesure qu’elles seront généralisées à plus grande échelle.

  • > Les gouttes d’O

Comme projet global, les Gouttes d’O est un laboratoire d’expérimentations sociales au quotidien ouvrant des perspectives sur l’ensemble des champs de l’activité. Ainsi le groupe a pu initier une réflexion et des pratiques visant à renouveler l’approche de la responsabilité à travers la notion d’autoresponsabilité.

A travers la gestion intégralement collective des décisions, coûts, énergies et « fruits » de chaque solution répondant à un besoin commun, chacun est invité à prendre des initiatives, à assumer ses talents, ses insatisfactions, sa sensibilité et ses contradictions. Au niveau individuel, l’impact direct semble se manifester sur le sens de l’autonomie, sur la capacité d’intervention et sur la conscience des systèmes alimentés par l’individu. Au niveau collectif, l’impact est un enrichissement significatif de la conscience des enjeux locaux et globaux ainsi que de la créativité collective pour y répondre.

L’organisation

  • > 7 familles

Une association a été créée pour la phase projet, où les décisions se prennent au consensus. Les taches sont réparties par sous-groupes puis mises en commun. Le groupe se réunit tous les 15 jours environ. Lorsqu’un terrain aura été trouvé, une SCIA (Société Civile Immobilière d’Attribution) sera créée pour acheter le terrain et gérer le chantier. Les habitants occuperont leur habitation en jouissance et les espaces communs seront gérés par la SCIA sans syndic de copropriété.

  • > Les gouttes d’O

Les terres et bâtiments agricoles sont la propriété de Terre de Liens. La maison d’habitation appartient à une Société Civile Immobilière dont les associés sont les bénévoles permanents de l’association. Le tout fait l’objet de deux baux au profit de l’association les gouttes d’O (bail agricole + bail droit commun) qui gère donc l’ensemble du lieu.

Les décisions sont prises à l’unanimité (consensus) des membres présents.

  • > La Pension de famille

Structure juridique : à étudier ; s’intéresser entre autres au statut de Maison Relais (mais pour partie des chambres, seulement ? = attention à préserver la mixité sociale ! – l’isolement ne connaît pas les catégories, et frappe indifféremment des riches, des couples, des jeunes, des blondes, bref, des gens) ; attention à ce que le groupe d’habitants reste l’unique décideur, en cas de « turn over ».

Le petit groupe fonctionne au consensus.

Les vivoirs (30 m 2 + 40 m 2 + 20 m2 de véranda) remplissant les fonctions de salon cheminée/ séjour/cuisine/bureau/buanderie, sont à usage partagé.

Peut s’organiser, s’il y a preneur, une formule « 1/2 pension » auto-gérée (grosse soupe du soir, espoir).

Les acteurs (Qui ?)

  • > 7 Familles

7 familles composées de jeunes enfants, d’un adulte handicapé, d’actifs, de retraités… Le groupe est intergénérationnel, intègre de la mixité sociale (deux familles sont sous les plafonds du logement social PLUS) et une personne polyhandicapée.

  • > Les gouttes d’O

Les acteurs sont tous des membres de l’association qui contribuent à la vie du lieu, à la gestion de la maison et des espaces communs (gîte, salle polyvalente), des jardins coopératifs et dont la constitution révèle une grande mixité sociale (générationnelle, socioprofessionnelle, confessionnelle). A ce jour, l’association compte une trentaine de membres provenant de la moyenne vallée du Var à la côte (Nice et environs).

  • > La Pension de famille

* Dans un 1er temps :

Maximum de 7 à 8 habitants (7 chambres et leur salle d’eau dans les 2 maisons), dont déjà, 1 propriétaire, cinquantenaire, « en voie de reconversion » ; 1 isolée, cinquantenaire, assistante sociale déclassée – Des couples peuvent être intéressés par la formule.

* Dans un 2ème temps :

La parcelle mitoyenne constructible, avec son potentiel de 350 m 2 habitable, concernera plusieurs nouveaux foyers reliés à la Pension de famille existante.

Des m2 dévolus à des activités communes intègreront peu à peu leurs acteurs concernés :

  • Habitants du quartier pour le vide-grenier (1 fois par mois ?)

  • id. pour l’atelier « Facteur Cheval »

  • AMAP pour le point de livraison de paniers

  • 2 jardins partagés + la Kuizin’ en lien avec les potager/poulailler de la Pension de famille…

  • … et tout autre partenaire pour toute activité souhaitée (ciné-club –home cinéma-, musique…)

Message à l’opinion

Les médias parlent beaucoup de ces initiatives, les associations de promotion de l’HG accueillent un nombre croissant de citoyens désireux d’en savoir plus ou de se lancer dans cette aventure. La force de ce mouvement est le poids des citoyens et le nombre de groupes adhérant à ce genre d’associations, qui pourront être en mesure de co-construire des politiques publiques du logement favorable aux habitats groupés.

Message aux décideurs

Soutenez les initiatives participatives ! En Allemagne, certaines villes voient plus de 50% des constructions neuves réalisées en autopromotion (Tübingen, Stuttgart, Fribourg…).

Des solutions locales permettent de limiter les trajets entre le lieu de travail, le lieu d’habitation, les écoles. L’habitat groupé en Allemagne, c’est recréer les avantages de la proximité, penser le futur dans la perspective de la crise énergétique à venir, donner à mieux vivre aux habitants.

Proposition pour influencer les décideurs

Pour élargir le champ et la portée de ces initiatives, il est nécessaire de :

Conduire une politique publique locale et nationale favorable :

* Politique et outils d’urbanisme favorisant l’accès au foncier

* intégration de l’habitat groupé dans les documents de planification (SCOTT, PLU…), notamment en acceptant des COS (densité de construction) plus importants sur les terrains accueillant des habitats groupés

* reconnaissance des associations citoyenne de promotion de l’habitat groupé aux ‘tours de table’ à côté des bailleurs sociaux et promoteurs, notamment lors de l’attribution des terrains dans les nouvelles ZAC

* Accompagner le développement d’une filière qui permet une forme plus participative de l’habitat, remettant les habitants au cœur du processus, à travers notamment :

* L’appui à l’émergence de structures d’accompagnement

* L’appui au développement des associations de promotion de l’habitat groupé réunissant citoyens et groupes projets

* La sensibilisation des professionnels ‘spécialistes’ entourant ce type de projet (banques, notaires, avocats, architecte, assureurs, etc…)

* Reconnaitre légalement le statut des coopératives d’habitat,

à visée non spéculative, dans lesquelles les habitants sont à la fois propriétaires et locataires, notamment afin de pouvoir plus facilement avoir recours à des emprunts collectifs et mobiliser des financements issus du logement social.

Développer des actions de lobbying : l’habitat groupé doit être pris en compte dans les politiques d’urbanisme

Ex : Allemagne avec les mairies qui propose des terrains

Ex : Strasbourg avec le projet éco-logis et l’opération 10 terrains pour 10 projets d’autopromotion

Ex : Villeurbanne avec le Village Vertical qui sera la première coopérative d’habitat de France et a construit un partenariat avec la coopérative HLM Rhône Saône Habitat. Début des travaux : mai 2011.

Pour cela, structurer un mouvement de l’habitat participatif, rassemblant ses différentes composantes.

Cette structuration doit se faire :

* Pour l’intérieur du mouvement : faciliter les échanges d’expérience, la circulation de l’information, la connaissance des différents groupes, des structures ressources…

* Pour l’extérieur : capacité à représenter le mouvement vis-à-vis des élus locaux et nationaux, mais aussi des professionnels… et à défendre ses intérêts.

* A l’échelle locale : plateformes de promotion de l’HG informant les personnes intéressées, favorisant la création de nouveaux groupes, puis les échanges entre groupes, et se posant en interlocuteurs des élus locaux.

* Et à l’échelle nationale : organisation de rencontres annuelles, actions de lobbying au niveau national (coopératives d’habitats…), constitution de filières professionnelles

Présentation de l’initiative (Quoi ?)

Nous proposons de nous pencher sur 3 cas d’Habitat Groupé où des citoyens décident de se rassembler pour créer leur lieu de vie à leur image.

1. Les 7 Familles, ‘groupe projet’ d’habitants marseillais qui souhaitent construire en autopromotion.

2. Les gouttes d’O – rural – à Val de Chalvagne (04)

3. La Pension de famille, vivoir où se retrouver parmi les autres.Marseille, Quartier Nord.

  • >L’habitat groupé selon les 7 familles : concernés par la vie de la cité, nous souhaitons développer une manière d’habiter basée sur la responsabilité, le partage (notamment d’espaces communs) et le souci des conséquences écologiques, économiques et sociales de nos choix : construction bioclimatique, densification de l’habitat, faire vivre la mixité par la solidarité, adopter une gouvernance coopérative (autogestion), développer notre autonomie à travers une démarche d’autopromotion.

Concrètement, le groupe souhaite se passer de promoteur immobilier et assurer lui-même la maîtrise d’ouvrage du projet. Cela permet d’économiser la marge du promoteur et les frais de commercialisation, soit de 15 à 25% du coût d’un projet, et de prévoir pour les familles qui le souhaitent une part d’auto-finition. Le petit immeuble collectif que nous souhaitons construire prévoira 15% d’espaces communs (salle polyvalent, salon des enfants, chambre d’amis…).

  • >Les gouttes d’O est une association qui vise l’expérimentation, par différents moyens, pour favoriser l’autoresponsabilisation solidaire, entendue comme la capacité de l’individu à mettre en œuvre avec d’autres des solutions qui répondent à ses besoins et à ses insatisfactions.

* Le moyen principal de l’association est la mise en place de solutions d’intérêt collectif visant à permettre à ses membres de répondre à leurs besoins essentiels communs par l’autogestion et la mutualisation. Les solutions actuellement mise en place concernent l’habitat, la production alimentaire, les activités d’épanouissement et la relation coopérative.

* Pour ses activités, l’association jouit d’un lieu partagé composé de terres et bâtiments agricoles, d’une maison d’habitation et d’un gîte, à Val de Chalvagne, près d’Entrevaux. Niché au cœur de ce projet, un habitat groupé formé par les bénévoles permanents de l’association qui résident dans la maison commune. Ce groupe est formé de 5 adultes et 3 enfants auxquels il faut ajouter les autres membres qui participent à la gestion et peuvent librement venir sur le lieu sur des séjours à durée variable.

  • > La Pension de famille mixe deux réalités marseillaises :

* la « pension de famille » gérée par l’ADRIM, bailleur Fondation Abbé Pierre, centre ville (25 résidents)

* la « bâtisse », petit domaine dans les Q.N. (composé de 2 maisons sur parcelle constructible), partiellement à vendre pour de l’Habitat Groupé par son propriétaire qui, lui aussi isolé, souhaite se lancer dans l’aventure.

En investissant la Pension de Famille, les futurs habitants ont donc tous un point commun : s’arracher du trou noir de la relégation (quand le soir venu, ils parlent à leurs murs, leur télé, ou au mieux à leur chat) pour retrouver les délices et poisons de la vie parmi les autres.

Ressources, financements et moyens utilisés

  • > Le groupe des 7 familles cherche à être financièrement autonome. Les financements proviennent d’apports personnels et d’emprunts immobiliers. La condition de réussite est de savoir maîtriser ses coûts en construisant avec bon sens, professionnalisme et en introduisant pour certains une part d’auto-construction.

  • > Les gouttes d’O

Les ressources financières de l’association sont :

* les cotisations des membres variables selon les revenus, jusqu’à l’exonération – il est convenu que + une personne est exonérée, + elle a de temps pour s’investir bénévolement

* une subvention pour le jardin coopératif

* les contributions bénévole

* les produits des activités économiques

* le gîte

* les ateliers épanouissement

* les frais de restauration

L’achat de la maison par la SCI a été financé par un emprunt et des apports des associés. Les loyers encaissés par la SCI servent au remboursement de l’emprunt et aux frais des bénévoles permanents qui ne sont pas pris en charge par l’association.

  • > La Pension de famille

Ressources propres (apports personnels, en « nature –propriétaire- et en espèces –habitants-") + éventuellement, subvention Maison Relais, prix de fondation(s) privée(s) récompensant l’innovation sociale, APL (CAF), et autres aides liées à la nature des activités développées.

Synthèse de mon indignation en une seule phrase

L’habitat considéré uniquement comme bien de consommation, entrainant la massification et l’industrialisation de la production et ses conséquences en termes de segmentation/ségrégation des habitants, voir d’exclusion des « marchés » du logement pour de nombreuses personnes.

Témoignages

  • > 7 Familles

Rassemblés depuis juin 2009, les membres des 7 familles sont des habitants de la région marseillaise. Des foyers quittent le projet, d’autres le rejoignent… Des modalités d’organisation internes sont définies (une réunion toutes les 2 semaines environ), une charte est réalisée, chacun connaît sa capacité d’emprunt, le montage juridique est identifié, le groupe s’est mis d’accord sur des principes de construction bioclimatique. Reste à trouver un terrain.

Les blocages actuels : la rareté et le coût du foncier autour de Marseille ; la difficulté à contracter un emprunt collectif.

  • > Les Gouttes d’O

L’association a été créée en 2009, le lieu acheté en 2009, l’association a démarré ses activités en avril 2010. Il a fallu 6 mois pour trouver le lieu, 4 mois de négociations avec Terre de lien, 2 mois pour collecter 200 000 euros d’épargne solidaire soit un total de 1 an pour l’ensemble du processus.

Pour en savoir plus : www.lesgouttesdo.net/

  • > La Pension de famille

Initiative embryonnaire, puisque « La bâtisse » a été mise en vente il y a 2 mois seulement (fin 01/11)