Cahier de l’entrée Soigner /Prévenir
Nous nous indignons de constater la détresse de nombreux salariés en situation de souffrance au travail, et la mauvaise qualité de leur prise en charge :
accès difficile pour beaucoup d’entre eux à un soutien psychologique et surtout à un soutien qui prenne véritablement en compte la situation de travail,
absence de coordination des interventions des professionnels (en particulier du soin) qui rend trop souvent la prise en charge inefficace et parfois même encore plus déstabilisante pour le salarié.
En règle générale les personnes sont orientées par les acteurs qui les prennent en charge dans des impasses de deux types : soit la médicalisation, peu efficace, soit la judiciarisation, très souvent vouée à l’échec ;
Nous nous indignons de voir à quel point la prévention du risque psychosocial est ignorée dans les entreprises et combien les acteurs sociaux qui parfois s’y intéressent (représentants du personnel, organisations syndicales) sont démunis et en difficulté face à ces questions
Environ 500 situations singulières sont traitées chaque année : la moitié par entretien téléphonique (analyse et réorientation vers les démarches utiles) et la moitié donnant lieu à un accueil en consultation. 100 à 200 salariés sont pris en charge pour un soutien psychologique nécessaire (limité dans le temps).
Une quarantaine de situations collectives ont été suivies, très diverses, dont certaines sur une longue période et plusieurs en coopération étroite avec les organisations syndicales impliquées.
Un renforcement de la cellule d’appui existante et une multiplication des structures du même type sur le territoire permettraient de développer des actions efficaces de soutien aux salariés face aux questions de souffrance et travail en favorisant la dimension collective et donc la dynamique de prévention. L’enjeu est important car les salariés et leurs représentants rencontrent de réelles difficultés pour faire face à l’évolution délétère actuelle des conditions de travail au sein de tous les types d’entreprises.
L’essaimage de cette expérience pourrait permettre la prise en charge d’un bien plus grand nombre de salariés en souffrance mais aussi de produire à une autre échelle un savoir critique, de contribuer à l’analyse plus fine de ce phénomène et à la construction de propositions alternatives en réponse à diverses problématiques choquantes :
la médicalisation comme réponse quasi automatique, qui, outre son impact économique dramatique sur l’assurance maladie, n’apporte pas de vraie résolution aux difficultés.
Les insuffisances du système de santé au travail dont la remise ne cause actuelle peine à aboutir à une réforme efficiente.
Les besoins de formation et de soutien aux salariés et aux instances représentatives du personnel et la nécessité de construire un réseau de ressources sur les questions de la santé au travail, en appui aux acteurs sociaux dans le monde du travail
Les facteurs de succès de notre expérience sont sans doute :
La facilité d’accès à notre structure
La richesse du réseau dans lequel s’est inscrite notre action (et à la construction duquel elle participe)
L’originalité de notre approche par la pluridisciplinarité de la prise en charge et par le parti pris d’un soutien direct aux acteurs de la prévention sur le terrain
L’action de la cellule d’appui est reconnue par les partenaires : professionnels de santé au travail et de médecine de soin, des acteurs sociaux. Elle représente auprès d’eux une sorte de « lieu ressources » du fait de son positionnement très particulier, faisant délibérément le lien entre les situations individuelles et la dimension collective.
L’initiative est totalement intégrée dans les activités de l’Union des Mutuelles d’Ile de France dont les acteurs sont salariés. Elle bénéficie pour ce projet de subventions d’instances régionales ou de collectivités territoriales souhaitant promouvoir le volet « prise en charge collective et préventive » de cette problématique qui s’amplifie dramatiquement.
Au travers de ce petit exemple, on peut plus facilement comprendre l’importance du développement de l’Economie Sociale et Solidaire qui elle seule à la vocation, les moyens et l’ambition de proposer, face à certains besoins sociaux, des réponses en terme de services mais aussi des pistes en terme de transformation sociale visant à faire disparaître le « marché » sur lequel elle est amenée à intervenir économiquement… démarche sociale on ne peut plus contre productive si on se place dans une démarche purement libérale.
Tout le monde est perdant lorsque se développe dans nos sociétés des disfonctionnements comme ceux qui engendrent les trop nombreuses situations de souffrance au travail qui touchent aujourd’hui toutes les entreprises et toutes les catégories sociales. Ne pas s’investir à minima en soutenant, autant que faire se peut, les acteurs qui se donnent les moyens d’agir à tous les niveaux pour, sur ce champ, « soigner et prévenir », se serait tacitement accepter que le coût social et économique est supportable voire nécessaire. Cette posture serait en contradiction totale avec tant de discours et d’engagements…
La question de la santé au travail et plus encore celle de la souffrance au travail sera toujours une problématique très complexe à aborder du fait de sa double dimension : individuelle, souvent dramatique et urgente, et collective, très politique et s’inscrivant sur un temps long de transformation sociale. Intervenir de manière efficiente sur ce sujet suppose donc un double engagement : d’une part du fait de la nécessaire prise en charge de personnes en situation de souffrance pour lesquelles le système de santé et de protection sociale ne prévoit pas la solvabilisation des coûts contrairement à l’accès à d’autres prises en charges médico-sociales , ce qui fait que si l’investissement dans ce champ dans un esprit de non lucrativité est déjà un casse tête penser un modèle lucratif serait quasi impossible en l’état et d’autre part du fait qu’agir sur la prise en charge de ces personnes sans intervenir en amont sur la question de l’organisation du travail pour tenter d’éviter la survenance de ces situations de souffrances plutôt que de se contenter de n’en limiter que les dégâts est en soit un engagement politique que ni les entreprises libérales ni les institutions publiques ne prennent pour des raisons parfois opposées.
Seules les entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire ont vocation et intérêt à intervenir sur ce type d’activité ; elles doivent occuper cette place qui leur est, de fait, exclusivement attribuée.
Il s’agit au départ d’une initiative imaginée par la FNATH (association des accidentés de la vie), qui a créé en 2001 une consultation souffrance et travail, reprise en 2006 par l’UMIF et devenue depuis cellule d’appui à la prévention des risques psychosociaux.
Cette cellule est animée par une équipe pluridisciplinaire composée de 3 psychologues, un médecin du travail et un sociologue. Elle accueille des salariés qui sont orientés vers elle de façon très diverse. L’accès est facile et gratuit.
Nous effectuons d’abord une analyse globale de la situation : l’état de santé de la personne et ses plaintes, les menaces éventuelles qui pèsent sur son maintien dans l’emploi, les démarches possibles pour résoudre la situation. Nous apportons une information sur les acteurs et outils existants ; nous analysons avec la personne les solutions possibles et la conseillons sur les démarches à conduire. Un soutien psychologique est mis en place, chaque fois que nécessaire, articulé à cet accompagnement.
L’expérience de la cellule d’appui qui existe depuis 10 ans maintenant et qui a déjà pris en charge des milliers de cas particuliers a permis de nourrir une réflexion sur les questions soulevées par ces situations, en particulier en organisant des débats ouverts à tous les acteurs. Très vite au cours de cette réflexion, la nécessité d’aider ceux qui peuvent agir en prévention sur le terrain nous est apparue comme la priorité majeure.
Depuis 2007 l’équipe a décidé d’orienter également son action vers un soutien à l’intervention des représentants du personnel et des organisations syndicales. Nous aidons à mettre en place, à partir des situations des salariés qui s’adressent à nous, des actions collectives correctives et préventives. Nous recevons plusieurs salariés, avec leur(s) représentant(s) pour les aider à analyser la situation à laquelle ils sont confrontés, leur donner l’information utile (document unique d’évaluation des risques, alerte, expertise…), les mettre en relation éventuellement avec des personnes ressources.
Notre objectif est d’agir pour favoriser, autant que faire se peut, l’action collective dans les entreprises, aider les instances (délégués du personnel, CHSCT) à remplir leur rôle et développer au maximum la prévention.
Cette position volontariste s’inscrit contre la tendance forte à individualiser les situations via la médicalisation très importante, et l’orientation vers une judiciarisation, très aléatoire…
La cellule d’appui à la prévention des risques psychosciaux participe activement au groupe régional animé par la Direccte d’Ile de France sur ce thème.
Dans le domaine de la souffrance au travail, les réponses ne sont pas à la hauteur des enjeux, alors que les conséquences sur la santé des salariés et leur insertion professionnelle sont graves et que le développement de ces troubles contribue à la dégradation des conditions de travail.