Cahier de l’entrée Soigner /Prévenir
Ce texte a été écrit par des participants lors d’un rencontre dans le cadre de la Semaine d’Information Santé mentale (SISM) organisé par l’UNAFAM 91 et le CCAS - Morsang-sur-Orge 16/03/2011
Le contexte
Depuis plusieurs années, en défrayant la chronique, en effrayant le grand public, le personnage médiatique du « fou dangereux » s’est réactualisé alors que cinquante ans de lutte contre la ségrégation par la mise en place du secteur psychiatrique et de différentes structures associatives (sociales et médico-sociales) avaient permis d’aller à rebours de tels préjugés.
Si le département de l’Essonne a été pilote dans ce domaine avec des psychiatres comme Tony Lainé, Lucien Bonnafé, Philippe Rappard, des structures comme l’Association des Lieux de Vie Essonniens (ALVE), Communauté jeunesse, l’APAJH 91 etc., il nous appartient de s’appuyer sur cet héritage pour créer les conditions d’une hospitalité aux personnes en grandes souffrance ainsi qu’à leurs proches.
Il nous paraît indispensable, pour aller à rebours des idées reçues, de récuser tous ensemble l’option sécuritaire de ces dernières années, amalgamant maladie mentale et dangerosité. Nous rappelons également que, loin des préjugés de « dangerosité présumée » des malades mentaux, ces derniers en traversant d’innommables souffrances se voient de plus en plus exclus de la société contemporaine et de ses normes, ce qui se traduit au quotidien par l’abandon, l’errance et de nombreux suicides. Par ailleurs, en assignant le malade mental, à cette seule caractéristique, la société ne prend pas en comptes les avancées de civilisation qu’ont permises certaines personnes réputées folles dans tous les domaines de l’humanité (qu’il s’agisse des arts, des sciences, etc.).
En janvier 2009, suite au discours du président de la République, alors que soixante dix millions d’euros ont été débloqués en urgence (c’est-à-dire l’équivalent d’une année de fonctionnement pour l’ensemble des structures associées à l’ESP Barthélémy Durand) pour « sécuriser les hôpitaux psychiatriques », pour grillager les pavillons, construire des chambres d’isolement et autres unités pour malades difficiles, aucun moyen n’a été alloué pour recruter des personnels à même de soigner et prendre soin des patients et de leurs proches.
Ceci atteste de l’accent mis sur l’intervention de court terme, de l’immédiat alors même que le travail avec la personne en souffrance requiert temps, patience et respect.
Que penser d’une société qui, d’un côté alloue de moins en moins d’argent pour prendre soin et accompagner les personnes en souffrance, et qui de l’autre côté dépense des dizaines de millions d’euros pour se protéger de ces mêmes personnes ?
Ainsi, cette conception manichéenne, univoque, techniciste et instrumentale de la psychiatrie ne nous semble pas répondre aux besoins de terrain comme par exemple des structures accueillantes pour la souffrance psychique et de personnel qualifié en nombre suffisant. C’est une mauvaise réponse à des problèmes réels en termes de soins et d’accompagnement des personnes en difficultés psychiques.
Au niveau national
L’insuffisance de moyens tant humains que financiers, en organisant la pénurie des ressources pour prendre soin des personnes en grande souffrance psychique, ne peut que se résoudre par le retour de dispositifs d’enfermement et de contrôle, aux grès des faits divers tragiques, conséquences de la paupérisation des équipes de soins, du dispositif social et médico-social. La logique de pénurie, qui a pour conséquence le traitement unique de la crise, délaisse de plus en plus le rôle de prévention et de l’accompagnement qui ont pourtant montré leur efficacité dans le passé.
Les demandes des familles et des proches qui sont concernés au quotidien par la désaffection des équipes de psychiatrie pourraient se résoudre par une disponibilité plus grande des équipes de secteur pour faire des visites à domiciles, recevoir en urgence les situations difficiles, à condition que des moyens pour recruter des personnels formés soient alloués à la psychiatrie publique, psychiatrie en déshérence depuis de nombreuses années.
Dans ce cadre, comment comprendre la réduction prochaine des financements alloués par l’ARS aux groupes d’entraides mutuelles (GEM). Ces structures, comme le Café Curieux à Morsang sur Orge, sont des lieux de rencontre, de mixité, d’expression et de reconnaissance indispensables pour fabriquer du lien social autour de personnes s’isolant des autres du fait de leur maladie. Leur pérennisation et leur développement est indispensable, tout comme les partenariats entre les GEM et les acteurs institutionnels et associatifs qui se sont tissés depuis 2005
Ainsi, il y a des choix politiques clairs à faire, au niveau national quant à l’accueil de la folie dans notre société et des moyens qui sont attribués (« des Hommes plutôt que des murs »). Pour autant, les acteurs de terrain, en travaillant ensemble, sont le plus à même d’organiser un réseau de soins et d’accompagnement de manière efficiente.
Les orientations politiques et la réduction des moyens mettent les dispositifs de santé mentale en grand danger.