Les conseilleurs peuvent être aussi les payeurs : les CIGALES

Cahier de l’entrée Financer / épargner 

Argumentaire

Je voudrais être consom’acteur de produits et services respectant l’homme et l’environnement mais ne les trouve pas à proximité de chez moi,

Je connais des porteurs de projets innovants et répondant à mes critères de choix mais ils ne trouvent pas de financement auprès des banques parce que leur projet est trop risqué et/ou insuffisamment rentable ; ces institutions ne voient que la rentabilité financière à court terme sans s’intéresser à la performance globale de l’entreprise jugée en terme d’utilité sociétale et écologique à moyen et long terme,

Je voudrais pouvoir les aider mais, seul, mes moyens financiers et mes compétences sont trop faibles pour leur être d’une réelle utilité…

Comment sensibiliser d’autres acteurs

En les invitant à venir participer à l’une ou l’autre des réunions de club.

Conditions du développement

Conditions de développement des coopératives de capital patient :

A propos de la gestion du risque et du rôle de la collectivité publique

1 - Remarque préliminaire : Les entreprises soutenues financièrement par ces coopératives produisent des biens et des services vendus sur le marché, donc éventuellement en concurrence avec les entreprises qui ne se réclament pas de l’économie sociale et solidaire, même si leurs interventions se situent dans des secteurs ou sur des territoires délaissés par les entreprises « purement » commerciales parce que la rentabilité financière n’est pas assurée et reste de toutes façons faible…

Leur terrain d’action n’est donc pas protégé. C’est bien là le défi : comment « investir autrement », de façon viable et pérenne, dans une économie ouverte sur un marché dominé, et souvent faussé, par des acteurs puissants de l’économie toujours prêts à externaliser les coûts des dommages qu’ils provoquent dans le tissu social et environnemental ?

2- Les coopératives ne se situent pas en concurrentes des banques, puisque leur « métier » n’est pas de faire des prêts aux entreprises, mais de leur apporter des fonds propres, capital et Compte courant d’associé. Les entreprises financées utilisent par ailleurs nécessairement des services bancaires (compte bancaire, prêt, autorisation de découvert…) en essayant de trouver le meilleur rapport qualité/prix (ce ne sont pas toujours les établissements se revendiquant de l’économie sociale et solidaire qui le leur fournissent !). La comparaison devra donc se faire avec les sociétés de capital risque (« private equity ») du secteur libéral.

3 – La comparaison avec le secteur du capital risque classique porte sur la motivation et la gestion du risque.

Motivation : le capital « patient » n’est pas investi en vue d’une accumulation ultérieure mais est conçu comme étant au service du travail qui seul est créateur de richesses. Il intervient donc dès la création de l’entreprise comme une véritable avance de trésorerie, récupérable lorsque l’entreprise aura trouvé son rythme de croisière. Toute entreprise économiquement « viable » est éligible – à condition qu’elle réponde à un réel besoin non satisfait – même si sa rentabilité financière ne dépasse pas le taux du livret A.

La gestion du risque est donc la question technique centrale de l’activité financière en ESS.

Les sociétés de capital risque classiques ne s’intéressent qu’aux entreprises promettant des rentabilités exorbitantes excluant les acteurs de l’ESS dont les caractéristiques principales sont :

  • un traitement interne des problématiques sociales et environnementales,

  • une faible profitabilité, y compris pour les « succes story », tout en n’étant pas à l’abri d’un risque d’échec non négligeable.

Ces caractéristiques permettent difficilement de compenser les pertes (statistiquement certaines à un niveau variable) par les plus-values financières de la part des entreprises pérennes.

4 – Etant donnée la réalité de l’économie de marché, où les opérateurs financiers font payer très cher la prise de risque, le modèle que proposent les coopératives de capital patient n’est viable que si quatre conditions sont réunies :

que les citoyens-épargnants acceptent le risque sans demander en retour une rémunération à hauteur de ce que le marché libéral propose,

que la gestion de la structure soit assurée par des professionnels entourés d’un réseau de bénévoles (les CIGALES y tenant un rôle essentiel, Tech-Dev pour le Fonds Afrique de Garrigue)

que le risque inhérent à l’asymétrie de l’information soit minimisé par l’existence de réseaux sociaux proches du terrain, pérennes et efficaces,

que la collectivité publique reconnaisse l’utilité sociale du modèle et l’encourage par des modalités appropriées, garanties et déductions fiscales, pour atténuer la prise de risque.

C’est un pari sur l’avenir qui requiert la participation de toutes les parties prenantes privées et publiques, de la société, postulant l’éclosion dans l’économie de pratiques vertueuses qui tiennent compte des enjeux sociaux et écologiques vitaux du XXIème siècle.

Dans ces conditions, un « changement d’échelle » est nécessaire et possible en combinant ces deux moyens d’apports en fonds propres aux entreprises de l’ESS. Il faudrait d’ailleurs ne pas trop s’emballer et s’interroger pour savoir si une bonne partie des problèmes actuels ne viendraient pas justement du fait que les entreprises et les institutions qui dominent le monde ne sont plus à l’échelle de l’homme. A quoi nous servirait-il alors de les rejoindre dans la catégorie de l’inhumain !?

« les moyens puissants sont oppressifs,

les moyens faibles sont inopérants… ! » Simone Weil, 1934

La question de notre mode de croissance mérite donc d’être posée : comment changer d’échelle en restant de taille humaine ?

Un début de réponse consiste à lier davantage le développement des CIGALES avec celui d’une société de capital patient (SCP) solidaire du type Garrigue (coopérative nationale) ou Autonomie et Solidarité (coopérative régionale).

Pourquoi les SCP solidaires ont-elles besoins des CIGALES ?

Le modèle économique rejoint ici les principes éthiques :

Pour ce qui est des principes : l’investissement solidaire en proximité tient sa légitimité dans la ré appropriation par le citoyen de l’utilisation de son épargne ; cela suppose une implication personnelle et une proximité, réalisées pleinement dans la CIGALES.

Quant au modèle économique et son équilibre financier : le capital risque solidaire se caractérise par l’attention portée aux entreprises à faible « lucrativité ». Ses ressources financières propres, dégagées par les plus values éventuelles, ne suffisent donc pas à assurer un fonctionnement qui reposerait uniquement sur des forces de travail salariées. L’équilibre n’est acquis que par une forte implication bénévole, assurée par les cigaliers. C’est d’ailleurs ce travail bénévole qui garantit le caractère « solidaire » de l’action.

Pourquoi les CIGALES ont-elles besoin d’une SCP associée (par ex. Garrigue ou A&S) ?

L’activité bénévole qui caractérise les CIGALES trouve ses limites si l’on veut que le mouvement pèse réellement sur l’économie d’un territoire. Une structure pérenne et ouverte à un deuxième cercle d’épargnants moins impliqués permet :

des apports financiers plus importants aux entreprises (en insuffisance chronique de fonds propres),

un accompagnement technique spécifique – par filière, au delà de la nécessaire proximité – que peut apporter la mutualisation des ressources et des expériences,

des ressources financières propres et une trésorerie positive donnant au mouvement une plus grande indépendance vis à vis des soutiens éventuels publics et privés extérieurs.

L’avenir consiste donc à regrouper davantage de citoyens et de moyens financiers tout en conservant cette capacité de mise en relation de proximité entre épargnants et entrepreneurs et de prise de risque partagée qui caractérise notre action.

Une fois cette commune destinée reconnue, il faut trouver la meilleure façon de la mettre en oeuvre.

L’enjeu dépasse le seul avenir du mouvement des investisseurs solidaires de proximité. C’est un enjeu général d’organisation démocratique. Dans cette société du XXIème siècle, et spécialement dans le domaine financier, est-il possible d’imaginer des formes d’action efficientes qui respectent la liberté de l’être humain ?

Données chiffrées

Quelques chiffres :

  • 135 clubs actifs (+30 en 2010) regroupant plus de 1700 Bénévoles épargnants investisseurs sur le territoire national.

  • 10 Associations Territoriales (Régions ou Territoires)

  • plus de 600 entreprises financées depuis 1983, dont plus de 150 en Ile-de-France.

Changement d’échelle possible

Un seul problème : constituer le premier noyau du club (3 à 5 personnes) auquel viendra s’adjoindre d’autres membres au cours de la première année de fonctionnement…

La boite à outils – guide du cigalier – est mis à disposition par la Fédération qui propose aussi des formations régulières (soit directement, soit portées par les associations territoriales quand elles existent)

Facteurs de succès

« si les CIGALES n’existaient pas, il faudrait les inventer ! » Lorsqu’un nouvel interlocuteur découvre le concept, il le trouve génial… il n’a que des vertus, est accessible à tout citoyen conscient, et, agissant sur un créneau qu’aucune institution n’occupe, il ne fait concurrence à aucune d’entre elle.

Caractères vertueux reconnus :

La réussite d’une entreprise repose avant toute chose sur la qualité des personnes qui la portent, la qualité des relations entre ces personnes et leur environnement socio-économique : clients, fournisseurs, banquiers, comptables, éventuellement juristes…, qui seront des acteurs déterminants dans l’aventure.

Parmi ces différents acteurs, il en est un qui peut tenir une place privilégiée dans la période du démarrage et les premières années de cette vie, c’est l’investisseur solidaire de proximité.

À la fois dans l’entreprise comme associé et à l’extérieur en tant que possédant une identité propre, cet investisseur peut être un médiateur entre l’entreprise et son environnement :

Il apporte le complément de capital nécessaire au bon démarrage, constitue le premier regard confiant dans l’avenir du projet et permet une relation plus équilibrée avec la banque.

Il fait bénéficier l’entreprise d’un « effet levier » souvent décisif : fort de la confiance de ce premier associé extérieur, il est plus facile au néo-entrepreneur d’en trouver d’autres…

Il est un œil extérieur, mais impliqué et bienveillant, hors des rapports de pouvoir, permettant ainsi des conseils pertinents.

Il fait bénéficier l’entreprise de son expérience des entreprises du même domaine d’activité et du réseau dans lequel il est inséré. Avec un club CIGALES, l’entreprise peut bénéficier de compétences spécifiques réunies au sein de ce groupe de bénévoles et du ou des réseaux qui l’entoure(nt).

Il est significatif de constater que, selon les statistiques officielles, la moitié environ des entreprises créées ne franchissent pas le cap des cinq ans, alors que celles qui sont accompagnées par un investisseur de type CIGALES et Garrigue obtiennent plus de 70 % de chance de réussite…

Impacts de l’initiative

En plus de son rôle d’aide à la création d’entreprises inovantes et des nombreux emplois induits (voir chiffres ci-dessus) la CIGALES est aussi un lieu d’échanges et d’auto-formation sur les questions économiques et de développement local. Les investisseurs et porteurs de projet associés font ensemble l’expérience d’une économie qui se veut équitable et soutenable.

L’organisation

Les clubs ont un statut d’indivision volontaire de personnes physiques, les décisions sont prises selon le principe coopératif (une personne, une voix), durée de vie d’un club : 5 ans en cycle investissement (collecte régulière d’argent, étude de projets, décisions d’investissement et suivi des entreprises « cigalées ») et 5 ans en gestion (suivi des entreprises cigalées, où le Club reste associé entre 5 et 6 ans, jusqu’à la sortie du dernier investissement) avant la dissolution de la CIGALES.

La participation d’une Cigales dans une entreprise est toujours inférieure à la minorité de blocage, afin de n’avoir pas de responsabilité de gestion dans celle-ci.

Là où le nombre de clubs le permet, ils se regroupent en Associations territoriales (le plus souvent régionales). L’ensemble des clubs forme mouvement au sein de la Fédération qui en assure la promotion. Ces structures sont présentes dès le début de la création du club et l’accompagnent tout au long de sa vie en particulier pour la formation de ses membres, mais chaque club reste autonome dans son organisation interne et dans le choix de ses investissements - dans le respect de la Charte des CIGALES et des statuts-types proposés par la Fédération.

La structure, porteuse de l’initiative

Association des CIGALES d’Ile de France (voir plus haut)

Le modèle financier

Capital « patient » considéré comme avance de trésorerie nécessaire au démarrage de l’entreprise.

Les acteurs (Qui ?)

Un club CIGALES est un groupement de personnes qui souhaitent maîtriser l’usage d’une partie de leurs propres économies afin d’aider à la création et au développement de petites entreprises locales et collectives (SA, SARL, SCOP, SCIC, voire association loi 1901, etc.).

Concrètement, il s’agit de 5 à 20 personnes s’engageant à épargner mensuellement une somme d’argent, 30 € par mois en moyenne actuellement. Le capital ainsi constitué est investi dans des entreprises présentant au regard des membres du club un caractère d’utilité sociétale, la plupart du temps au stade de leur création. Les « cigaliers » apportent de plus, dans la mesure de leurs compétences et de leur disponibilité, un accompagnement humain et technique à l’entrepreneur.

Les jeunes

Les jeunes de moins de 35 ans représentent actuellement environ le tiers des cigaliers et de plus en plus de jeunes diplomés se lancent dans l’entreprenariat sans pouvoir obtenir de prêt bancaire faute d’expérience à faire valoir. La confiance des cigaliers leur est d’un secours inestimable.

Les partenaires

Les limites de l’épargne « cigalière » sont le caractère éphémère du groupe d’épargnants et la modestie de ses apports financiers (tout en constituant néanmoins un excellent « levier » pour des apports complémentaires). C’est pourquoi, pour répondre à des besoins plus importants, se sont créées des structures pérennes de « capital patient », sous forme de coopératives d’épargnants d’accès plus facile qu’un club Cigales, telles que Garrigue sur la plan national, Autonomie et solidarité dans la Région Nord-Pas-de-Calais et IéS en Midi-Pyrénées. Ce sont les partenaires naturels des CIGALES, intervenant comme elles en fonds propres, en intermédiaire entre épargnant et entrepreneur mais avec des moyens financiers plus importants.

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GARRIGUE

Garrigue est une société coopérative à capital variable créée en 1985 par les « inventeurs » des CIGALES pour compléter la capitalisation d’entreprises à forte plus-value sociale.

Son capital s’élève à 4 130 000 euros (02/2011).

C’est grâce à l’épargne de ses 830 sociétaires qui recherchent une affectation utile de leur épargne, que Garrigue investit, encourageant ainsi une pratique citoyenne de l’économie.

Il s’agit là d’une spécificité importante par rapport à d’autres sociétés d’investissements de l’économie sociale et solidaire qui utilisent des fonds publics ou privés institutionnels.

Le fonctionnement

Un directoire, composé de cinq membres (dont 3 encore en activité professionnelle), décide des investissements à réaliser. Les choix se font en accord avec un conseil de surveillance, qui compte parmi ses membres des réseaux de l’économie alternative (Nef, CIGALES, etc.). Les sommes placées dans le capital des entreprises (SARL, SA ou Scop + sociétés coopératives d’intérêt collectif (S.C.I.C.)) varient de 7500 à 30000 euros (voire davantage dans le cas d’entreprises en développement). En général, les investissements ne dépassent pas 33 % du capital de l’entreprise. Le placement se fait pour une durée minimale de cinq ans. Garrigue intervient aussi en compte courant d’associé.

Garrigue a l’agrément interministériel « Entreprise Solidaire » (au sens de l’article L.443-3-1 du Code du travail ) et entre dans le champs restreint des sociétés susceptibles de recevoir des fonds issus de produits d’épargne salariale

La coopérative mène une politique de régionalisation de son activité qui s’est concrétisée en 2003 par la mise en œuvre d’une section régionale en Ile de France, puis en Bretagne, à La Réunion et en Rhône-Alpes.

De plus, une section « Fonds Afrique » a été créée en 2006, en partenariat avec l’association TECH-DEV, pour investir dans des petites entreprises d’Afrique francophone afin qu’elles puissent se développer sur des marchés locaux et régionaux.

Les principes éthiques

Les entreprises choisies par Garrigue ont en commun d’être innovantes socialement et écologiquement. Les épargnants coopérateurs souhaitent donner la priorité à des entreprises ayant leur activité dans des territoires délaissés par les investisseurs classiques. Les placements de proximité sont privilégiés, en particulier ceux qui sont déjà soutenu par un club d’investisseurs local (CIGALES). D’une manière générale, trois critères président aux investissements de Garrigue : l’utilité sociétale, le respect de l’être humain et de son environnement et un fonctionnement favorisant les relations démocratiques dans l’entreprise.

Depuis 25 ans, Garrigue a contribué avec les CIGALES à montrer la voie d’un développement soutenable en participant à la création des premières entreprises en France dans leur domaine : développement écologique de territoires délaissés (Ardelaine, 1985), énergies renouvelables (Atout vent, 1987), commerce équitable (Andines, 1987), insertion (la Table de Cana, 1988), commerce et restauration bio (Nouveaux Robinson 1993), voiture partagée (Auto Partage Provence, 2004), coopérative d’activités et d’emplois (Oxalis, 2004), habitat écologique (Tierr Habitat, 2005)…

L’affectation actuelle de l’argent

La coopérative a aujourd’hui stabilisé ses interventions dans 98 entreprises (février 2011).

Elle donne le choix à ses souscripteurs entre six domaines d’investissement :

Produits Bio et éco-Produits (19%)

Energie et environnement (19%)

Commerce équitable (23%)

Développement local et lutte contre les exclusions (32%)

Petites entreprises africaines (7%)

Mode d’emploi : La valeur de la part est de 77 euros. Le souscripteur peut en acheter autant qu’il le souhaite à tout moment en téléchargeant le bulletin de souscription sur le site www.garrigue.net.

Il peut aussi déduire 22% du montant souscrit de son impôt sur les revenus de l’année de souscription (50 % sur l’ISF) à condition de ne pas revendre ses parts avant dix années.

Garrigue, 61, rue Victor-Hugo, 93500 Pantin,

tél./fax: 01 48 44 74 03, mel : contact@garrigue.net, site : www.garrigue.net.

Témoignage : Domitille Flichy, gérante de Farinez’Vous

Pain chaud, commerce de proximité, tremplin professionnel, baguette aux graines, consommation responsable, pain au chocolat, dynamisme… Quelques mots pour tenter de dessiner les contours d’une boulangerie pas tout à fait comme les autres : Farinez’Vous !

Domitille Flichy, à l’origine de ce projet ambitieux, commence par nous expliquer comment elle en est un jour venue à cette idée de boulangerie. « Je travaillais dans le public, notamment sur des thématiques du retour à l’emploi, et j’étais amenée à me charger de dispositifs pour le financement de structures d’insertion par l’activité économique. J’ai pu vraiment me familiariser avec ce secteur et j’ai été convaincue du fait que l’emploi était un bon outil pour accompagner des personnes en difficultés. J’avais donc développé des compétences pour mener à bien un projet d’insertion par l’activité économique et j’avais l’envie de créer un nouveau support d’insertion - il me semblait qu’il y avait un manque de diversité à ce niveau là - qui puisse être valorisant et socialisant pour les personnes, ce que l’activité de boulangerie m’a parue être. »

La boulangerie Farinez’Vous existe maintenant depuis un peu plus d’un an, avec huit personnes pour la faire tourner dont quatre personnes en insertion. C’est la première boulangerie d’insertion en France. Un certain nombre de financeurs ont suivi le projet, la région Ile-de-France, la Mairie de Paris, et quatre fondations. Du côté des financeurs solidaires, trois CIGALES (Les Jeunes Pousses, Pacha Mama et Vents de Bièvre), Garrigue, La Nef et Paris Initiative Entreprise se sont engagés.

Un beau tour de table financier. On finit par interroger Domitille sur un petit détail : « N’y a-t-il donc pas de banques classiques dans ce projet ? Est-ce un choix délibéré ou alors n’ont-elles pas voulu suivre ? » La réponse se trouve dans la question, elles ont préféré ne pas suivre : « Ce projet leur semblait trop risqué, pas assez réaliste, je ne suis pas boulangère de formation, j’avais peu d’apports personnels, l’insertion par l’activité économique ne leur renvoyait pas forcement une image positive, l’absentéisme, etc. Le puzzle des financements, avec des structures ne s’engageant que si la voisine se lance, les a peut-être aussi freinées. »

Domitille nous expose ensuite ce qui constitue le point commun et la complémentarité des différents financeurs solidaires qui soutiennent Farinez’Vous. « Ce qui les rassemble, pour moi c’est assez clair : l’importance qu’ils attachent au sens des activités qu’ils soutiennent. Ils s’intéressent à des projets qui dans d’autres sphères pourraient être perçues comme idéalistes, ils comprennent ce que cela signifie d’agir pour une économie différente.

Leur complémentarité se manifeste selon moi dans l’accompagnement que chacun apporte à l’entreprise. Du côté Nef et Paris Initiative Entreprise, je retrouve un peu la vision d’une banque, on me demande régulièrement des chiffres. Je fais face à des personnes qui ont une expérience de la vie de l’entreprise et qui me donnent un point de vue d’experts. Concernant Garrigue, j’appelle de temps à autre le permanent pour lui poser des questions pointues d’ordre technique, administratif, etc. Les CIGALES, elles m’apportent un accompagnement très concret, du recul, des critiques constructives que des associés, comme mes parents, ne pourraient peut être pas oser faire. Je n’ai pas un apport important des CIGALES mais ce à quoi j’attache du coup de l’importance c’est le fait de ne pas être seule, d’être dans un collectif, de pouvoir faire part des questions qui me turlupinent. »

Alors envie d’un bon petit pain? Vous savez peut-être maintenant où en trouver un qui ait du sens !

[Propos recueillis pour la Feuille des CIGALES

par Judith Schneider, permanente à l’association régionale des CIGALES d’Ile-de-France]

En plus de Garrigue et des coopératives régionales de même statut, tous les membres de Finansol sont des partenaires potentiels apportant prêts et garanties aux entreprises de l’ESS.

Une place particulière revient à la NEF, parce qu’elle a été fondée spécifiquement pour les mêmes entreprises que les CIGALES et Garrigue. Le Crédit Coopératif s’intéresse aussi de près à ces entreprises.

Enfin OSEO-SOFARIS est un partenaire institutionnel important pour Garrigue car il permet de garantir jusqu’à 70% des fonds propres investis.

Message à l’opinion

La finance est trop importante pour que vous la laissiez exclusivement aux mains des financiers professionnels ; des solutions existent sur votre territoire,

si vous vous regroupez avec d’autres citoyens proches de vous. Si vous ne vous prenez pas en main pour agir aujourd’hui, il ne faudra pas venir pleurer demain !

Message aux décideurs

Ne gardez pas tout le pouvoir pour vous ; faites confiance et soutenez l’action des entrepreneurs de bonne volonté groupés en coopératives et associations, sans eux le monde va à sa perte et la planète à sa destruction !

L’épargne et l’action bénévoles sont des leviers irremplaçables pour faire émerger de nouvelles entreprises qui feront la richesse de demain,

la pleine reconnaissance de ce fait et un petit coup de pouce approprié pour l’accompagner donnera des résultats qu’aucune institution dotée de moyens financiers équivalents ne peut atteindre !

Message à ceux qui font l’ESS

Persévérez dans vos pratiques,

avec discernement et courage,

en améliorant vos capacités à coopérer,

les générations à venir vous reconnaîtront comme précurseurs !

Proposition pour influencer les décideurs

voir le message ci-dessous

Propositions pour convaincre l’opinion

Faire passer des témoignages dans les médias…

Présentation de l’initiative (Quoi ?)

Il est possible d’agir avec notre propre capacité d’épargnant,

en nous regroupant dans des Clubs d’Investisseurs pour une Gestion Alternative et Locale de l’Epargne Solidaire (CIGALES) et dans une coopérative de mutualisation du risque telle que GARRIGUE ; ces deux formes d’action collective (sous l’appellation ISP : Investisseurs solidaires de proximité) constituent deux moyens de financement en fonds propres des entreprises alternatives et solidaires.

Quelles alliances positives ?

Potentiellement tout autre membre de Finansol.

Ressources, financements et moyens utilisés

Le fonctionnement de chacune des Cigales est entièrement bénévole, sans aide financière extérieure et les sommes investies sont issues de la propre épargne des membres.

Seules les associations régionales ont une structure d’association loi 1901, avec un budget financé par les cotisations des membres, complétées par des subventions de collectivités territoriales (Ville de Paris et emplois tramplins en Ile de France)

Synthèse de mon indignation en une seule phrase

On veut me faire croire que les problèmes des habitants de la planète seront résolus par des groupes d’experts technologiques et financiers et je constate une augmentation du nombre et de l’intensité des crises sociales et écologiques partout dans le monde du fait notamment de l’opacité et du déficit démocratique des mécanismes économiques et financiers !

Témoignages

Gérante d’une jeune entreprise, Planète Sésame 92

Mélanie Cataldo est la créatrice, en mai 2009, et gérante de Planète Sésame 92, traiteur solidaire « cuisine du monde » en utilisant des produits bio, halal, et issus du commerce équitable avec trois modes de distribution :

  • Vente à emporter à partir d’un camion « boutique traiteur » tous les midis dans une zone de bureaux à Nanterre à une centaine de salariés.

  • Livraison via un scooter de sandwichs, de salades, de plats chauds à des salariés d’entreprises de Nanterre et ses alentours à partir d’un site internet.

  • Organisation de réceptions : cocktails, plateaux repas, buffets

Outre ses activité principales, mise en place de cours de cuisine ouverts à tous afin de pallier la période creuse et pouvoir salarier ses employés, Fatima, Mariama, Luximée, Eric et Bellaid … Toute une équipe qui travaille de tout cœur à la réussite du projet !

Mélanie « J’ai beaucoup apprécié l’apport des cigaliers en terme de réflexions et d’encouragements, à un moment où j’étais sous pression (y compris courant après le temps) pour finaliser mon projet […] les accords de financement des diverses CIGALES qui ont investi (5, pour au total 6 700 euros sont arrivés très vite […] je suis prête à devenir cigalière si une CIGALES se monte sur Nanterre, et même à proposer mon entreprise comme lieu de réunion… ».

[Propos recueillis par Judith Schneider, permanente à l’AR CIGALES IDF]

Une cigalière : Christiane D., cigalière de Duroc (Paris XV°)

Quand on parle de la CIGALES Duroc, on en vient vite à parler de … la CIGALES Concorde. En effet, à la fin des 5 années légales de bons et loyaux services du club Concorde, ses membres ont fait le choix, en 2008, de se réunir à nouveau au sein d’une nouvelle CIGALES, Duroc. Concorde a d’ailleurs fait « un autre petit » en donnant lieu, par essaimage, à la naissance d’un autre club, Adanson Maintenant.

Christiane, déjà membre de Concorde dès sa création en 2003, nous raconte :

« la composition de Duroc s’est équilibrée, puisque les 12 anciens de Concorde ont été rejoints par 8 nouveaux membres, et que, avec 9 hommes et 11 femmes, et des âges compris entre 25 et 70 ans, la mixité est réelle au sein du club. »

« Chacun des membres de Duroc a eu l’occasion, par sa vie actuelle présente ou passée, de connaître le monde du travail. Par conséquent, même les personnes n’ayant pas été expertes en finances peuvent apprécier l’intérêt d’un projet et diagnostiquer les qualités humaines de son porteur ».

« Les membres de la CIGALES tentent de choisir des projets respectueux de l’environnement, prenant en compte la dimension sociale, et créant des emplois, si possible via l’insertion professionnelle. Après avoir investi dans des projets à dimension industrielle du temps de Concorde, la CIGALES Duroc s’orientera probablement vers des projets culturels dans les prochaines années de son existence. »

« Sur les 12 projets dans lesquels Concorde a investi, 9 sont toujours en activité et bénéficient actuellement du suivi attentif des membres du club Duroc. Pour assurer un accompagnement de qualité aux porteurs de projet, des parrains sont choisis pour le suivi régulier de chaque projet. La seule limite réelle à ce suivi est la localisation car lorsque les locaux sont très éloignés il est plus difficile pour les parrains de s’y rendre régulièrement. »

Christiane nous explique que le choix de telle ou telle personne pour devenir marraine ou parrain d’un projet repose principalement sur l’intérêt de la personne pour le projet et le secteur d’activité concerné, afin de favoriser une réelle implication personnelle du parrain dans le suivi du projet.

“C’est très intéressant, grâce aux projets, de continuer à avoir un regard sur le monde, même lorsqu’on est comme moi à la retraite” ajoute Christiane.

Christiane conclut en insistant sur la sympathie et la convivialité qu’elle a trouvées en rejoignant les CIGALES. De plus, la solidarité et l’économie sociale, qui sont au cœur des activités des CIGALES, permettent, selon elle, de “découvrir d’autres univers”, de sortir de son secteur d’activité habituel, et de faire de belles rencontres.

[Propos recueillis par Judith Schneider, permanente à l’AR CIGALES IDF]