Cahier de l’entrée Soigner /Prévenir
La situation de déficit elle-même nous indigne. Si le déficit de la Sécu était de 24,1 Milliards d’euros en 2009, celui-ci est à relativiser au regard du déficit de l’Etat qui est de 144,8 Mds € (en 2009). De même, la dette de la Sécurité Sociale représente 10 % de la dette publique totale.
Pour autant, cette situation ne nous convient pas : le déficit est renvoyé sur la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), qui étale le remboursement jusqu’en 2025. Autrement dit, nos dépenses d’aujourd’hui seront remboursées en 2025.
Nous n’acceptons pas la remise en cause permanente des cotisations des entreprises pour la Sécurité Sociale. La participation des entreprises n’a cessée de se réduire. Leur part a diminué de 17 points entre 1983 et 2009 (ce qui représente 50 Mds € pour la seule année 2009, soit 2 fois le déficit !). Aujourd’hui, les entreprises contribuent désormais moins que les ménages au financement du régime général de Sécurité Sociale, alors que le niveau de charges en France est dans la moyenne européenne. Les exonérations de cotisations sociales et les exemptions d’assiette représentent 12 Mds € rien que sur l’année 2010, soit la moitié du déficit !
En parallèle, nous nous indignons du transfert sur les ménages : de nouvelles taxes sont ajoutées régulièrement. Aujourd’hui, 9,5 % des cotisations versées par les ménages aux organismes complémentaires servent à financer la Sécurité Sociale ! Et ce taux risque de passer à 13 % !
Le projet de « TVA sociale » est encore un transfert sur les ménages, et doit servir à réduire les cotisations employeurs. Cette nouvelle proposition parachèverait le transfert sur les ménages de manière inégalitaire.
Un des derniers maillons du pacte républicain vole en éclat. C’est une question de protection sociale pour tous. Les générations actuelles effectuent des dépenses impossibles et nous faisons porter sur les générations futures les remboursements. On remet en cause des droits universels. Les raisons de cette situation nous indigent : depuis 25 ans, les salaires ont été contenus et les dividendes ont augmenté. Pourquoi n’arriverions-nous pas à inverser les choses ?
Déficit public total (2009)= 144,8 Mds €, dont 24,1 Mds € pour les Administrations de la Sécurité Sociale
Dette transférée à la CADES (Caisse d’amortissement de la dette sociale) : de 1996 à 2009 = 134,5 Mds €, de 2009 à 2011 = 68 Mds €, prévisionnel de 2011 à 2018 = 62 Mds €
Le coût annuel du travail pour un célibataire rémunéré au salaire moyen 2009, est, en France, inférieur à celui de l’Allemagne, des Pays-Bas, du Danemark, de l’Autriche, de la Belgique, du Luxembourg, de la Suisse. Les 3 pays où ce coût du travail est le plus faible sont : la Grèce, l’Espagne, le Portugal.
Les exonérations de cotisations sociales représentent 32,1 Mds €en 2010 (32,3 Mds € en 2009) dont 3,1 Mds € non compensés par l’Etat à la Sécurité Sociale (3 Mds € en 2009).
Les exemptions d’assiette ont représenté en 2010 une perte potentielle de recettes évaluée à 8,9 Mds € par la DSS (estimation plus élevée de la Cour des comptes avec une méthodologie différente).
Les dividendes distribués aux propriétaires du capital, dont la part dans l’excédent brut d’exploitation, est passée de 12,5 % en 1980 à 25,6 % en 2007, soit 8 % de la VA totale.
Nos propositions en 4 points consistent à revenir ou rester au financement solidaire de l’Assurance Maladie :
1. Limiter les exonérations de cotisations sociales et les exemptions d’assiette
Les dispositifs d’exonération de cotisations sociales existants (une cinquantaine) doivent être réformés dans un sens plus sélectif et moins coûteux pour les finances publiques. L’efficacité sur l’emploi est incertaine. Certains dispositifs peuvent être des trappes à bas salaires. Il y a également des effets d’aubaine pour des activités non soumises à la concurrence internationale. Enfin, quel sens ont les exonérations des heures supplémentaires dans le contexte de crise ?
Les principales exemptions d’assiette ont un taux d’évolution annuel nettement supérieur à celui de la masse salariale. Les dispositifs correspondants participent de la politique de rémunération des entreprises (épargne salariale, retraite supplémentaire et prévoyance complémentaire…).
Certains bénéficient à un nombre limité de personnes (stock-options, retraite chapeau…).
Ces exemptions doivent être réduites ou prévoir des contreparties supplémentaires (contrats collectifs obligatoires en santé : contreparties en termes de solidarité et de régulation des dépenses de santé).
2. Élargir l’assiette des cotisations patronales à d’autres éléments de la valeur ajoutée que les salaires
La valeur ajoutée (valeur de la production diminuée de la consommation intermédiaire) est répartie entre travail (versements directs ou indirects aux salariés, dont les cotisations sociales) et profits (excédent brut d’exploitation : valeur ajoutée diminuée des rémunérations des salariés et des impôts sur la production, augmentée des subventions d’exploitation).
Le coût du travail n’est qu’un élément parmi d’autres de la compétitivité des entreprises (stabilité macro-économique, infrastructures, qualité du système d’éducation et de la main-d’Ĺ“uvre, capacité d’innovation…).
Il existe des projets visant à élargir l’assiette des cotisations sociales à l’ensemble de la valeur ajoutée ou à certains éléments seulement de celle-ci. Un élément devrait notamment être pris en compte : les dividendes distribués aux propriétaires du capital, dont la part dans l’excédent brut d’exploitation a doublé en 27 ans.
3. Renforcer le caractère progressif de la CSG
La CSG est un impôt cédulaire (taux différenciés selon les catégories de revenus) avec une faible progressivité. Elle pourrait devenir un impôt réellement progressif et donc plus juste et plus solidaire : le taux augmenterait avec les tranches de revenus, quelle que soit leur nature (revenus d’activité, de remplacement (y compris retraites et pensions) du patrimoine, des jeux.
4. Maitriser la dépense totale de santé, et pas uniquement les dépenses de l’assurance maladie
Agir sur les recettes mais aussi les dépenses.
Table citoyenne organisée à Marseille le 20/04/2011
Mutualité Française PACA, CRESS PACA
Partenaires : institutions, administrations publiques
Plus d’infos : www.etatsgenerauxesspaca.org/tables-citoyennes-15.html
Il y a 4 raisons qui expliquent les évolutions des tarifs des complémentaires santé : la première qui peut apparaître logique et les 3 autres illégitimes.
1. L’augmentation du coût de la santé du fait des progrès techniques divers, de l’allongement de la durée de vie… ;
2. Le transfert des charges : la couverture par la Sécurité sociale diminuant régulièrement, ce sont soit la personne, soit les mutuelles et complémentaires qui prennent en charge ces coûts ;
3. L’augmentation des taxes : les taxes sur le chiffre d’affaire des complémentaires sont passées de 1,5 à 10 % : 6,5 % pour financer la CMU et 3,5 % pour financer la Sécurité sociale
4. Les exigences de fond propres ne cessent d’augmenter. Les complémentaires doivent avoir des résultats positifs pour pouvoir constituer des fonds propres. On est passé, depuis 2002, de 10 % des cotisations à mettre en réserves à 20 % puis 40 %.
Des efforts sont demandés aux citoyens, des améliorations sont exigées aux complémentaires santé, mais la question du financement de la solidarité nationale reste cruciale.
Acteurs ESS, intéressez-vous à la santé. C’est une solidarité de premier niveau qui est en jeu.
Si les acteurs de l’économie sociale et solidaire n’ont pas les manettes du financement de la Sécurité Sociale, ils ont, via le mouvement mutualiste, une expérience de la complémentaire santé, et ceux dans un contexte très contraint.
La partie la plus fragile de la population arrive à un point de rupture, et si cela était supportable jusqu’à aujourd’hui c’est qu’il y a un système de solidarité qui garantie pour une partie (mais pas toute la population) le financement des dépenses de soins. Le mouvement mutualiste a su refuser la sélection et la fixation du montant des cotisations en fonction du risque (le questionnaire médical est en particulier interdit).
Le mouvement mutualiste a aussi fait beaucoup pour la maîtrise des dépenses, par le parcours de soins, en se battant pour les génériques, en travaillant sur la prévention, sur les conventionnements avec les professionnels de santé pour limiter les dépassements d’honoraires…
Des acteurs associatifs font un travail de terrain sur la prévention, auprès des jeunes…
Les mutuelles ont aussi l’expérience des services de soins et d’accompagnement mutualiste (SSAM) qui viennent tenter de réguler un peu l’accès aux soins, dans certains endroits…
Et les excédents mutualistes sont réinvestis.
La stratégie de financement de la protection sociale poursuivie par les pouvoirs publics conduit à augmenter les restes à charges, à aggraver les inégalités d’accès aux soins et tend à remettre en cause le caractère universel et solidaire de l’Assurance Maladie Obligatoire.