La solidarité réciproque : un exemple de synergie entre le monde de l’insertion et la solidarité internationale

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Argumentaire

Des acteurs locaux (structures d’insertion par l’activité économique, ONG, Protection Judiciaire, Mission Locale) constatent et s’indignent. De plus en plus de jeunes mineurs et majeurs sont dans la transgression, en rupture susceptible d’être condamnés à l’enfermement sur des courtes peines. D’autre part, des solutions d’enfermement se traduisent par des baisses de crédit sur la « primauté de la prévention » (ordonnance de 45 relatif à la protection de l’enfance) ou la réorientation de crédit, par exemple la construction d’un EPM à Orvault (Etablissement Pénitencier pour Mineurs) et le vote de loi sécuritaire (Peine plancher).

Enfin la mise à distance de ces jeunes par la mise en relation avec une autre culture dans un objectif de solidarité à l’international peut être une solution porteuse pour poser les bases d’un nouveau départ.

Comment sensibiliser d’autres acteurs

Ce projet conjugue l’action d’acteurs privés (association porteuse du projet) et l’action publique (politique publique), c’est la rencontre des deux et la promotion conjointe de ce projet qui peut permettre un réel développement.

Un projet par Région est envisageable, des acteurs privés (associations) sont mobilisés à cette forme de coopération aux besoins réciproques ici et là-bas.

Données chiffrées

Jusqu’à aujourd’hui, 5 chantiers d’échange et de solidarité réciproque ont été conduits, ils ont permis à :

  • 40 jeunes de bénéficier de l’action, 70 à 80% de ces jeunes sont sortie de la récidive

  • Un groupe scolaire pour 400 élèves de primaire a été construit, une école de 150 élèves a été restaurée, un marché d’intérêt économique a été reconstruit qui accueille plus de 100 producteurs et les marchandises.

Changement d’échelle possible

Il est possible si et seulement si les collectivités territoriales et l’état, qui ont en charge les populations des jeunes en rupture, accompagnent ce projet dans la durée (politique et finance) et si et seulement si les acteurs qui portent l’action sont formés avant le départ sur la conception de la réciprocité.

Facteurs de succès

S’attacher à :

  • Construire des partenariats solides ici et là-bas

  • Un requestionnement permanent de notre action en direction des jeunes du pays d’accueil

Impacts de l’initiative

Au niveau de l’insertion :

1) Réadaptation :

  • Reconstruction de jeunes en difficulté basée sur des repères reconnus, acceptés et respectés dans la société française

  • Rétablissement du dialogue et de l’échange avec le monde des adultes

  • Reprise du dialogue avec leurs familles

  • Réhabilitation de leur propre image

  • Engagement d’une démarche d’insertion constructive, non récidive, désintoxication

2) Insertion sociale et/ou professionnelle

  • Repositionnement social

  • Évolution de leur comportement de respect vis-à-vis de la hiérarchie et de l’application des règles au travers de la mise en situation de travail

  • Manifestation d’intérêt pour les métiers du bâtiment comme moyen de se projeter dans l’avenir

  • Sur le plan comportemental, le jeune est capable, en fin d’action :

  • d’identifier son lieu, son heure d’embauche et ses moyens de transports

  • de respecter les horaires de travail

  • d’écouter et de respecter les consignes

  • d’avoir une tenue adéquate

  • de respecter les autres.

  • de respecter les habitudes de fonctionnement de l’entreprise

  • Sur le plan technique, le jeune maîtrise, en fin d’action, les gestes de base du métier

  • Intégration par les jeunes français de la notion « d’obligation de résultats » dans la mesure où le chantier doit impérativement être fini à la fin de séjour

  • Enrichissement intellectuel par l’échange interculturel et le partage avec la population accueillante, dans un cadre de relations égalitaires basées sur la solidarité réciproque

Au niveau de la solidarité internationale :

1) En matière d’évolution socio-économique :

  • Amélioration de la couverture des besoins globaux des habitants de la localité d’intervention

  • Amélioration des conditions de réalisation des activités pédagogiques et/ou économiques et/ou sociales

  • Amélioration des résultats liés au contenu de l’action

2) En matière d’entraide

  • Appropriation par les familles d’accueil de leur rôle éducatif vis-à-vis des jeunes.

  • Création d’une coopération durable avec les institutions du pays d’intervention (Collectivités territoriales, CRS, éducation, justice, ambassade, etc.).

  • Sensibilisation des jeunes et des acteurs locaux aux questions d’environnement et de développement durable.

  • Modification des méthodes de construction et de consommation énergétique par des choix plus économiques et plus écologiques.

  • Valorisation des acteurs économiques locaux.

L’organisation

30 jeunes, un encadrant, des éducateurs et un bénévole

Les jeunes en contrat d’insertion qui ont fait le choix d’expérimenter un nouveau mode de vie, loin de leur continent et de leurs habitudes, ont formalisé ce souhait quelques semaines avant le départ. Puis a commencé la préparation effective, avec les vaccinations, les visites médicales, les passeports, les bagages…jusqu’au jour J.

C’est un moment particulièrement éprouvant pour ces jeunes qui vivent d’habitude au jour le jour, et qui, d’un seul coup, doivent anticiper pour les deux mois à venir.

Les équipes réalisent le chargement du container pour le Bénin (si nécessaire) et sont regroupées, une semaine avant le départ, pour réaliser un chantier commun avec les encadrants du chantier au sud..

Ces quelques jours passés en équipe permettent de faciliter les derniers préparatifs et de travailler sur la cohésion de groupe.

Deux éducateurs et une éducatrice-animatrice accompagnent les jeunes.

Le reste de l’équipe est constitué d’un encadrant d’Accès Réagis, qui est le chef de la mission et d’un bénévole d’Electriciens sans Frontières Pays de la Loire, qui apporte sa compétence en matière de montage de projet et de solidarité internationale et assure en particulier, sur le terrain, la logistique de l’action et les relations avec les partenaires béninois et les élus .

A l’équipe d’encadrement française s’ajoute notre correspondant béninois, ancien responsable de la sécurité béninoise, qui assure notre représentation au Bénin. Son activité professionnelle nous a permis de mettre en place un partenariat avec les CRS du Bénin et ainsi de bénéficier de la mise à disposition de deux jeunes policiers en civil qui assurent le lien entre les jeunes et la population. Cette expérience les enrichit et a été souvent déterminante sur leur évolution professionnelle.

D’autre part l’entreprise Soton, entreprise polyvalente de bâtiment, se charge du pilotage et de l’appui à la construction ainsi que de la mission de formation des jeunes aux métiers.

L’objectif est affiché dès le départ : les équipes, en collaboration avec l’entreprise SOTON, doivent livrer le chantier au bout des six semaines de travaux. Ce challenge est mobilisateur et donne aux jeunes une obligation de résultats qui leur est peu habituelle.

Avec les enseignements tirés des premières actions, l’organisation des chantiers a été optimisée afin que nos salariés puissent plus largement bénéficier des savoir- faire béninois.

Les jeunes sont également immergés dès le premier jour dans des familles d’accueil béninoises pour que le décadrage soit le plus important possible.

La structure, porteuse de l’initiative

Accès Réagis, accueille, dans le cadre des chantiers d’insertion par le travail, des jeunes de moins de 25 ans très éloigné de l’emploi, la formation. Plus de 1500 jeunes ont été accompagnés dans ce parcours d’insertion sociale et professionnelle depuis 1995. Mais l’action d’Accès Réagis connaît ses limites pour 20 à 30 % de ces jeunes très désocialisés qui, malgré une certaine volonté de « s’en sortir », n’arrivent pas à rompre avec leur milieu, ont une image négative d’eux-mêmes, et restent en situation de rupture.

Electriciens sans frontières Pays de la Loire, participe à l’amélioration des conditions de vie des populations des pays africains francophones en développement. Partenaire des collectivités territoriales des Pays de la Loire, elle associe à ses projets, dans la mesure du possible, les structures d’insertion par l’activité économique sur le territoire des Pays de la Loire

Le modèle financier

Ces chantiers doivent pouvoir reposer sur des financements publics et privés, la responsabilité du devenir de ces jeunes sur un territoire repose sur le territoire dans toute ces composantes. Enfin, la présence du bénévolat est aussi à prendre en compte dans le modèle économique. Financement : insertion/prévention (50%), Coopération (50%)

Les acteurs (Qui ?)

Accès Réagis et Electriciens sans frontières Pays de la Loire

Les jeunes

Cette initiative est destinée aux jeunes en rupture.

Les partenaires

La Direction Départementale du Travail et de l’Emploi, le Conseil Régional des Pays de la Loire, le Conseil Général de Loire Atlantique, la Maison des Citoyens du Monde, les Missions Locales du bassin d’emploi de Saint-Nazaire, la Délégation Régionale EDF des Pays de la Loire, EGD Nantes Atlantique, RTE Ouest, Lafarge Bénin….

Message à ceux qui font l’ESS

C’est particulièrement vrai pour les acteurs de l’ESS qui doivent prendre en compte globalement ce sujet de société. La jeunesse à la dérive est un problème épineux, qui faute de moyens et de débats, c’est une « bombe à retardement ». Il en est de même de la coopération, on ne peut penser ESS sans se projeter à l’échelle des pays qui ne bénéficient pas des mêmes capacités, sans pour cela sombrer dans la « charity bisness ». L’ESS est un tout qui dépasse les frontières, ces jeunes peuvent devenir de formidable vecteurs de ces besoins de réciprocité.

Accepter de partager les souffrances produit de la richesse.

Proposition pour influencer les décideurs

Le coût de l’enfermement est exorbitant dans les EPM, nous devons être proche de 800€/jour. Un chantier d’échange et de solidarité réciproque, c’est une forme innovante de coopération qui fait appel aux forces vives du pays qui accueille (famille d’accueil, entreprise d’accueil, compagnie de CRS, collectivités locales, conseil des sages…) a un coût tout compris coopération et insertion de 200 €/jour/jeune dans le cadre d’un chantier d’insertion.

Nous sommes dans la prévention du devenir de ces jeunes, et de l’évitement de coûts sociaux exorbitant dans la mesure où l’enfermement sur des courtes peines est insuffisant.

Propositions pour convaincre l’opinion

L’enfermement des mineurs, le tout sécuritaire a été un non choix pour la population en général. L’opinion est favorable y compris au sein de l’administration pénitentiaire au développement de l’alternative à la peine notamment pour les jeunes générations en rupture.

Présentation de l’initiative (Quoi ?)

Emmener au Bénin des jeunes de 16 à 22 ans au parcours un peu chaotique pour qu’ils y trouvent, par le don d’eux-mêmes, de leur temps et de leur travail, la force de se remettre en selle en France dans de bonnes conditions, c’est le challenge que se sont donné deux associations de Loire-Atlantique et des partenaires.

Fin 2004, l’association Accès Réagis, les Missions locales du Bassin d’emploi de St Nazaire, la protection judiciaire de la jeunesse et Electriciens sans frontières ont débuté une réflexion pour poser les bases du projet de chantier. La mise en œuvre de ce projet a été confié à Accès Réagis en collaboration avec Electriciens sans frontières.

Ces deux associations organisent conjointement, pour ces jeunes en insertion de Loire Atlantique, une étape de décadrage avec la société française. Avec l’aide, entre autre, de la Région Pays de la Loire et du Conseil Général de Loire Atlantique, elles les immergent dans la société africaine dans le cadre d’une action de solidarité.

La première action, en 2006, fut la construction d’une école dans la banlieue de Porto Novo, au Bénin. Dans ce pays, le plan de développement du gouvernement est très ambitieux dans le domaine de l’enseignement mais ses moyens sont limités et il est obligé de faire appel à des ressources externes. La France a une histoire commune avec ce pays et cette action au Bénin s’inscrit parfaitement dans la politique de solidarité de notre nation. Mais l’aide du Nord vers le Sud conduit toujours, malgré l’intérêt réel d’apporter un appui à ces pays amis, à une situation de dépendance de ces derniers vis à vis des états, des ONG et associations du Nord.

L’originalité de cette action est donc exemplaire car elle met en situation de réciprocité les Béninois qui reçoivent un appui au développement, mais qui, en échange, accueillent ces jeunes dont l’identité est atteinte. En leur montrant les coutumes et les valeurs de leur pays, ils les aident à créer cette rupture nécessaire et à retrouver la confiance et l’estime d’eux-mêmes .Leur réintégration dans la société française est ainsi facilitée. L’originalité repose également sur la solidarité que cette action engage autres des organismes, institutions, collectivités, juges, travailleurs sociaux … pour que ces jeunes construisent leur chemin.

Chaque année depuis 2006, c’est donc une dizaine de jeunes en grande majorité faisant l’objet de mesure judiciaire partent vivre ce décadrage et reviennent différents, enrichis. Ils ont rompu avec leur quotidien, se sont ouverts à une autre culture et ont retrouvé des valeurs de solidarité. A eux ensuite de mettre en œuvre leur projet de vie.

Le recul que nous avons sur cette action nous permet d’affirmer son efficacité sociale et économique. Le challenge reste d’en convaincre tous nos partenaires.

Quelles alliances positives ?

Les alliances se construisent sur le territoire entre les collectivités et le tissu économique et social. Ce sujet majeur est de la responsabilité de tous les acteurs du territoire. Une des conditions de la réussite, c’est que cette action soit ouverte et suscite le débat y compris la controverse.

Ressources, financements et moyens utilisés

De multiples financements ont été croisés pour réaliser ces missions avec un soutien très timoré des collectivités sur le volet insertion/prévention à contrario de la coopération. Autres financements : les fondations d’entreprises, les fonds privés (donateurs), de l’apport en industrie (bénévolat Electriciens sans frontières, du matériel), des financements des collectivités Béninoises.

Synthèse de mon indignation en une seule phrase

On ne peut pas laisser de plus en plus de jeunes sans projet de vie, en rupture avec la société

Témoignages

Film à disposition