La société de la connaissance est un droit pour tous

Cahier de l’entrée Se former /Apprendre 

Argumentaire

Le monde du travail demande des qualifications aux salariés. En effet, plus de 70% des offres d’emploi comportent un critère formation (1). De plus, le taux de chômage 1 à 4 ans après la sortie du système scolaire des personnes sans qualifications et de 49,2% (2) contre 23,1% pour les BEP/CAP/Bac, et 9,6% pour les sortants d’études supérieurs. La formation est donc devenue aujourd’hui incontournable pour pouvoir s’insérer dans le monde du travail.

Les chantiers d’insertion salarient (pour des contrats allant de 6 mois à 2 ans maximum) des personnes éloignées de l’emploi. Depuis plusieurs années, nous avons fait le constat que ces personnes sont également éloignées des systèmes de formation. Les raisons sont multiples : non-maîtrise du socle des compétences-clés, échec scolaire, refus de se former ou non accès aux formations (à cause du statut, de problèmes de mobilité…), offre de formation non adaptée. Il est établi que 40% des salariés en insertion sur les structures ont un niveau d’étude inférieur au CAP/BEP (3). Sur nos chantiers ce chiffre atteint 80%.

Il est donc urgent et indispensable de former les personnes ou de leur (re)donner l’envie et la possibilité de se former.

(1) Centre d’Études de l’Emploi, janvier 2005

(2) INSEE, 2009

(3) DARES, mars 2011

Conditions du développement

Il est nécessaire de développer une ingénierie de formation au niveau pédagogique (développer des outils, se former…) mais aussi au niveau administratif et financier.

La pérennité de l’action passe nécessairement par une reconnaissance des actions de formations développées par les chantiers d’insertion. En effet, pour permettre à la personne de progresser de manière globale sur son rapport au travail une action d’insertion doit allier le travail, la formation et l’accompagnement.

Données chiffrées

Nombre de salariés en insertion ayant suivis l’action en 2010 : 165 (dont 76 jeunes)

En 2010, sur les trois structures, 30% des jeunes (- de 26 ans) ont suivis une formation pendant ou après leur contrat.

En 2011, nous estimons à environ 200 le nombre de personnes qui bénéficieront de formation interne (Ergoform).

Facteurs de succès

Pour qu’une telle action soit effectivement mise en place, il est nécessaire que toutes les parties-prenantes soient associés à ce projet. Nous entendons par partie-prenante :

  • les salariés en insertion : la formation doit être présentée comme étant indissociable du travail effectué sur les chantiers.

  • les encadrants : ils portent la majeure partie de la formation interne, il est donc nécessaire que les encadrants intègrent la posture pédagogique dans leur travail (exemple : construire et mettre en œuvre des guides d’apprentissage).

  • les prescripteurs : pour orienter au mieux les personnes éloignées de l’emploi et de la formation dans un dispositif qui corresponde au mieux à leur besoin, les prescripteurs doivent connaître les fonctions d’un chantier d’insertion et intégrer la notion de chantier apprenant.

  • les financeurs : il est nécessaire d’obtenir l’adhésion des financeurs à la pratique de la formation sur les chantiers : d’une part pour apporter de l’ingénierie financière et d’autre part pour cofinancer cette action.

Impacts de l’initiative

Le fait d’agir avec les personnes fragilisées sur le marché du travail contribue à assurer le développement d’un territoire :

  • le fait qu’un individu puisse se former et ainsi monter en qualifications grâce à son travail entraine une structuration et un élargissement des compétences des chantiers d’insertion.

  • un chantier d’insertion qui investit les cinq fonctions de sa mission (employeur, accompagnement, formation, production, développement local) renforce sa place et ses partenariats sur son territoire.

  • un chantier d’insertion impliqué et acteur enrichit son territoire.

L’organisation

Cette action a pu se mettre en place et se développer grâce à la mutualisation de projet et de moyens entre plusieurs structures. Cela a permis de déployer une ingénierie de formation avec l’embauche d’une coordinatrice et de formateurs.

La structure, porteuse de l’initiative

Il est nécessaire que la structure soit reconnue Organisme de Formation (ou une des structures dans le cas d’un regroupement).

Le modèle financier

Pour assurer la pérennité d’une action comme celle-ci il est essentiel que les financeurs soient convaincu de la légitimité du dispositif. Il importe donc de communiquer auprès d’eux pour démontrer la plus-value de ce type d’action.

Les acteurs (Qui ?)

L’action a été mise en œuvre par deux structures d’insertion (Accès Réagis et Inseretz) et une troisième les a rejointes (Aire).

Les jeunes

Une action spécifique est mise en place en faveur des jeunes (16/25 ans). Il s’agit d’une action de formation spécifique sur les apprentissages de base, l’échange pour développer la socialisation (Quelle place je prends dans la société ? Comment je m’exprime ?), basée sur la pédagogie du jeu, le sport éducatif (tir à l’arc, escalade, boxe…), et le projet personnel et professionnel.

Message aux décideurs

La formation doit être accessible à tous : c’est ce que prévoit la loi à travers les dispositifs de formation tout au long de la vie (Congé Individuel de Formation, Droit Individuel à la Formation, Formation Continue). Contribuez à sa réelle mise en œuvre en développant l’information et en allouant les moyens nécessaires.

Message à ceux qui font l’ESS

La formation doit être accessible à tous : nous devons nous organiser, coopérer, travailler ensemble à monter des projets. C’est ce qui fait fait la richesse et ce qui renforce les acteurs de l’ESS.

Présentation de l’initiative (Quoi ?)

Nous avons développé une action qui répond au besoin de formation des salariés des chantiers : l’action Ergoform (du grec ergon : travail, et form : contraction de formation). Les objectifs de l’action sont de permettre aux personnes de développer d’une part les capacités et les comportements attendus en société et en entreprise (socle de compétences-clés), et d’autre part leur permettre d’acquérir des compétences techniques. Les apprentissages alternent des temps hors-production, et des temps en production toujours sur le temps de travail rémunéré. Les thèmes développés vont de la sécurité au travail à la notion de processus opératoire.

L’action répond à une unité pédagogique :

  • unité d’équipe : les salariés(es) en insertion sont accompagnés par une équipe qui intervient sur tous les temps du contrat : directeurs, encadrants (-es), formateurs (trices), coordinateur pédagogique, coordinatrice formation, service administratif)

  • unité de lieu : la mobilité étant un frein à l’emploi courant pour les personnes en parcours d’insertion, l’action se déroule sur le lieu de travail

  • unité d’action (travail/formation/insertion) : les personnes s’inscrivent dans une démarche globale.

Ergoform est donc une action de formation sur le socle de compétences-clés et permet de réconcilier les salariés en insertion avec les dispositifs de pré-qualifications et de qualifications. Ainsi l’action ne vient pas concurrencer les organismes de formations ou les dispositifs existants mais permet aux salariés en insertion d’y accéder ; et participe de ce fait au besoin de formation tout au long de la vie.

Quelles alliances positives ?

Le partenariat entre plusieurs structures d’insertion a été à la base de ce projet. Puis la participation des financeurs (accord-cadre public/privé) a permis de le mettre en œuvre.

Ressources, financements et moyens utilisés

Le coût pédagogique provient à 60% de fonds publics (Conseil Régional des Pays de la Loire et du Conseil Général de Loire Atlantique), et à 40% de fonds privés (Uniformation, autofinancement). Le coût salarial des personnes en insertion est supporté par l’État à travers les contrats aidés.

Synthèse de mon indignation en une seule phrase

Les personnes en insertion n’ont pas accès aux formations alors que la connaissance est un facteur d’émancipation personnel et professionnel.

Témoignages

Bernard, Romuald, Valérie, Fatia, Nordine et Marc sont réunis autour de Christophe pour la 2ème séance de la formation « fabrication des tables de pique-nique ».

La première séance abordait la notion de processus opératoire et s’appuyait sur un dossier papier à compléter. Le début de la séance du jour se présente comme la précédente : une approche théorique sur papier. Cependant, il s’agit cette fois de préparer un geste technique, l’utilisation en sécurité de la scie radiale. Presque tous les participants à cette formation ressentent une appréhension à utiliser cette machine.

De l’avis général, le papier ne motive pas beaucoup :

« Encore ! »

« C’est la même chose que la dernière fois »

Le travail théorique fini malgré tout par se faire. C’est lors de la prise en main de la scie radiale qu’un déclic à lieu. Même si beaucoup éprouve des difficultés à manipuler les trois points de commande de la scie, tous dépassent leurs craintes.

Romuald en arrive à cette conclusion : « le papier ça m’plaisait pas mais finalement c’était important de découvrir la machine sur les dessins avant la pratique »

Romuald et ses collègues ne travailleront probablement pas avec une scie radiale dans leur futur emploi mais ils ont compris que les aspects théoriques d’une formation servent à développer ses compétences et la qualité d’un geste pratique.