Cahier de l’entrée Financer / épargner
Le système bancaire français a « bancarisé » la quasi-totalité de la population en donnant à tout un chacun la possibilité d’ouvrir un compte et d’utiliser des moyens de paiement modernes et sûrs.
Toutefois une part importante de notre population reste exclue de nombreux services bancaires.
En effet, les banques sous-évaluent le potentiel des clients modestes. Leurs méthodes d’analyse de risques éliminent trop souvent ce type de clientèle.
En France, les directions des banques on préféré abandonner les « petits » marchés de crédit, plutôt que d’investir pour les exploiter rentablement. A titre d’exemple, l’absence d’offre de crédits bancaires à certains profils de clients (salariés intérimaires ou en CDD, personnes vivant des situations de transition liées à des « accidents de la vie » perte d’emploi, maladie, divorce…) est significative.
En outre si les clients emprunteurs de la banque peuvent sembler être relativement protégés grâce à une analyse rigoureuse de leur capacité à rembourser, cette protection paradoxalement peut devenir vecteur d’exclusion bancaire et financière.
La crise économique actuelle aggrave la tendance des banques à se protéger des risques qu’elles ne comprennent pas soit en éliminant les demandes de crédit émanant des foyers modestes, en limitant et en rationnant les crédits qu’elles consentent, soit en augmentant la profitabilité de ce segment vulnérable par la multiplication des activités et produits à commissionnement.
Le constat qui est dressé ici porte essentiellement sur des questions d’accès. Il est renforcé par la difficulté réelle de quantifier ce qu’est l’exclusion bancaire ; cette méconnaissance actuelle en France du nombre de personnes qui ne peuvent avoir accès au compte ou qui en ont un usage restrictif ou bien qui ont des difficultés d’accès au crédit, en est l’illustration.
En outre ce manque de connaissance a comme incidence négative de trop souvent laisser de côté les questions d’usage des services bancaires et occulte la mauvaise qualité de certaines pratiques bancaires.
Les porteurs du Manifeste doivent saisir toutes les opportunités (du colloque à l’évolution réglementaire ou législative sur des questions d’inclusion bancaire, de l’usage des media à l’interpellation des parlementaires…pour faire vivre ce Manifeste, ce qui impactera nécessairement l’opinion publique.
Quels sont les critères incontournables pour mettre en œuvre votre initiative
Le passage par le véhicule législatif s’impose avec une Loi prescriptive définissant les grands principes du Manifeste.
L’intervention de l’Autorité de Contrôle Prudentiel (notamment pour la collecte de l’information) nécessite qu’un nouvel article de loi lui confie cette mission.
De même pour l’outil financier, à savoir le Fonds de Cohésion Sociale, un aménagement de la loi de Cohésion Sociale est nécessaire.
Enfin le véhicule législatif – pour le moins réglementaire – est indispensable pour les fonctions de collecte et analyse de l’information et pour le principe de certification (Institut).
De même, et en parallèle, des accords interprofessionnels peuvent être développés.
L’objectif principal de la certification est de distinguer les établissements financiers qui développent et mettent en œuvre des politiques dynamiques visant à favoriser l’accessibilité bancaire.
Il est donc normal que les établissements financiers les plus engagés voient leurs efforts reconnus et bénéficient de bonification.
La reconnaissance sera assurée par la plus large publicité accordée au niveau de certification décernée à l’établissement financier. Outre la publication du rapport de certification dans le cadre de la publication des documents annuels, les établissements financiers pourront faire état du niveau de certification obtenu dans leur communication.
De plus chaque établissement financier informera annuellement – et ce de manière individuelle – chacun de ses clients par un courrier particulier du niveau de certification obtenu, accompagné des explications sur sa signification.
L’effet recherché ici est celui de réputation.
Mais le Manifeste s ‘appuie aussi sur une autre entrée financière, en l’occurrence un principe de bonification : L’Etat, les Etablissements Publics et les Collectivités Territoriales recourent très régulièrement aux services des établissements financiers pour la réalisation de leurs opérations de service (paiement des prestations sociales / transferts de fonds…) ou de trésorerie (émission de bons du trésor / autorisation de distribuer des livrets A d’épargne).
Dans le cadre de procédure dont les modalités devront être précisées pour ne pas enfreindre les règles de la concurrence, l’Etat, les Etablissements Publics et les Collectivités Territoriales devront tenir compte dans leur appréciation des offres qui leurs seront remises par les établissements financiers du niveau de certification obtenu par ces derniers.
Les établissements financiers qui se seraient vu refuser leur certification ne seraient pas habilités à soumissionner aux appels d’offre.
un calendrier avec des opportunités
Un contexte d’actualité qui fait que les banques doivent reprendre leur métier d’origine et leur rôle initial.
Une évolution nécessaire du Fonds de Cohésion Sociale.
Les analyses toujours d’actualité du Rapport de la mission sur la modernisation de la distribution du Livret A et des circuits de financement du logement social.
Les travaux de la Commission JUPPÉ / ROCARD sur le Grand Emprunt National.
Le calendrier électoral avec la prochaine échéance de l’élection présidentielle, moment favorable à un large débat public et démocratique.
En approche plus prospective, un contexte de maîtrise du risque qui obligera à repenser les modèles (du fait de l’augmentation actuelle du coût du risque) ; cela débouchera sur la mise en place de plans de révision avec l’obligation d’une approche préventive plus accentuée et en parallèle à cette évolution, le développement d’un système assurantiel plus fort afin de mieux maîtriser les risques y compris du côté du consommateur. Cette évolution peut se lire en plein ou en creux, en plein car c’est l’obligation d’un changement de pratiques dans la distribution des crédits par exemple, en creux avec le risque d’une plus grande exclusion financière.
L’exclusion bancaire est par nature une composante de l’exclusion sociale. Elle en est à la fois cause et conséquence.
Préciser la nature de l’exclusion bancaire est essentiel.
Au regard des personnes et ménages confrontés à des ruptures de parcours (perte d’emploi, divorce, problèmes de santé…) ou à des difficultés structurelles (précarité installée, chômage de longue durée…), ce besoin de précision est fondamental car, pour nombre de personnes trop « risquées » ou insuffisamment solvables pour bénéficier de traitement personnalisé, la prestation bancaire qui leur est proposée est trop souvent largement inadaptée.
Ainsi, au regard de l’information collectée concernant les pratiques bancaires, il est utile de définir des indicateurs d’inclusion financière que les banques s’engageraient à respecter. Ces indicateurs doivent prendre en compte les efforts d’accès et d’usage. Les informations volumétriques globales attendues doivent constituer des références de calcul pour chaque banque.
Cela permettra d’une part de calculer des parts des marchés « atypiques » détenues par chaque banque, d’autre part – en affectant ces indicateurs de coefficients de pondération – d’avoir une image de la « qualité » de la politique conduite : en d’autres termes les produits et / ou services offerts correspondent-ils vraiment aux besoins des populations concernées ?
Les indicateurs peuvent être calculés par segmentation de clientèle à un niveau national (avec la difficulté de traitement des banques à compétence régionale) et par segmentation territoriale ; il conviendra à cet égard de trouver des zones « significatives » pour donner du sens à l’accessibilité : traiter de façon uniforme un département ou un groupe bancaire, par exemple
Cette initiative est obligatoirement pluri partenariale et ne verra l’apparition d’une organisation juridique qu’avec la mise en place de l’institut préconisé et de l’évolution du Fonds de Cohésion Sociale.
A l’initiative du Secours Catholique, le Manifeste est porté par trois grands réseaux sociaux : le Secours Catholique – la Croix Rouge – un 3ème grand réseau proche des collectivités locales (en cours de négociation).
Le Manifeste d’accessibilité bancaire interpelle quatre grandes familles d’acteurs et décideurs en France, avec :
La profession bancaire (établissements bancaires et financiers et leurs syndicats professionnels : Fédération Bancaire Française (FBF) – Association des Sociétés Financières (ASF)….
Les Pouvoirs publics : Etat, Gouvernement, Parlement, Collectivités territoriales et les grands établissements publics ou assimilés concernés : Banque de France – Caisse des Dépôts et Consignations, Conseil Economique, Social et Environnemental….
Les réseaux sociaux : grands réseaux associatifs, associations caritatives, associations de consommateurs…
La communauté scientifique intervenant sur les questions d’inclusion bancaire.
Les questions d’accessibilité bancaire, d’inclusion financière sont des éléments essentiels à notre société.
L’accès adapté de tout un chacun aux produits et services bancaires s’inscrit dans les droits essentiels et fondamentaux de la personne, comme l’accès à l’eau ou à l’énergie par exemple.
Le Secours Catholique est bien un acteur du champ de l’économie sociale et solidaire.
Et aura aussi, en synergie, d’influencer les décideurs politiques et les décideurs bancaires.
Au delà de la seule accessibilité et pour prendre en compte la question des usages, il convient de bâtir une offre bancaire appropriée aux personnes concernées.La présentation de cette initiative est actuellement en cours de réflexion par le Secours Catholique et ses partenaires. Ainsi, elle pourra faire l’objet de modifications ultérieures.
Le Secours Catholique est convaincu que la collectivité nationale (en l’occurrence l’Etat) se doit de proposer de manière claire, politiquement forte et lisible, un cadre de référence d’accessibilité (en l’occurrence ici d’accessibilité bancaire appropriée) par voie réglementaire ou législative.
Il s’agit d’inverser la tendance naturelle des marchés à exclure les clients modestes jugés non ou insuffisamment rentables, et à inverser l’incapacité de ces marchés à satisfaire de manière appropriée les besoins bancaires de toute une partie de la population française. Il s’agit donc de permettre l’accès approprié à la banque pour un plus grand nombre de personnes.
Ce principe d’intervention s’appuie sur l’obligation qui sera faite aux instances de contrôle et de régulation bancaire à certifier les banques sur leurs actions facilitant l’accessibilité bancaire par populations et territoires servis mais aussi à prendre en compte la qualité d’usage des services bancaires.
Concrètement les banques sont appelées à intervenir au sein des marchés mal desservis, à veiller à ce qu’un pourcentage significatif des services proposés porte sur des services financiers.
Ce dispositif ne s’entend qu’avec un système d’information approfondi permettant de publier une base de données complète et disponible.
Les grandes orientations de ce dispositif s’appuient sur des principes de forte incitation.
Le principe d’incitation consiste notamment à encourager fortement les établissements bancaires à mettre en œuvre des actions positives en direction des populations jusqu’alors exclues (par l’accès et par l’usage approprié) et connaissant des difficultés d’insertion financière.
Pour ce faire l’instance de régulation préconisée attribue – à partir d’une multiplicité d’indicateurs – une certification publique annuelle à chaque institution bancaire et financière, à l’occasion des contrôles qu’elle effectue. Plusieurs domaines peuvent être pris en compte avec par exemple l’octroi de crédits et l’offre de services aux particuliers ciblés, les prêts immobiliers, l’investissement apporté dans les territoires prioritaires, l’appui aux structures d’accompagnement…
De même, cette instance veillera à analyser les difficultés d’usage et donc la qualité de cet accès.
Concrètement ce dispositif s’articule autour de deux pôles :
Le premier de ces pôles a comme fonction la collecte et le recensement de l’information la plus fine et la plus approfondie dans le cadre des relations des banques avec leurs clients et tout particulièrement avec ces nouveaux publics issus de l’exclusion financière. Il est l’outil de certification.
Sous forme d’institut, il joue aussi un rôle de plate-forme d’étude et de recherche et d’impulsion quant à la mise en œuvre de programmes d’éducation financière.
Le second de ces pôles constitue l’outil financier du dispositif. Il s’agit d’un fonds financier doté par les pouvoirs publics (Etat principalement voire collectivités territoriales) et par la profession bancaire (sous forme de cotisation obligatoire).
Sa fonction essentielle est de fournir aux banques les plus engagées dans cette mission d’accessibilité bancaire, les moyens financiers nécessaires permettant de pallier les surcoûts du refinancement de ce type d’engagement et ceux d’une gestion plus personnalisée des relations avec ces clientèles.
Les missions principales de l’Institut préconisé sont les suivantes :
Collecter les informations bancaires et publiques pour établir une base de données permettant l’analyse de la prestation bancaire, et des besoins des territoires et groupes sous-bancarisés.
Fournir ces données et leur analyse aux banques, aux acteurs sociaux, aux chercheurs et au grand public et faciliter le dialogue entre l’ensemble de ces acteurs.
Réaliser, sur la base de ces données et de la coopération avec les banques et les acteurs sociaux, des programmes de recherche, d’études et d’analyses opérationnelles… permettant d’évaluer l’adéquation des prestations financières et principalement bancaires aux besoins des populations et territoires visés.
Proposer en association avec les banques et les acteurs sociaux, des conférences et formations pour les associations et pour leurs adhérents, sur les produits et les méthodes de la banque, sur l’utilisation du crédit et sur la citoyenneté financière.
Procéder à la certification des établissements bancaires et financiers.
Cette certification doit être juste et rigoureuse. Pour ce faire, elle doit être validée (par l’Autorité de Contrôle Prudentiel) c’est-à-dire avalisée dans son principe et dans son architecture – un corps d’indicateurs (notamment de performance et de résultat) doit être proposé et certifié – mais indépendante dans ses analyses et contenus.
La certification doit porter sur l’accès aux produits et services bancaires mais aussi sur leurs usages par et pour les publics visés.
Cette certification s’impose mais elle doit en amont permettre la production de rapports contradictoires.
Il semble utile que cette certification prenne en compte la taille de l’établissement pour la rendre juste et se protéger des stratégies d’affichage.
Cette certification est rendue publique ; cela permet de renforcer l’approche de réputation pour les organismes bancaires et financiers ; une entrée Responsabilité sociétale de l’entreprise ou développement durable semble pertinente. Il s’agit ici de penser le concept de rating social comme outil d’inclusion financière, avec un effet favorable pour l’établissement bancaire concerné par un avis positif : la nouvelle norme ISO 26000 trouve dans cette approche un écho favorable en crédibilisant la communication des entreprises bancaires à propos de la responsabilité sociétale, en valorisant les résultats obtenus et en améliorant les liens avec les clients, par un accroissement de la satisfaction et de la confiance.
De plus, la certification peut être couplée avec un principe de bonification permettant aux banques, par exemple, de mieux accéder à des opérations ou appels d’offre de l’Etat.
Concernant cet outil financier le Manifeste préconise de faire évoluer un support existant, à savoir le Fonds de Cohésion Sociale, pour lequel le Manifeste appelle à un véritable changement de paradigme : son objet doit être plus large que le seul micro crédit, sa dotation financière (Etat par des financements interministériels, collectivités territoriales et de manière conséquente banques et établissements financiers) pluriannuelle, et surtout son champ d’intervention doit être plus complet avec un volet garantie – un volet bonification – un volet financement de l’Institut.
Il est fondamental de créer des alliances afin que ce Manifeste rencontre ses cibles, au sein du secteur bancaire, au sein de l’administration et des pouvoirs publics, au sein de la représentation parlementaire mais aussi auprès des Collectivités territoriales, et enfin – et ce de manière forte – en direction du secteur social et associatif.
Le financement de l’ensemble sera assuré in fine via le Fonds de Cohésion Sociale financé alors par l’Etat, sur une base interministérielle, les Banques et établissements financiers sur la base de leur taille telle qu’elle ressort du montant de leur total de bilan ; les Collectivités territoriales, principalement les Régions et les Départements, pourraient aussi abonder, de manière volontaire, le Fonds.
L’exclusion de plusieurs millions de personnes des produits et services bancaires adaptés est inacceptable.
Ainsi, la proposition de la mise en place d’un principe d’incitation / régulation en direction des organismes bancaires, dans le cadre de l’accessibilité bancaire, s’impose.
LES PROPOSITIONS PRESENTEES SONT ENCORE EN COURS DE DISCUSSION AVEC NOS PARTENAIRES ET DONC PAS DEFINITIVES
« Un compte bancaire, des moyens de paiement à distance, même lorsqu’on est interdit de chéquier, des crédits adaptés, des frais réduits, un compte insaisissable, voilà ce qui est demandé par la plupart des personnes à faibles revenus et particulièrement par celles que le Secours Catholique accueille.
Mais toutes demandent, surtout, une écoute attentive et une prise en compte de leur situation. C’est ce manque d’écoute, d’attention qui est ressenti le plus durement, comme une injustice, comme une atteinte à la dignité. « On ne prend du temps qu’avec ceux qui ont de l’argent » entend-on souvent. Le refus de considérer la particularité des personnes en difficulté conduit souvent celles-ci à des situations aggravées ».